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- Réparer le préjudice : Rapport spécial sur le dédommagement des victimes d’actes criminels au Canada
Réparer le préjudice :
Rapport spécial sur le dédommagement des victimes
d’actes criminels au Canada
Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels
Automne 2021
Table des matières
Message de l’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels
Définir le dédommagement
Le dédommagement dans la Déclaration des Nations Unies
Le dédommagement dans le Code criminel
Amende tenant lieu de confiscation
Le droit de demander un dédommagement à titre de droit quasi constitutionnel
La Charte canadienne des droits des victimes (CCDV) : Le droit de demander un dédommagement
Le dédommagement en pratique.
Les victimes méritent mieux
Pratiques exemplaires en matière de dédommagement
Nouvelle-Écosse
Saskatchewan
Colombie-Britannique
Résumé des pratiques exemplaires canadiennes
L’Angleterre, le Pays de Galles et les Pays-Bas
Les États-Unis : Le Vermont et la Californie
Secteurs d’intérêt
1. Obstacles liés à l’accès au dédommagement
Défis auxquels les victimes sont confrontées
Insatisfaction des victimes à l’égard du système de justice
Absence d’un mécanisme d’exécution.
Établissement d’un mécanisme de recouvrement centralisé
2. Établissement de rapports sur les ordonnances de dédommagement à l’échelle du Canada
Un appel à la transparence
Établissement de rapports à l’échelle nationale
Dédommagement et récidive
3. Une approche de justice réparatrice
Le rôle des victimes dans le système de justice pénale
Favoriser les réparations par rapport au dédommagement
Recommandations de l’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels
Conclusion
Références
Annexe A : Infographie sur le dédommagement du BOFVAC
Je suis heureuse de présenter ce rapport spécial sur le dédommagement des victimes d’actes criminels, lequel fait suite à l’analyse et aux recommandations contenues dans notre Rapport d’étape sur la Charte canadienne des droits des victimes (2020). Le dédommagement est un montant qu’un délinquant verse à la victime pour couvrir les pertes financières qui résultent du crime. Le tribunal rend des ordonnances de dédommagement afin d’aider à réparer une partie des préjudices causés aux victimes d’actes criminels, pour encourager les délinquants à assumer la responsabilité de leurs actes, pour empêcher les délinquants de profiter de leurs actes criminels et pour dissuader les autres de commettre des actes criminels.
Si tous les ordres de gouvernement doivent honorer les engagements qu’ils ont pris envers les victimes d’actes criminels, le dédommagement est un aspect fondamental susceptible d’amélioration, en plus d’être directement lié à une partie des plaintes que le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels (BOFVAC) reçoit. Le présent Rapport spécial examine l’échec systémique des représentants et des institutions de la justice pénale à faire exécuter activement (avec quelques exceptions dignes de mention) le paiement des ordonnances de dédommagement au Canada. Il met en évidence les difficultés excessives imposées aux victimes d’actes criminels en ce qui a trait au dédommagement. Enfin, pour renforcer les rétablissements des victimes d’actes criminels à l’échelle de la nation et leur conférer une protection contre le délinquant conformément aux exigences de la Charte canadienne des droits des victimes (CCDV), il formule des recommandations et propose des solutions visant à améliorer l’assistance de l’État en ce qui a trait au recouvrement du dédommagement ordonné par le tribunal.
Les statistiques canadiennes laissent entendre qu’on y ordonne rarement un dédommagement. Selon les données provenant de Statistique Canada, entre 2014 et 2019, un maigre 1,6 p. 100 de toutes les affaires jugées devant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes ayant abouti à un verdict de culpabilité ont donné lieu à une ordonnance de dédommagement. De surcroît, nous ne disposons pas de suffisamment de données nationales exhaustives pour indiquer à quelle fréquence un dédommagement ordonné par un tribunal est effectivement versé. Les juges autant que les tribunaux semblent hésitants à ordonner un dédommagement, car ils estiment que les délinquants sont généralement insolvables. Lorsqu’un dédommagement est ordonné, les victimes sont confrontées à des difficultés excessives lorsqu’elles tentent de faire exécuter par elles-mêmes ces ordonnances des tribunaux devant des tribunaux civils. En se déchargeant du fardeau associé à l’exécution sur les victimes, les gouvernements manquent à leur devoir de protéger les victimes contre leurs délinquants, en plus de créer des obstacles pour les victimes, par exemple des dépenses supplémentaires, des sentiments de revictimisation et une perte de productivité. Cela est injuste et inhumain.
Les institutions de justice pénale ont la responsabilité de s’assurer que les délinquants respectent les ordonnances de dédommagement des tribunaux, car les victimes d’actes criminels méritent une réparation équitable pour les préjudices subis. Bien qu’un dédommagement ne puisse pas intégralement « remettre la partie lésée dans la position antérieure », il s’agit d’un mécanisme important pour les victimes d’actes criminels, et lorsqu’un tel dédommagement est ordonné et payé, il peut accroître leur satisfaction générale à l’égard du système de justice pénale. Surtout, il reconnaît aussi que les intérêts personnels de la victime ont été touchés par la perpétration de l’acte criminel. Des recherches menées dans d’autres pays ont montré que le paiement du dédommagement réduit la récidive chez les délinquants. Plus important encore, le dédommagement a le potentiel de réparer les préjudices financiers, voire relationnels, causés dans la foulée d’un acte criminel. Il vise à faire du délinquant une personne productive en imposant une peine qui est liée à l’infraction et il tente de remettre une victime à la place qu’elle occupait avant l’infraction. Cela ne résoudra peut-être pas tous les problèmes psychologiques dont souffre une victime en raison de l’infraction, mais cela peut l’aider à composer avec une partie des problèmes financiers pouvant être survenus.
Les victimes signalent au BOFVAC que les fonctionnaires ne les informent pas de leur droit de demander réparation ou ne leur donnent pas de renseignements à propos de ce processus, et ce, malgré les exigences auxquelles ils sont assujettis à cet égard en vertu de la Charte canadienne des droits des victimes et du Code criminel. Cette absence de sensibilisation est problématique : les victimes doivent connaître leurs droits, et les fonctionnaires et les institutions gouvernementales ont la responsabilité d’informer les victimes pour assurer l’équité procédurale. Lorsqu’un dédommagement fait l’objet d’une ordonnance, l’État devrait s’acquitter du fardeau en matière d’exécution pour des motifs de sécurité, reconnaissant que, en règle générale, les victimes ne souhaitent pas entretenir un contact continu avec le délinquant.
Il est nécessaire, autant pour les délinquants condamnés au niveau provincial, où les peines de probation et avec sursis peuvent comprendre un dédommagement, que pour ceux condamnés au niveau fédéral, d’adopter une approche active en matière d’exécution. Les victimes et le public s’attendent à ce que les représentants de la justice pénale fournissent des renseignements et de l’aide aux délinquants afin qu’ils puissent s’acquitter de leurs ordonnances des tribunaux. Il s’agit à la fois d’un impératif moral et d’une intervention qui tient compte des traumatismes à l’égard de la victimisation. Cependant, à l’heure actuelle, les organismes fédéraux et provinciaux adoptent une approche passive en matière d’exécution et omettent de tenir les délinquants pleinement responsables du paiement du dédommagement. La responsabilité en matière d’exécution devrait incomber à l’État, pour que les victimes n’aient pas à confronter les délinquants. Lorsque le dédommagement fait l’objet d’une ordonnance du tribunal, les organismes ayant la responsabilité de superviser les délinquants doivent adopter une approche active axée sur les victimes en matière d’exécution, car le paiement du dédommagement renforce la sécurité publique en augmentant le sentiment de responsabilité personnelle éprouvé par les délinquants et en assurant qu’ils ne profitent pas de leurs crimes. Une telle approche pourrait également réduire la récidive.
