Déclaration du BOFVAC à l’occasion du deuxième anniversaire de la publication du rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées intitulé Réclamer notre pouvoir et notre place
Le 3 juin 2021 – Nous soulignons aujourd’hui le deuxième anniversaire de la publication de Réclamer notre pouvoir et notre place, le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées(FFADA). Depuis deux ans, les survivantes, les familles touchées, les défenseurs et les personnes les appuyant attendent une action ou une réponse donnant suite aux appels à la justice du rapport final, qui sont des impératifs moraux. Compte tenu des répercussions historiques et actuelles de la colonisation, et du fait que le génocide contre les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA des Premières Nations, des Inuits, des Métis se poursuit, le Canada a la responsabilité éthique de faire davantage pour mettre fin à la violence contre les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre autochtones. Les horreurs des pensionnats continuent d'ouvrir des blessures et d'avoir un impact sur les victimes, les survivants et les familles, et les 215 enfants disparus dont les corps ont été retrouvés dans ce qui était autrefois le pensionnat de Kamloops sont un douloureux rappel de cet horrible héritage. Afin d’honorer la résilience et la persévérance des familles, décolonisons notre approche et suivons l’exemple de ceux et celles qui sont les plus touchés par la violence et l’injustice.
En tant qu’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels, je suis prête à contribuer à la réforme des politiques, des programmes et des lois, et à conseiller le gouvernement sur la mise en œuvre des appels à la justice. Je reconnais que des efforts ont été faits au cours des deux dernières années par les Premières Nations et les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux concernés. Durant les séances de consultation, tous ensemble nous avons écouté des témoignages et avons tiré des leçons des nombreuses pratiques prometteuses des organismes communautaires de tout le pays. Néanmoins, on peut en faire davantage maintenant pour accélérer la mise en œuvre de ces impératifs moraux importants et culturellement pertinents. Les familles touchées et les survivantes ne méritent rien de moins.
Réalisations à ce jour
Au Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels (BOFVAC), nous tenons à collaborer en permanence avec les collectivités autochtones et les groupes représentatifs pour faire en sorte que nos conseils sur les politiques, les programmes et les initiatives législatives tiennent compte des besoins de ces collectivités. Nous avons réfléchi à nos propres services et avons embauché du personnel autochtone pour être en mesure d’offrir un service culturellement sûr aux survivantes qui communiquent avec le Bureau.
Le BOFVAC a également mis en place le Cercle consultatif autochtone (CCA) dans le but de mieux servir les populations autochtones de l’île de la Tortue. Le CCA fournit des conseils, des recommandations et des idées pour guider le BOFVAC dans son travail de décolonisation du système de justice pénale, d’aide holistique aux survivantes qui communiquent avec le Bureau et de réduction des taux élevés de victimisation des populations autochtones. Les membres du CCA sont issus de divers milieux, notamment des Premières Nations, des Inuits, des Métis, des jeunes et des aînés, et représentent toutes les régions du pays.
Activités de sensibilisation
Au BOFVAC, nous sommes conscients de la nécessité de mieux faire connaître nos services et d’instaurer la confiance dans les différentes collectivités autochtones, qu’elles soient urbaines ou éloignées. À cette fin, nous avons tenu deux forums communautaires à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, en mars 2020. En adoptant une approche axée sur la victime et les traumatismes, nous avons écouté les survivantes directement touchées par la violence nous parler de leurs expériences, leurs préoccupations et leurs idées. Compte tenu de la taille de la population des Territoires du Nord-Ouest, le taux de femmes et de filles autochtones victimisées requiert une attention urgente. En mai 2021, nous avons tenu un cercle de partage virtuel afin d’entendre les résidents du Yukon raconter leurs expériences dans le système de justice pénale et d’apprendre de ce qu’ils ont vécu. Le BOFVAC publiera un rapport résumant ce que nous avons entendu. Cet automne, nous organiserons un cercle de partage pour les résidents du Nunavut.
Le BOFVAC a rencontré le Cercle national des familles et des survivants ainsi que certains membres individuels pour qu’ils nous parlent de leurs préoccupations. Nous avons fait des présentations à des membres de l’Inuit Tapiriit Kanatami pour leur faire part de notre travail et accroître la confiance à l’égard de nos services. Nous avons aussi rencontré des dirigeants de l’Association des femmes autochtones du Canada. Nous continuons à traduire notre brochure institutionnelle dans des langues et dialectes autochtones afin de rendre nos services plus accessibles.
Contribution à la modification des politiques, des programmes et des lois
Le BOFVAC s’efforce de donner suite aux appels à la justice du rapport final, et a demandé aux ministres fédéraux d’en faire autant. Pour répondre aux appels à la justice, il faut modifier des lois, améliorer les services de maintien de l’ordre et le système de justice pénale, et mettre en œuvre des initiatives panautochtones. Il faut également élargir et améliorer les services aux victimes.
En tant qu’ombudsman, j’ai envoyé des lettres l’année dernière pour demander des changements à l’égard des politiques, des programmes et des lois. J’ai écrit une lettre à la ministre Carolyn Bennett concernant le besoin d’un financement durable pour des organisations dirigées par des Autochtones, afin qu’une suite soit donnée à plusieurs appels à la justice (1.8, 3.2, 3.7, 4.3, 4.7, 4.8, 5.6 ii, 16.19, 16.29, 17.20 et 18.7) du rapport sur les FFADA. J’ai envoyé une autre lettre à la ministre Bennett pour encourager la création d’un poste d’ombudsman ou de commissaire permanent aux droits de la personne des Autochtones et d’un tribunal rendant compte au Parlement. À mon avis, cela serait un pas concret vers la réconciliation et un engagement envers tous les Autochtones qui veulent que le gouvernement fédéral agisse de manière tangible.
