Déclaration de l’ombudsman fédérale concernant la sanction royale du projet de loi C 3

 

J’émets cette déclaration pour exprimer mon appui à l’adoption du projet de loi C‑3, qui offrira aux nouveaux juges fédéraux de la formation spécialisée sur le droit en matière d’agression sexuelle ainsi que sur le contexte social entourant le racisme systémique et la discrimination. Le projet de loi exige aussi que le public ait accès aux décisions rendues dans l’ensemble des affaires d’agression sexuelle afin d’accroître la transparence et la responsabilisation.

Bien que je salue l’intention derrière cette loi, je reconnais qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour assurer que les survivantes d’agression sexuelle soient traitées équitablement dans le système de justice canadien. Le signalement des agressions sexuelles, ainsi que les poursuites et les condamnations subséquentes, ont toujours été peu élevés, entre autres en raison de la méfiance des victimes envers le système de justice. Les stéréotypes à propos des plaignantes et les mythes entourant le viol peuvent avoir des effets négatifs sur l’efficacité des enquêtes et des poursuites dans les affaires d’agression sexuelle, et contribuent à une potentielle revictimisation des survivantes. Il n’est pas rare que les survivantes d’agression sexuelle déclarent ne pas être crues, soient interrogées comme si elles étaient des délinquantes et même que des représentants de la justice pénale les blâment pour ce qui leur est arrivé1.

Le fait d’offrir aux juges de la formation concernant le droit en matière d’agression sexuelle et le consentement, ainsi que sur la façon de lutter contre les stéréotypes, les suppositions et les préjugés négatifs à l’endroit des plaignantes assurera que les survivantes soient traitées équitablement et évitera que les juges appliquent le droit relatif aux agressions sexuelles de façon erronée. Une formation sur le contexte social est également essentielle afin d’assurer que les juges acquièrent une bonne compréhension des effets du racisme systémique et de la discrimination sur les victimes et les survivantes, et que cette compréhension guide leurs décisions.

Bien que le projet de loi C‑3 soit un premier pas dans la bonne direction, je suis consciente que ses dispositions s’appliquent uniquement aux juges nommés par le gouvernement fédéral et que cette formation n’est pas obligatoire. Pour pouvoir amorcer un changement de culture au sein du système de justice, accroître la transparence et offrir au public un meilleur accès aux décisions des juges dans les affaires d’agression sexuelle, il faudrait aussi que les survivantes disposent d’un accès gratuit aux transcriptions des audiences pour toutes les affaires. Finalement, puisque la majorité des affaires d’agression sexuelle sont instruites par des cours provinciales, j’espère que toutes les provinces adopteront des initiatives de formation judiciaire obligatoires en plus d’exigences de rendre des comptes pour démontrer leur engagement envers les survivantes et pour accroître la confiance du public dans le traitement des allégations de violence sexuelle.

Heidi Illingworth
Ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels


1 Clarke, B. (2020). Survivors of sexual violence and the criminal justice system : Reviewing a legacy of harm, the justice gap, and recommendations for advocates and allies. St. John’s Status of Women Council. En ligne : https://s3.amazonaws.com/tld-documents.llnassets.com/0022000/22716/sjsowc%20report%20nov%2026%202020.pdf