Selon l’endroit où elles vivent au Canada, il peut être très difficile pour les victimes de recouvrer un dédommagement. On s’est déchargé du fardeau en matière d’exécution sur les victimes, qui doivent apprendre comment manœuvrer à l’intérieur du système de justice civile par elles-mêmes. Les victimes qui communiquent avec notre Bureau expriment de la frustration et du désarroi à l’égard de cette approche. Au moment de son adoption, la CCDV a réitéré l’importance du dédommagement pour l’ensemble des victimes d’actes criminels, pourtant le gouvernement fédéral a offert très peu d’aide financière pour améliorer les pratiques d’exécution des ordonnances de dédommagement au niveau provincial et territorial (PT). En l’absence d’un financement réservé affecté aux provinces et aux territoires pour mettre en œuvre des programmes d’exécution des ordonnances de dédommagement là où ils n’existent pas, nous observons des pratiques incohérentes à l’échelle du Canada. À l’heure actuellement, seulement trois administrations (la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et la Nouvelle-Écosse) exploitent des programmes visant à fournir un soutien continu aux victimes à cet égard.
Les Canadiens attendent des délinquants qu’ils paient leurs ordonnances des tribunaux. Nous devons commencer à voir le recouvrement du dédommagement pour les victimes comme une mesure de la réussite ou de l’échec du système de justice pénale. Le système de justice pénale canadien a l’obligation de faire respecter les droits des victimes, notamment lorsqu’un dédommagement a été ordonné. Les coûts engendrés par les actes criminels sont énormes au Canada, et des données de 2008 laissent entendre que ce sont les victimes qui subissent le plus directement les effets de la criminalité. Sur la totalité des coûts estimés, 14,3 milliards de dollars découlent directement des actes criminels et ont trait aux soins médicaux, à l’hospitalisation, à la perte de salaire, aux absences scolaires et aux biens volés ou endommagés. Compte tenu de l’immensité des dommages matériels et des pertes dont les victimes souffrent ainsi que du fait que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux (FPT) partagent la responsabilité de répondre aux victimes d’actes criminels au Canada, des efforts doivent être mis en œuvre à l’échelle des administrations afin de fournir une assistance pratique aux victimes pour leur permettre de recouvrer le dédommagement lorsqu’il fait l’objet d’une ordonnance.
Un délinquant ne peut pas recevoir un pardon au Canada avant d’avoir purgé sa peine, ce qui signifie que toutes les ordonnances des tribunaux et les amendes en suspens ont été payées intégralement. Par conséquent, il est dans l’intérêt de la justice, de l’équité et de la réadaptation des délinquants de payer le dédommagement, de faire amende honorable et de réparer les torts causés à la victime.
Heidi Illingworth
Ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels
Un dédommagement est une somme monétaire versée à une victime par le délinquant pour faire amende honorable pour toute perte financière ou tout préjudice financier. Contrairement aux rétributions relatives à un acte criminel, le dédommagement a le potentiel de réparer les préjudices financiers, voire relationnels, causés dans la foulée d’un acte criminel (Centre for Justice & Reconciliation, 2021).
On confond souvent dédommagement et indemnisation. Contrairement au dédommagement, l’indemnisation est une somme monétaire versée à la victime par un tiers (p. ex. un gouvernement provincial ou une compagnie d’assurances) pour faire amende honorable pour les pertes ou préjudices financiers subis. Attendu que l’indemnisation est financée par l’État, un délinquant verse un dédommagement directement à une victime dans le cadre de sa peine. Le tribunal peut ordonner un dédommagement dans le cadre d’une ordonnance de probation, d’une ordonnance de sursis ou d’une ordonnance « autonome » en plus d’autres éléments de la peine (voir l’annexe A).
Le dédommagement versé par le délinquant a une importance symbolique beaucoup plus grande pour la victime qu’une indemnisation versée par l’État ou la collectivité. C’est parce que le dédommagement contribue à rétablir un sentiment de justice pour la victime. Autrement dit, même si l’indemnisation a une valeur matérielle et symbolise la solidarité de l’État envers la victime, le dédommagement a une portée morale. Une réparation provenant du délinquant — qu’elle prenne la forme d’un remboursement financier, d’excuses, voire d’une admission de la culpabilité — comporte une valeur symbolique et peut aider à la guérison.
Le dédommagement reconnaît les pertes subies par la victime, tient le délinquant responsable et fait en sorte qu’il reconnaisse officiellement sa responsabilité pour le tort qu’il a causé (Wemmers, 2020). Étant donné qu’un acte criminel est une atteinte à une personne perpétrée par une autre personne, il exige une réponse (Johnstone, 2011). Le fait de remettre ce qui a été pris devrait tenir compte du fait qu’une personne a été lésée par les actes répréhensibles d’une autre. Toutefois, à l’heure actuelle, nous percevons un acte criminel comme une infraction contre la société (Johnstone 2011). L’exigence de verser des paiements de dédommagement réguliers pourrait servir de rappel continu pour les délinquants des torts qu’ils ont causés et de l’attente selon laquelle ils doivent rétablir la justice (Ruback, 2018).
L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir en 1985. L’objet de cette déclaration était d’aider les gouvernements à obtenir justice et une assistance pour les victimes de la criminalité (Wemmers, 2020). Essentiellement, elle encourage les gouvernements à appliquer une approche axée sur les victimes lors de l’examen de leurs pratiques, de leurs règlements et de leurs lois, et à envisager le dédommagement comme une option en matière de peine dans toutes les affaires criminelles.
Depuis l’établissement du Code criminel en 1892, les tribunaux qui déterminent la peine ont été autorisés à ordonner une « indemnisation » pour les biens perdus ou endommagés en raison d’infractions criminelles. Ce n’est qu’en 1996 que les dispositions en matière d’indemnisation ont été abrogées et remplacées par des dispositions relatives aux ordonnances de dédommagement (McDonald, 2009). Ce changement dans la terminologie a été apporté pour tenir compte du fait que, tel que susmentionné, le dédommagement se rapporte à un paiement effectué par le délinquant, alors que l’indemnisation concerne habituellement un paiement effectué par l’État.
Le dédommagement est une option discrétionnaire qu’un juge qui impose la peine peut ordonner comme moyen d’indemniser partiellement ou intégralement les victimes pour les pertes qu’elles ont subies dans la foulée d’un acte criminel. Il fait partie de la punition du délinquant. Actuellement, un juge peut ordonner à un délinquant de payer les coûts de toutes les pertes financières jusqu’à la date de la détermination de la peine si le montant peut en être « facilement déterminé », mais non pour toutes les pertes futures. Comme le souligne McDonald (2015), un juge au Canada peut ordonner un dédommagement pour les pertes financières liées à ce qui suit :
- la perte ou la destruction des biens, ou le dommage qui leur a été causé — des dommages-intérêts non supérieurs à la valeur de remplacement des biens;
- les blessures corporelles ou les dommages psychologiques infligés à une personne — des dommages-intérêts non supérieurs à la valeur des dommages pécuniaires — notamment la perte de revenu ou de soutien — imputables aux blessures corporelles ou aux dommages psychologiques;
- les blessures corporelles ou la menace de blessures corporelles infligées par le délinquant à une personne demeurant avec lui, notamment un de ses enfants ou son partenaire intime — des dommages-intérêts non supérieurs aux frais d’hébergement, d’alimentation, de transport et de garde d’enfant qu’une telle personne a réellement engagés pour demeurer ailleurs provisoirement;
- dans le cas d’un vol d’identité ou d’une fraude — des dommages-intérêts non supérieurs aux dépenses liées au rétablissement de son identité;
- la distribution d’images intimes — des dommages-intérêts non supérieurs aux dépenses engagées liées au retrait d’images intimes de l’Internet.