Je crois que le financement des unités de liaison pour l’information à l’intention des familles devrait être permanent. Ces unités aident les familles autochtones à obtenir les renseignements connus sur leurs proches disparus ou assassinés auprès de multiples sources gouvernementales, et sont présentes dans toutes les provinces et tous les territoires. Le BOFVAC a rencontré l’équipe nationale de représentants des unités, et ses membres ont clairement indiqué que, dans certaines régions, les unités ont besoin de ressources supplémentaires pour assurer de meilleurs services aux familles et aux survivantes. Dans ma lettre au ministre David Lametti, j’ai réaffirmé que le gouvernement fédéral a des obligations envers les Autochtones de tout le pays, notamment pour garantir que les victimes et les survivants d’actes de violence disposent de ressources adaptées sur le plan culturel, afin d’aider à la guérison associée à leur perte et à leur victimisation.
Le BOFVAC a également pris contact avec le ministre Marc Miller et lui a recommandé d’accorder un financement durable permettant d’offrir des refuges et de l’aide adaptée sur le plan culturel aux femmes et aux enfants autochtones dans les centres urbains. La création de refuges culturellement sûrs accélérera le travail de réconciliation en répondant aux appels à la justice 4.1, 16.19 et 17.20 du rapport sur les FFADA.
Dans le cadre de notre travail visant à changer les attitudes et à garantir le respect des droits des victimes, nous organiserons un webinaire le 9 juin sur la défense des droits des victimes et l’éradication du racisme systémique en décolonisant le système de justice pénale. Nous devons continuer à sensibiliser les Canadiens, à faire tomber les barrières inutiles et à créer un système de justice mieux adapté, un système qui reconnaît à la fois les besoins des délinquants et ceux des victimes et de leurs proches.
Travail en cours
Le rapport final propose plusieurs initiatives pancanadiennes dont le but est de résoudre des problèmes tels que le racisme, le sexisme, la violence et les effets persistants des cas non résolus d’Autochtones morts ou disparus un peu partout au pays. Le BOFVAC s’est engagé à soutenir les initiatives ci-dessous au moyen de mémoires assortis de recommandations.
Ces initiatives comprennent les suivantes :
- L’adoption d’une stratégie nationale pour prévenir et punir les gestes de violence à l’égard des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA autochtones, pour enquêter sur ces gestes et pour indemniser les victimes. (1.5)
- La création d’un mécanisme indépendant pour rendre compte au Parlement, chaque année, de la mise en œuvre des appels à la justice du rapport de l’Enquête nationale. (1.10)
- L’élargissement des programmes d’aide juridique et l’attribution de ressources à ces programmes afin que les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones puissent jouer un rôle concret au sein du système de justice. (5.13)
- L’élaboration d’une approche améliorée et holistique à l’égard de la prestation de mesures de soutien aux personnes autochtones disparues ou assassinées. (5.6)
- La nomination d’un commissaire national à l’enfance et à la jeunesse qui servirait également de mesure spéciale visant à renforcer le cadre de responsabilisation pour les droits des enfants autochtones au Canada. (12.9)
- La mise au point de services aux victimes accessibles et adaptés sur le plan culturel pouvant être offerts à tous les Inuits et dans toutes les collectivités inuites. (16.29)
- L’établissement de services de soutien aux victimes répondant aux besoins des Métis pour aider les victimes et les familles métisses à s’y retrouver dans le système juridique et pour favoriser leur guérison. (17.28)
De concert avec les familles et les survivantes que nous avons rencontrées et celles qui ont communiqué avec nous, le BOFVAC préconise la mise en œuvre de tous les appels à la justice. En tant qu’impératifs moraux, les appels à la justice doivent être concrétisés tels qu’ils sont écrits. Au fur et à mesure que le Plan d’action national (PAN) pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles autochtones est déployé, il faudrait définir des engagements clairs assortis d’un financement et d’un échéancier. Il est essentiel que les fonds alloués répondent aux besoins des survivantes des Premières Nations, des Inuits et des Métis ainsi que des membres de leur famille. L’attribution de ces fonds doit mettre l’accent sur les programmes locaux de prévention et de guérison dirigés par des Autochtones, au niveau communautaire. Il doit également y avoir une surveillance et une obligation de rendre compte qui sont appropriées pour les engagements du PAN.
Le Canada peut prendre des mesures concrètes et utiles dès maintenant pour reconnaître le besoin urgent de protéger toutes les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones, qui sont de précieuses mères, filles, sœurs, tantes, cousines et petites-filles. Elles ont le droit de vivre dans la dignité, à l’abri de la peur et en sécurité.
Je voudrais dire miigwech, maarsii, nakurmiik à toutes les survivantes et à tous les membres des familles de femmes et de filles autochtones disparues ou assassinées, y compris les familles des personnes de diverses identités de genre, qui ont fait part de leur douleur la plus profonde afin d’obtenir justice. Nous demeurons solidaires à vos côtés.