En règle générale, les ordonnances de dédommagement sont un croisement codifié entre les tribunaux criminels et civils (voir l’illustration). Dans la plupart des cas, le dédommagement est ordonné par les tribunaux de juridiction criminelle en vertu du régime fédéral de détermination de la peine, mais l’exécution est exclusivement un processus civil et relève de l’administration provinciale de la justice. Dans certains cas, lorsque le dédommagement est ordonné dans le cadre d’une ordonnance de probation ou d’une ordonnance de sursis, l’agent de probation ou le surveillant de peines avec sursis pourraient chercher à faire exécuter les modalités du dédommagement devant les tribunaux de juridiction criminelle en déposant une accusation de manquement aux conditions de la probation ou une allégation de manquement à l’ordonnance de sursis.

Si le délinquant ne paie pas le dédommagement prévu par l’ordonnance, le Code criminel ou la CCDV confèrent le droit aux victimes de faire inscrire l’ordonnance auprès d’un tribunal civil et de la faire exécuter, tel un jugement délivré par ce tribunal. Cependant, le fait de décharger les responsabilités en matière d’exécution sur les victimes représente un fardeau et un obstacle importants. Cela représente une source supplémentaire de stress et d’anxiété, fait en sorte que les victimes engagent des coûts liés au recouvrement, en plus d’exiger de celles-ci qu’elles manœuvrent dans des processus et des procédures civiles complexes, et ce, sans assistance. Les victimes peuvent également engager des dépenses supplémentaires liées à ce qui suit :
- les droits pour enregistrer l’ordonnance de dédommagement auprès des tribunaux civils;
- l’embauche d’avocats pour signifier les délinquants ou pratiquer une saisie-arrêt des traitements;
- les vérifications judiciaires;
- l’amortissement des biens et les coûts de remplacement;
- les absences du travail pour les différentes comparutions devant le tribunal, les délais et les ajournements, et le temps personnel pour assurer le suivi des sommes dues;
- le suivi auprès des représentants lorsque les délinquants se sont réinstallés dans une nouvelle province ou un nouveau territoire.
L’exécution civile présente un certain nombre de défis et d’obstacles importants pour les victimes. Les coûts financiers et juridiques (ceux des systèmes et les coûts personnels) pour donner suite à l’ordonnance sont rarement justifiés. En tant que partie lésée, les victimes devraient être protégées contre une victimisation secondaire et contre le fait d’avoir à poursuivre leur propre délinquant pour obtenir leur paiement — une activité qui est également dangereuse. L’exécution passive, dans le cadre de laquelle l’État n’a aucun rôle réel pour assurer que le délinquant paie, est inefficace pour obtenir un recouvrement auprès de la plupart des délinquants. La plupart des processus de dédommagement actuels ne donnent pas lieu à un paiement opportun permettant de satisfaire aux besoins financiers immédiats des victimes (Warner, 2015).
Au Canada, on ordonne plus fréquemment aux délinquants de payer des amendes plutôt qu’un dédommagement. Les amendes sont payées à l’État, alors que le dédommagement est versé directement aux victimes, cependant, les deux types d’ordonnances peuvent être rendus à l’égard de la même infraction.
Une amende tenant lieu de confiscation n’est pas comme une amende habituelle qui se veut une punition pour un délinquant. Au lieu de cela, la confiscation d’un bien vise à enlever le produit d’un acte criminel pour certaines infractions désignées au délinquant, ou à priver un délinquant de tout avantage découlant de la perpétration d’une infraction criminelle. Une amende tenant lieu de confiscation est utilisée uniquement lorsque les biens qui étaient considérés comme le produit d’un acte criminel ne sont pas disponibles aux fins de confiscation. C’est dans ces circonstances qu’un tribunal peut imposer une amende plutôt qu’une confiscation du produit de l’acte criminel.
Les amendes tenant lieu de confiscation représentent un mécanisme d’exécution conçu pour aider à assurer que le délinquant s’acquitte de l’ordonnance de dédommagement à l’intérieur d’une période déterminée. Lorsqu’un tribunal ordonne à un délinquant de payer une amende tenant lieu de confiscation, il impose une peine d’emprisonnement supplémentaire que le délinquant devra purger s’il omet de régler l’amende tenant lieu de confiscation. Cette peine d’emprisonnement doit être purgée consécutivement à toute autre peine d’emprisonnement imposée (ou à la peine que le délinquant purge à ce moment). Certaines lois provinciales précisent que les paiements tenant lieu de confiscation sont d’abord appliqués aux ordonnances de dédommagement. Cela a pour objet de s’assurer que les victimes d’un acte criminel reçoivent le dédommagement qui leur a été accordé.
Même si les dispositions liées à une amende tenant lieu de confiscation ne sont pas considérées comme une punition et qu’elles ont été adoptées pour une fin complètement différente, elles peuvent parfois faire en sorte qu’un délinquant soit motivé à payer les ordonnances de dédommagement. Étant donné que différentes dispositions réglementaires confèrent la priorité aux ordonnances de dédommagement, et parce que dans le scénario habituel les montants versés au titre d’une ordonnance de dédommagement réduisent également le montant qui doit être payé en vertu de l’amende tenant lieu de confiscation, un délinquant pourrait être davantage motivé à effectuer le paiement à l’égard de l’ordonnance de dédommagement.
Toutes les victimes d’un acte criminel ont le droit de demander un dédommagement dans le cadre du processus de détermination de la peine. La CCDV leur confère le droit de demander au tribunal de rendre une ordonnance de dédommagement et exige que le tribunal se penche sur leur demande. Malgré le fait que cette option soit offerte à toutes les victimes d’un acte criminel, un dédommagement fait rarement l’objet d’une ordonnance, et les dédommagements demeurent souvent impayés au Canada. Les statistiques montrent que, de 2013 à 2019, seulement de deux à trois pour cent des peines au Canada comportaient une ordonnance de dédommagement. Il existe également des lacunes importantes relativement aux données sur les dédommagements. Les victimes perçoivent les faibles taux de paiement des dédommagements comme une revictimisation ou une deuxième blessure.
Au Canada, nous ne connaissons ni la fréquence à laquelle les juges rejettent les demandes de dédommagement formulées par les victimes ni la fréquence à laquelle un dédommagement est inclus dans le cadre d’autres options de détermination de la peine, telles que la probation. Nous ignorons également le nombre d’ordonnances de dédommagement en suspens ainsi que le total des sommes qu’il reste à payer après la détermination de la peine. Dans l’ensemble des territoires, on observe un manque de collecte de données et de rapports exhaustifs en ce qui a trait au dédommagement. Compte tenu du faible pourcentage d’ordonnances de dédommagement rendues et des paiements recouvrés au Canada, il semble que les victimes ne soient pas bien informées de leur droit de demander un dédommagement et que l’approche en matière d’exécution soit passive.
La Charte canadienne des droits des victimes reconnaît l’importance de veiller à ce que les victimes puissent demander un dédommagement pour leurs pertes. En vertu de la loi, le dédommagement est l’un des quatre principaux domaines où les droits des victimes doivent être pris en considération. Les autres comprennent le droit à l’information, le droit à la protection et le droit de participation.
D’autres modifications pertinentes quant à la question du dédommagement ont été apportées au Code criminel à la suite de l’adoption de la CCDV. Notamment, le Code criminel exige désormais des tribunaux d’envisager de rendre une ordonnance de dédommagement dans chaque affaire où un délinquant est déclaré coupable ou reçoit une absolution en application de l’article 730 du Code criminel. Aux termes de cet article, le tribunal doit demander au procureur si des mesures raisonnables ont été prises afin de donner à la victime la possibilité de décider si elle demande ou non un dédommagement. Cet article permet un ajournement pour permettre à la victime de décider si elle souhaite demander un dédommagement ou établir ses dommages et intérêts. L’article prévoit aussi qu’un formulaire donné doit être utilisé et, plus important encore, il exige d’un tribunal qui refuse de rendre une ordonnance de dédommagement qu’il présente ses motifs de refus. Il s’agit de l’article 737.1, qui est libellé de la façon suivante :
Dédommagement
Dédommagement
737.1 (1) Lorsque le délinquant est condamné ou absous en vertu de l’article 730 d’une infraction, le tribunal qui inflige la peine ou prononce l’absolution est tenu d’envisager la possibilité de rendre une ordonnance de dédommagement en vertu des articles 738 ou 739 en plus de toute autre mesure.
Obligation de s’enquérir
(2) Dans les meilleurs délais suivant la déclaration de culpabilité et, en tout état de cause, avant la détermination de la peine, le tribunal est tenu de s’enquérir auprès du poursuivant de la prise de mesures raisonnables pour permettre aux victimes d’indiquer si elles réclament un dédommagement pour leurs dommages ou pertes, dont la valeur doit pouvoir être déterminée facilement.
Ajournement
(3) Le tribunal peut, de sa propre initiative ou à la demande du poursuivant, ajourner la procédure pour permettre aux victimes d’indiquer si elles réclament un dédommagement ou d’établir leurs dommages ou pertes, s’il est convaincu que l’ajournement ne nuira pas à la bonne administration de la justice.
Formulaire
(4) Toute victime ou autre personne peut indiquer si elle réclame un dédommagement en remplissant le formulaire 34.1 de la partie XXVIII ou un formulaire approuvé à cette fin par le lieutenant-gouverneur en conseil de la province dans laquelle le tribunal a compétence, ou de toute autre manière approuvée par le tribunal. Le cas échéant, elle établit, de la même manière, ses dommages ou pertes, dont la valeur doit pouvoir être déterminée facilement.
Motifs
(5) Dans le cas où la victime réclame un dédommagement et où le tribunal ne rend pas l’ordonnance, celui-ci est tenu de donner ses motifs, qui sont consignés au dossier de l’instance.
2015, ch. 13, art. 29
Selon la CCDV, les droits devraient être appliqués en vertu de mécanismes prescrits par la loi, tels que le Code criminel. En outre, elle insiste sur l’importance du dédommagement en prescrivant un formulaire normalisé (34.1) que les victimes doivent remplir lorsqu’elles demandent au tribunal d’envisager un dédommagement. Le tribunal doit demander au procureur si des mesures raisonnables ont été prises afin de donner aux victimes la possibilité d’indiquer si elles souhaitent demander un dédommagement pour leurs pertes et leurs préjudices, dont le montant doit être déterminé facilement. Le procureur de la Couronne a la responsabilité de soumettre la demande de dédommagement au tribunal au moment de la détermination de la peine. Si une victime demande un dédommagement et que le tribunal décide de ne pas rendre d’ordonnance en ce sens, le tribunal doit énoncer les motifs de sa décision.
Le tribunal peut ordonner au délinquant de verser le dédommagement directement à la victime ou à une autorité publique créée à cette fin. Le tribunal peut ordonner au délinquant de payer immédiatement le montant du dédommagement, au plus tard à une date déterminée dans l’ordonnance, ou dans le cadre de modalités de paiement. Le tribunal peut également ordonner qu’un dédommagement soit payé à plus d’une victime et peut attribuer une priorité parmi les victimes dans l’ordonnance. Si un délinquant omet de payer une ordonnance de dédommagement au plus tard à la date indiquée dans l’ordonnance du tribunal ou si le délinquant ne respecte pas des modalités de paiement, une victime peut produire l’ordonnance devant le tribunal civil et avoir recours aux méthodes d’exécution civiles afin de recouvrer le montant impayé. Certains services aux victimes provinciaux et territoriaux offrent une aide aux victimes dans le recouvrement des ordonnances de dédommagement impayées.
Cependant, dans la pratique, les gouvernements n’ont pas été à la hauteur, notamment en ce qui a trait à la prise de mesures visant à soutenir réellement les victimes dans l’obtention d’un dédommagement (Wemmers, 2020). Il existe une approche passive en matière d’exécution en général qui omet de tenir les délinquants responsables ou d’habiliter les victimes dans leur guérison et leur rétablissement. Le Rapport d’étape sur la CCDV de 2020 du BOFVAC a relevé de graves lacunes dans les données liées au dédommagement à chaque point de contact entre les victimes et le système de justice pénale canadien (c.-à-d. la police, les procureurs de la Couronne, les tribunaux, les commissions d’examen, le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles), et des rapports minimaux sur le dédommagement, voire aucun :
- Police : Dans plusieurs administrations, même si la police est spécifiquement chargée de fournir des formulaires de dédommagement aux victimes et de soumettre les formulaires remplis aux tribunaux, le nombre de formulaires distribués et soumis aux tribunaux n’est pas déclaré publiquement. De nombreuses victimes affirment qu’on ne les a jamais informées du fait qu’elle pouvait demander un dédommagement.
- Procureurs de la Couronne : Ni le Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) ni l’Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle (EITJC) ne rendent compte du fait que les procureurs de la Couronne provinciaux ou les procureurs fédéraux informent les victimes de leur droit de demander un dédommagement et du nombre de victimes qui demandent un dédommagement dans le cadre de procédures judiciaires.
- Tribunaux : L’EITJC indique le nombre d’ordonnances de dédommagement rendues par les tribunaux, mais pas le nombre de telles demandes qui sont présentées par les victimes et rejetées par les tribunaux, ou le nombre d’ordonnances de dédommagement en suspens et le total des montants qui restent à payer après la détermination de la peine. En 2017-2018, l’EITJC a signalé que, sur 214 540 verdicts de culpabilité, seulement 5 170, soit 2,41 %, comporteraient des ordonnances de dédommagement. Nous n’avons pas de données sur les types d’affaires pour lesquelles un dédommagement est ordonné ni sur les montants demandés par rapport aux montants imposés. Il n’y a pas non plus de données sur le nombre de fois où des victimes ont dû recourir à un tribunal civil pour faire appliquer une ordonnance.
- Commissions d’examen : Les documents des commissions d’examen n’abordent pas la question du dédommagement. Il est peu probable que l’on ordonne aux personnes accusées d’avoir été jugées inaptes ou non criminellement responsables de verser un dédommagement.
- Service correctionnel du Canada (SCC) : Les données probantes donnent à penser que les agents de libération conditionnelle en établissement du SCC discutent des ordonnances de dédommagement avec les délinquants, mais le SCC ne fait pas publiquement rapport sur l’exécution partielle ou totale par les délinquants des obligations imposées par le tribunal à l’égard des victimes.
- Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC) : La CLCC ne fait aucun rapport indiquant si les délinquants en mise en liberté sous condition remplissent leurs obligations au titre d’une ordonnance de dédommagement. Les exigences relatives au versement d’un dédommagement ne peuvent pas constituer une condition de libération.
Bien que les représentants de la justice pénale (tels que les policiers et les procureurs de la Couronne) aient expressément la responsabilité de s’assurer qu’on offre aux victimes la possibilité de demander un dédommagement, nous ne savons pas à quelle fréquence ou dans quelle mesure ils s’acquittent de cette responsabilité.
De plus, si le délinquant ne paie pas le dédommagement prévu par l’ordonnance, la victime a également le droit de faire inscrire l’ordonnance auprès d’un tribunal civil et de la faire exécuter, tel un jugement délivré par ce tribunal — mais, comme Wemmers et al. (2017) l’ont signalé : « Cette tâche peut cependant s’avérer ardue pour la victime, puisqu’elle se trouve souvent dans un état fragilisé en raison de sa victimisation, et que le processus pour intenter une poursuite civile est complexe et coûteux. Les coûts personnels engendrés par les procédures civiles, ainsi que les frais de justice, peuvent être un obstacle important à la volonté ou à la possibilité de la victime de récupérer son argent. »

Lorsqu’une victime subit une perte financière à la suite d’un acte criminel, les fonctionnaires qui travaillent dans le système de justice pénale doivent faire des efforts sérieux et réels pour les aider à faire exécuter les ordonnances de dédommagement rendues par la cour. Étant donné qu’elle est dépourvue de pouvoirs (Lawrence, 2016) en matière d’exécution des droits des victimes, la CCDV doit être modifiée pour veiller à ce que les représentants au sein du système de justice du Canada aient le pouvoir de le faire.
En novembre 2020, le BOFVAC a formulé la recommandation suivante afin de modifier la CCDV (BOFVAC, 2020) :
Modifier la disposition relative à l’exécution des ordonnances de dédommagement (article 17) de façon à ce qu’elle indique : Toute victime en faveur de laquelle une ordonnance de dédommagement est rendue a le droit d’obtenir de l’aide pour recouvrer le montant accordé par jugement exécutoire contre le délinquant en cas de défaut de paiement. Ce libellé reconnaît la responsabilité de tous les gouvernements d’aider à l’exécution du dédommagement ordonné par le tribunal, étant donné que les victimes ont le droit de recevoir réparation pour les pertes qu’elles ont subies.
Des efforts doivent également être faits à l’échelle des administrations pour informer uniformément les victimes de leur droit de demander un dédommagement, et de consigner les données liées aux demandes de dédommagement formulées et aux ordonnances rendues, et d’en rendre compte.
Comme le fait valoir Wemmers (2020) : [traduction] « Le dédommagement présente des avantages pour les victimes, mais souffre également d’importantes limitations. La façon dont les victimes sont traitées est importante pour leur donner un sentiment de justice. » Les victimes doivent être informées de leur droit de demander un dédommagement devant les tribunaux; elles ont besoin d’aide pour faire exécuter le dédommagement lorsqu’il est ordonné; et une collecte de données et des rapports exhaustifs dans toutes les administrations concernant les ordonnances de dédommagement sont nécessaires pour mesurer la mise en œuvre de ce droit.
Les droits des victimes ne sont pas appliqués et répartis uniformément dans tout le Canada à l’échelle fédérale, territoriale et provinciale (Perrin, 2017). Cela présente des obstacles quant au respect de la CCDV et pour s’assurer que les victimes reçoivent les réparations qui leur sont dues. Étant donné que les gouvernements FPT partagent la responsabilité de répondre aux victimes d’actes criminels au Canada, des efforts doivent être faits à l’échelle des administrations pour informer uniformément les victimes de leur droit de demander un dédommagement, de consigner et de rendre compte des données des tribunaux liées aux demandes de dédommagement formulées et ordonnées, et pour faire exécuter activement les ordonnances de dédommagement. En ce qui concerne l’exécution des ordonnances de dédommagement, les droits des victimes ne sont pas bien respectés au Canada. Le droit a tendance à prioriser la réadaptation et la réinsertion sociale du délinquant (Wemmers, 2020).
Le fardeau lié à l’exécution des ordonnances de dédommagement ne devrait pas incomber aux victimes d’actes criminels — qui ne devraient pas être forcées de poursuivre la personne qui les a victimisées. À l’échelle fédérale, les organismes gouvernementaux qui supervisent et réintègrent les délinquants purgeant une peine de ressort fédéral doivent jouer un rôle plus important dans l’exécution des ordonnances des tribunaux.
Le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels (BOFVAC) travaille afin de s’assurer que les droits des victimes et des survivants sont respectés, et que le gouvernement s’acquitte de ses responsabilités prévues par la loi envers les victimes d’actes criminels. Les principaux éléments du mandat du BOFVAC comprennent le fait de répondre aux questions des victimes, de traiter leurs plaintes et d’examiner les enjeux qui ont une incidence sur les victimes et les survivants d’actes criminels. Cela permet au BOFVAC de formuler des recommandations sur la meilleure façon de soutenir et d’aider les victimes et leurs familles alors qu’elles cherchent à accéder à des services et à des programmes fédéraux adaptés à leurs besoins. En dehors de cette responsabilité à l’égard des victimes, le BOFVAC travaille en étroite collaboration avec différents intervenants afin d’améliorer le système de justice canadien, non seulement pour les victimes, mais aussi pour l’ensemble des Canadiens.
Nous ne disposons pas de données nationales suffisantes sur les montants ordonnés comparativement aux montants de recouvrements ou versés. Nous disposons de quelques données pour deux provinces. En Nouvelle-Écosse, de 2018 à 2020, 4 757 896,91 $ ont été ordonnés en guise de dédommagement et seulement 224 059,58 $ ont été recouvrés ou versés aux victimes — soit un taux de recouvrement de 4,7 %. En Saskatchewan, de 2018 à 2020, 1 739 ordonnances de dédommagement supervisées par le Programme de dédommagement pour adultes (PDA) ont été payées et fermées. Le montant total de ces ordonnances s’élevait à 2 926 383 $; de cette somme, 2 027 289 $ (69 %) ont été recouvrés et versés aux victimes.
À la suite de l’adoption de la CCDV en 2015, le gouvernement fédéral n’a rendu aucun financement supplémentaire accessible aux provinces et aux territoires afin de mettre en œuvre des programmes de recouvrement et d’exécution des ordonnances de dédommagement. Par conséquent, la Loi a été insuffisante afin d’aider activement les victimes à obtenir un dédommagement. Les victimes à l’échelle des territoires de compétence signalent au BOFVAC qu’elles n’ont pas été informées de leur droit de demander un dédommagement et qu’elles ne savent pas comment s’y prendre pour l’obtenir. Si les représentants de la justice pénale omettent de fournir des renseignements aux victimes en temps opportun, alors il n’est pas surprenant que les ordonnances de dédommagement au Canada soient rarement utilisées (Wemmers et al., 2017).
Trois programmes provinciaux qui offrent des renseignements et du soutien aux victimes afin de les aider à obtenir un dédommagement peuvent servir de pratiques exemplaires pour le Canada : la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique ont mis en application des programmes d’exécution des ordonnances de dédommagement à l’échelle provinciale qui visent à transmettre aux victimes et aux délinquants des renseignements relatifs au processus de dédommagement et à ses éléments. Ces programmes, décrits ci-dessous, éliminent le fardeau administratif qui pèse sur les victimes essentiellement en mettant sur pied une équipe spécialisée de membres du personnel pour aider les délinquants à payer le dédommagement qu’ils doivent. En fin de compte, grâce à du personnel spécialisé, ces programmes aident les victimes à recouvrer leur dédommagement.
En 2008, la Nouvelle-Écosse a reçu une aide financière par l’intermédiaire du Fonds d’aide aux victimes du ministère de la Justice aux fins d’un projet pilote de coordonnateur du dédommagement qui avait pour objet d’améliorer les taux de recouvrement, la satisfaction des victimes et la confiance envers le système de justice, ainsi que de soulager les obstacles face au processus qui réduisent la probabilité qu’une victime parvienne à recouvrer sa perte financière. De 2018 à 2020, 4 757 896,91 $ en dédommagement ont été ordonnés et 224 059,58 $ ont été recouvrés et versés aux victimes — un taux de recouvrement de 4,7 %. Pendant la pandémie de COVID-19, on a observé une augmentation du nombre de paiements, un plus grand nombre de délinquants ayant recours au système de paiement du dédommagement en ligne. En janvier 2021, la Nouvelle-Écosse a mis sur pied un groupe de travail sur le dédommagement pour chercher des façons d’augmenter les paiements. Les fonctionnaires ont souligné qu’« il demeure difficile d’assurer le suivi des délinquants et de recouvrer les ordonnances de dédommagement individuelles ».
Les services aux victimes de la Nouvelle-Écosse disposent désormais d’un coordonnateur du dédommagement qui aide les victimes comme suit :
- en répondant aux questions à propos des ordonnances de dédommagement;
- en agissant en qualité d’agent de liaison entre les victimes et les agents de probation ou de libération conditionnelle pour veiller à ce que les paiements de dédommagement soient effectués (dans la négative, le coordonnateur peut discuter d’une accusation de manquement aux conditions ou de mesures supplémentaires avec l’agent de probation ou de libération conditionnelle);
- en communiquant avec le tribunal au nom de la victime pour s’enquérir des délais d’attente concernant le versement du dédommagement;
- en communiquant avec les délinquants pour les aviser lorsqu’une ordonnance de dédommagement est impayée;
- en négociant des modalités de paiement volontaires avec les délinquants;
- en offrant une aide et une orientation relativement au processus d’exécution civil par l’intermédiaire de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse.
Les services aux victimes ont également mis sur pied le Programme de reconnexion des victimes, dans le cadre duquel le coordonnateur du dédommagement travaille de concert avec les tribunaux afin de tenter de localiser les victimes dont le dédommagement a été ordonné par le tribunal .
Le Programme de dédommagement pour adultes (PDA) de la Saskatchewan a été mis sur pied initialement par l’intermédiaire des bureaux des Services correctionnels communautaires (probation). Le travail auprès des délinquants incorporait de nombreux modèles des Services correctionnels communautaires, incluant le principe du risque, de réceptivité et des besoins. Le personnel du PDA offre de la formation et un soutien continu à différents intervenants dans le système de justice pénale afin d’accroître leur compréhension du processus de dédommagement (McDonald et al., 2014). Le PDA envoie également des lettres aux victimes afin de les informer du moment où le tribunal a ordonné un dédommagement, le montant du dédommagement, les modalités de remboursement, l’état de supervision, ainsi que les numéros locaux et sans frais pour obtenir une aide et des renseignements supplémentaires.
Le PDA met également l’accent sur le délinquant qui est tenu de payer un dédommagement. Le programme croit que les délinquants qui sont renseignés, informés et motivés sont plus susceptibles de payer leur dédommagement. De 2018 à 2020, 1 739 ordonnances de dédommagement supervisées par le PDA ont été payées et fermées. Le montant total de ces ordonnances s’élevait à 2 926 383 $; de cette somme, 2 027 289 $ (69 %) ont été recouvrés et versés aux victimes. Le coordonnateur du dédommagement qui occupait ce poste en 2021 avait déjà travaillé en tant qu’agent de probation. Cette expérience s’est révélée extrêmement utile dans l’évolution du programme afin de mettre l’accent sur la supervision des délinquants et de faire la promotion des résultats positifs (c.-à-d. recouvrement et paiements accrus) pour les victimes. Un contact continu avec les Services correctionnels communautaires, la distribution de brochures expliquant le processus, et les lettres internes envoyées aux délinquants permettent d’assurer que ce mandat en matière de communication de renseignements est respecté. Cela dit, malgré les efforts afin de mobiliser les délinquants, certains omettent toujours de payer le dédommagement, en raison d’un refus ou de moyens limités. Le Programme d’exécution civile des ordonnances de dédommagement (PECOD) fait en sorte qu’il est possible d’étudier ces obstacles en procédant aux recherches applicables au nom des victimes inscrites et en travaillant avec les délinquants pour qu’ils effectuent des paiements volontaires.
Le PDA et le PECOD sont financés par le Fonds d’aide aux victimes de la Saskatchewan à un coût annuel de 279 000 $. Ce montant permet de payer le salaire de quatre employés à temps plein, incluant le coordonnateur du dédommagement, le coordonnateur adjoint du dédommagement, l’agent d’exécution civil du dédommagement et un poste de soutien administratif qui sert les deux programmes. Ce montant inclut également les coûts des recherches, tels que ceux associés à Equifax et au bureau des titres fonciers. Étant donné que peu d’affaires concernent la saisie réelle des biens, il n’y a aucun coût par l’intermédiaire du bureau du shérif à la Cour du Banc de la Reine.
Le PECOD soulage la victime du fardeau d’avoir à entreprendre un processus civil complexe. Il réduit également leur probabilité de se sentir revictimisé par les défis associés à une tentative de recouvrer le dédommagement par eux-mêmes. De 2017 à 2020, le PECOD a aidé les victimes admissibles à recouvrer 189 289 $ au titre des dédommagements. Les victimes inscrites ont indiqué de manière anecdotique au PDA que même si elles n’ont recouvré aucune somme, elles sont reconnaissantes de l’existence d’un programme pour les soulager du fardeau d’avoir à prendre des mesures pour obtenir un dédommagement. Ce programme les libère également de l’appréhension qu’elles auraient autrement pu éprouver dans la tentative de retrouver les délinquants par eux-mêmes.
Cette approche est partagée par certaines autres administrations au Canada et à l’échelle internationale. Le modèle de la Colombie-Britannique (voir ci-dessous) s’inspire du modèle de la Saskatchewan, et on observe une certaine réussite dans ses efforts afin d’intégrer les victimes et les délinquants dans le processus.
Le Restitution Program (RP) (Programme de dédommagement) de la Colombie-Britannique existe au sein de la structure organisationnelle de la Community Safety and Crime Prevention Branch ([Direction générale de la sécurité communautaire et de la prévention du crime), au Ministry of Public Safety and Solicitor General (ministère de la Sécurité publique et du Solliciteur général). Le RP est un programme volontaire qui habilite et encourage les délinquants à respecter les ordonnances de dédommagement sans avoir recours à l’exécution, et il offre du soutien ou des renseignements aux victimes, aux délinquants et au public. Le programme travaille de concert avec d’autres participants du système de justice pour s’acquitter de son mandat, y compris le BC Prosecution Service (Service des poursuites de la C.-B.), BC Corrections (Service correctionnel de la C.-B.) et la Court Services Branch (Direction générale des services judiciaires). Le programme facilite le paiement du dédommagement. Depuis 2015, il a accepté le paiement de certains types d’ordonnances, lequel est détenu en fiducie, puis versé subséquemment aux victimes. À l’heure actuelle, le RP travaille avec 200 victimes.
Le programme reconnaît que, même dans les affaires où un dédommagement a été ordonné, les victimes peuvent être confrontées à des difficultés liées à la réception des paiements, par exemple : le délinquant peut être réticent à payer ou ne pas être en mesure de le faire; la victime peut se sentir intimidée par le délinquant et réticente à faire exécuter l’ordonnance devant un tribunal civil; ou la victime peut ne pas avoir les moyens d’assumer le coût ou le temps pour faire exécuter l’ordonnance devant un tribunal civil.
Le mandat du RP comprend ce qui suit :
- aider les victimes relativement aux ordonnances de dédommagement impayées;
- encourager les délinquants à respecter les ordonnances de dédommagement;
- assurer la liaison avec les agents de probation, les agents de libération conditionnelle, les travailleurs des services aux victimes et autres fournisseurs de services à propos des ordonnances de dédommagement impayées, au besoin;
- répondre aux demandes de renseignements concernant les ordonnances de dédommagement et fournir des renvois à des ressources;
- fournir des renseignements généraux (pas des conseils juridiques) à propos des processus du tribunal civil.
Étant donné que, jusqu’à très récemment, le RP n’avait pas toujours été doté de tout le personnel nécessaire, le nombre de paiements de dédommagement actuellement facilités demeure modeste. Compte tenu de plusieurs projets d’amélioration en cours (incluant des développements dans la TI et des partenariats opérationnels avec des participants du système de justice), on s’attend à ce que les chiffres augmentent au cours des prochaines années. La réussite du RP ne peut être uniquement mesurée en termes de montants en dollars, car l’assistance offerte comprend également la prestation de mesures de soutien et de renseignements aux victimes, lesquelles signalent que ces activités sont tout aussi importantes pour elles que la facilitation des paiements de dédommagement.
Ces trois administrations canadiennes exécutent activement les ordonnances de dédommagement. Les programmes ont des répercussions symboliques importantes pour les victimes d’actes criminels, car du personnel spécialisé assure un suivi auprès des délinquants et facilite les paiements, les délinquants sont tenus responsables et les victimes se sentent respectées. Nous pouvons répondre au besoin des victimes en matière de réparation financière en ayant des fonctionnaires spécialisés à l’échelle provinciale ou territoriale pour soutenir le paiement des ordonnances de dédommagement. Même si certains pourraient faire valoir que les coûts associés à l’administration de ces programmes l’emportent constamment sur les montants qu’ils recouvrent auprès des victimes, nous ne devons pas oublier les coûts concrets énormes des actes criminels qu’assument les victimes, ce qui justifie de conserver de tels programmes, voire d’en créer plus de ce genre.
En Angleterre et au Pays de Galles, les ordonnances d’indemnisation ressemblent aux ordonnances de dédommagement au Canada, où le tribunal a le pouvoir législatif de rendre une ordonnance de dédommagement. L’ordonnance est prononcée à l’encontre d’un délinquant pour le dédommagement de tout préjudice physique, de toutes les pertes découlant de l’acte criminel ou de tout autre acte criminel pris en considération par le tribunal dans la détermination de la peine (Powers of Criminal Courts [Sentencing] Act 2000: art. 130 [1]). Les ordonnances d’indemnisation peuvent uniquement être demandées pour les pertes, les dommages et les blessures qui découlent directement des actes criminels pour lesquels le délinquant a été déclaré coupable (Wemmers, 2020; Wemmers et al., 2017).
Selon le processus de l’ordonnance d’indemnisation, le délinquant effectue un paiement au tribunal, après quoi le tribunal transfère le paiement à la victime. Comme le fait valoir Wemmers (2020), [traduction] « le fait que le tribunal est responsable de l’exécution des ordonnances enlève un fardeau considérable des épaules de la victime. Par conséquent, il n’incombe pas aux victimes de recouvrer leur argent et c’est à l’État que revient la responsabilité de communiquer avec les délinquants s’ils omettent un paiement ou s’ils l’effectuent tardivement ».
Aux Pays-Bas, le même organisme qui est responsable de l’exécution des amendes s’occupe des ordonnances de dédommagement. Une fois de plus, cela fait passer le fardeau de l’exécution des victimes à l’État. Le gouvernement néerlandais a introduit les ordonnances de dédommagement dans le Code criminel du pays en 1995 afin de faciliter l’indemnisation des victimes. Les ordonnances sont considérées comme des mesures pénales imposées par les tribunaux de juridiction criminelle. L’État est responsable du recouvrement des sommes pour les victimes.
La loi a été modifiée en 2011 afin d’introduire l’option pour l’État d’avancer la somme aux victimes si le délinquant effectue le paiement tardivement (Wemmers, 2020). Comme c’est le cas en Angleterre et au Pays de Galles, le gouvernement néerlandais applique une approche axée sur les victimes en les aidant à formuler des demandes de dédommagement et en demandant aux organismes de services aux victimes de surveiller les demandes de dédommagement.
Dans les États du Vermont et de la Californie, l’État et le délinquant se partagent les coûts du dédommagement. Chaque État possède un fonds de dédommagement qui définit l’admissibilité selon le type d’acte criminel, explique les paramètres de l’aide offerte aux délinquants pour rembourser leurs victimes et établit la façon dont les paiements sont versés aux victimes.
Vermont
Le Vermont a élaboré ce qu’il considère être une [traduction] « approche axée sur les victimes » en matière de dédommagement (Rex & Boyle, 2011). Cette approche comprend un fonds établi et une unité centralisée affiliée au Vermont Center for Crime Victim Services (Centre des services pour les victimes d’actes criminels du Vermont). L’État ajoute une surcharge aux amendes criminelles et aux contraventions, et les fonds de cette surcharge sont déposés dans le fonds de dédommagement. Lorsqu’une victime a droit à un dédommagement, une ordonnance de jugement est envoyée à l’Unité du dédommagement, laquelle vérifie à son tour le montant et avance des paiements jusqu’à concurrence de 10 000 $. En 2011, le Vermont a décrit ses pratiques en matière de dédommagement comme suit :
[traduction] « L’Unité du dédommagement est structurée et exploitée comme une agence de recouvrement. Les analystes du recouvrement gèrent un nombre de cas concernant des délinquants qui doivent payer un dédommagement, en maintenant un contact régulier avec ceux-ci et en utilisant un certain nombre d’outils de recouvrement afin de promouvoir la conformité. Depuis le 1er juillet 2004, l’unité a avancé un peu plus de 6 millions de dollars à 5 600 victimes d’actes criminels individuelles. Le taux de recouvrement général de l’unité est de 24 p. 100. Un résultat positif a été la coordination entre l’Unité de dédommagement et le Programme d’indemnisation des victimes, qui a permis de tripler le nombre de dédommagements ordonnés dans le cadre du Programme d’indemnisation. »
Par l’intermédiaire de son mécanisme centralisé de financement et de gestion, le Vermont favorise le paiement du dédommagement aux victimes et renforce le concept voulant que les victimes et leurs droits revêtent la plus haute importance pour l’État.
Le Vermont Center for Crime Victim Services offre des renseignements exhaustifs dans son site Web, notamment en ce qui a trait à son Programme d’indemnisation des victimes. L’exhaustivité des ressources accessibles en ligne (c.-à-d. admissibilité, lois applicables, documents et questions fréquentes) témoigne de l’efficacité des pratiques en vigueur. Les renseignements à propos de l’Unité du dédommagement, plus particulièrement, sont adaptés pour les victimes et les délinquants de manière à ce que chaque partie sache de quelle façon elle sera appuyée.
Californie
Comme le modèle du Vermont, l’Office of Victim and Survivor Rights and Services (Office des droits et des services aux victimes et aux survivants) de la Californie est exploité comme une division de son Department of Corrections and Rehabilitation (Département des services correctionnels et de la réadaptation). Cela signifie que le dédommagement est orienté par l’État en matière de recouvrement et de distribution. Les pages Web consacrées à l’Office of Victim and Survivor Rights énumèrent une longue liste de ressources pour les victimes, les délinquants et les différents organismes d’application de la loi et organismes judiciaires à l’échelle de l’État.
Une composante dominante des renseignements disponibles est axée sur le California Victim Compensation Board (CalVCB) (Conseil d’indemnisation des victimes de la Californie), notamment les pages Web qui décrivent le Programme de recouvrement des dédommagements. Le CalVCB a été le premier en son genre aux États-Unis. Le Programme de recouvrement des dédommagements porte sur la collaboration entre la Commission des libérations conditionnelles et les Services correctionnels de l’État. Ces entités travaillent de concert pour veiller à ce que les ordonnances de jugement de dédommagement soient délivrées et que les délinquants paient un dédommagement à leurs victimes à l’intérieur de délais acceptables.
Les pratiques en matière de dédommagement en Californie et au Vermont ont recours à des mécanismes similaires à ceux décrits en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Nous considérons qu’il s’agit de modèles pour les autres provinces et territoires canadiens dont les pratiques en matière de dédommagement sont insuffisantes, comme l’Ontario et le Québec. Toutes les administrations canadiennes doivent s’efforcer de satisfaire aux besoins des victimes en matière de dédommagement; autrement, le droit de demander un dédommagement en vertu de la CCDV est purement symbolique et ne saurait prétendre bénéficier aux victimes.
La prochaine section décrira trois principaux secteurs d’intérêt : les obstacles liés à l’accès au dédommagement, l’établissement de rapports sur les ordonnances de dédommagement et l’utilisation des approches en matière de justice réparatrice pour aider au paiement du dédommagement. Les recommandations sur la meilleure façon d’aller de l’avant et d’aborder ces enjeux sont intégrées dans chaque section.
Parallèlement à l’introduction du droit de demander un dédommagement en 2015, la CCDV a introduit une formule normalisée dans le Code criminel (34.1) que les victimes doivent remplir et présenter aux tribunaux.
Cependant, les victimes doivent satisfaire à certaines conditions clés pour qu’un dédommagement soit envisagé en premier lieu.
- Elles doivent connaître leur droit de formuler une demande ou en être informées (ce qui n’est pas toujours le cas).
- Elles doivent avoir signalé leur victimisation à la police (autrement leur statut en tant que victime ne peut pas être reconnu devant un tribunal judiciaire) et le délinquant doit être condamné.
La simple existence d’un formulaire de demande de dédommagement ne garantit pas une augmentation du nombre ou une vague de demandes de dédommagement. Le Rapport d’étape sur la CCDV du BOFVAC signale que, pour que le nombre d’ordonnances de dédommagement augmente, les victimes doivent d’abord être informées de leur droit d’en faire la demande.
Même si les bonnes conditions sont respectées, le tribunal pourrait ne pas imposer un dédommagement si d’autres difficultés d’ordre pratique sont concernées. Par exemple, une victime pourrait ne pas avoir facilement accès aux estimations des coûts pour effectuer des travaux de réparation ou des procédures médicales. Le moment peut également constituer un enjeu lorsque les affaires sont plaidées rapidement ou pour certains groupes de victimes. Dans des affaires telles que la conduite avec des facultés affaiblies, les juges peuvent hésiter à ordonner un dédommagement, car ils assument que des paiements d’assurance seront versés.
Aux termes de la CCDV, les moyens financiers ou la capacité de payer du délinquant n’empêchent pas le tribunal d’ordonner un dédommagement. Lorsque la Charte canadienne des droits des victimes (la CCDV) a été adoptée en 2015, elle a apporté de nombreuses modifications corrélatives au Code criminel du Canada (Code criminel). En ce qui concerne la question du dédommagement et la capacité de payer d’un délinquant, le Code criminel a été modifié par l’ajout de l’article 739.1, lequel prévoit que les moyens financiers d’un délinquant n’empêchent pas le tribunal de rendre une ordonnance de dédommagement, comme suit :
Capacité de payer :
739.1 Les moyens financiers ou la capacité de payer du délinquant n’empêchent pas le tribunal de rendre l’ordonnance visée aux articles 738 ou 739.
2015, ch. 13, art. 30
Deux décisions de cours d’appel canadiennes (R c. Simoneau et R v. Bean ) ont renforcé le fait que la capacité de payer du délinquant n’est pas considérée comme étant le facteur déterminatif dans la question de savoir si une ordonnance de dédommagement devrait être rendue ou non. Cependant, il semble qu’un tribunal doive tenir compte de la capacité de payer d’un délinquant et des répercussions éventuelles d’une ordonnance de dédommagement sur la réadaptation du délinquant pour trancher la question de savoir si une ordonnance de dédommagement est appropriée. La capacité de payer peut comprendre la capacité de payer actuelle et future, et il ne s’agit pas d’un facteur déterminant.
Cependant, il semble que les tribunaux hésitent toujours à ordonner un dédommagement. Les délinquants sont souvent jugés insolvables, même lorsqu’ils ont planifié et exécuté des escroqueries sophistiquées pour frauder leurs victimes, qu’ils ont dissimulé de l’argent à l’étranger ou qu’ils ont déclaré faillite pour éviter de payer un dédommagement. Il existe souvent des limites valides quant au montant du dédommagement que le délinquant peut payer, étant donné qu’il a peut-être des moyens financiers limités (Wemmers, 2002). Néanmoins, tel que susmentionné, il existe une valeur symbolique associée au dédommagement et les victimes souhaitent une indemnisation, même partielle. Les juges devraient recevoir une formation continue dans ce domaine pour veiller à ce que les droits des victimes soient dûment pris en considération.
À la base, les ordonnances de dédommagement imputent directement la responsabilité aux délinquants pour les torts qu’ils causent. Le paiement d’un dédommagement peut appuyer leur réadaptation. Parallèlement, le non-respect d’une ordonnance de dédommagement a des répercussions directes sur les victimes et donne lieu à une victimisation secondaire. Nous savons que plus il faut de temps pour payer le dédommagement, moins les victimes sont satisfaites à l’égard du système de justice pénale (Warner, 2015). Le respect des ordonnances des tribunaux doit être priorisé et le personnel du système de justice pénale doit adopter une approche active pour assurer le paiement.
Même si le CCDV décrit le dédommagement comme un droit important et une priorité pour les victimes, les représentants de la justice pénale ignorent essentiellement le paiement, adoptant une approche passive en matière d’exécution. Cette approche priorise la situation du délinquant par rapport aux besoins des victimes. Les petits nombres d’ordonnances de dédommagement comparativement aux déclarations de culpabilité, le mépris de la conformité et les faibles taux de paiement laissent entendre que, pour les représentants de la justice pénale, le paiement d’un dédommagement par le délinquant n’est pas important en ce qui a trait à l’acceptation de la responsabilité, au fait de faire amende honorable ou à la réparation des torts. La CCDV ne bénéficie à personne lorsque les droits qu’elle confère aux victimes ne sont pas respectés en pratique.
Recommandation : Afin d’éliminer les obstacles pour les victimes dans leur poursuite du dédommagement, modifier le Code criminel et la Charte canadienne des droits des victimes de manière à exiger des représentants particuliers de la justice pénale (police, procureur de la Couronne et juges) qu’ils informent les victimes de leur droit de demander un dédommagement à des moments désignés dans le temps. Les victimes doivent recevoir des renseignements à propos des processus de dédommagement ainsi que le formulaire 34.1 en temps opportun.
Recommandation : Le gouvernement fédéral devrait modifier la Loi sur les juges pour s’assurer que l’admissibilité d’un juge comprend une formation portant sur les droits des victimes en général et, plus particulièrement, sur le droit au dédommagement. En outre, les programmes d’éducation continue au Conseil canadien de la magistrature ainsi que tous les tribunaux judiciaires provinciaux, devraient comprendre de plus amples renseignements à propos des droits des victimes en général, tout comme l’exigence selon laquelle il faut envisager un dédommagement dans chaque cas en particulier.
Recommandation : Le gouvernement fédéral devrait renforcer l’orientation à l’intention des procureurs fédéraux afin d’inclure l’exigence selon laquelle ils doivent demander un ajournement dans chaque affaire où il n’est pas clair au dossier si on s’est enquis auprès de la victime en ce qui a trait à un dédommagement, même en l’absence d’une demande de renseignements en bonne et due forme par un tribunal.
Recommandation Le gouvernement fédéral devrait collaborer avec les autorités provinciales en ce qui a trait aux lignes directrices à l’intention des procureurs pour assurer une approche uniforme concernant l’orientation présentée aux procureurs en matière de droit des victimes, incluant l’exigence d’envisager un dédommagement dans chaque affaire, à l’échelle du pays.
La recherche sur la satisfaction des victimes à l’égard du dédommagement a conclu que des facteurs qui exercent une influence sur la satisfaction d’une victime sont liés à la procédure et au résultat du processus judiciaire (Kunst et al., 2015; Laxminarayan et al., 2013). En ce qui concerne le processus judiciaire, la satisfaction des victimes à l’égard du dédommagement est liée à leur accès aux renseignements — plus particulièrement, la quantité de renseignements qui a été communiquée à la victime concernant son procès en première instance. En ce sens, plus les victimes recevaient de renseignements à propos de leur procès, plus elles éprouvaient de la satisfaction à l’égard du résultat général. Cependant, la satisfaction de la victime n’était pas liée à la question de savoir si elle avait fait part de ses pertes ou si elle avait expliqué sa victimisation (c.-à-d. dans une déclaration de la victime).
Le résultat du processus judiciaire a montré une absence de consensus quant à la satisfaction des victimes à l’égard du dédommagement. Cela s’explique partiellement par le fait que le résultat est lié au type d’acte criminel (personnel ou bien). Il est important de comprendre les différences entre les types de victimes (plutôt que de les regrouper dans un groupe homogène) selon le type d’acte criminel, de même que les facteurs qui exercent une plus grande influence sur la satisfaction comparativement à d’autres, plus particulièrement en matière de dédommagement. Dans l’ensemble, Wemmers (2002) souligne que les activités de suivi revêtent une importance capitale pour la plupart des victimes, notamment en ce qui a trait au respect des ordonnances par les délinquants, qui doit faire l’objet d’une surveillance étroite (et pas par les victimes).
Les victimes qui ne reçoivent aucun dédommagement éprouveront une insatisfaction à l’égard du système de justice pénale, mais pourraient ne pas associer leur insatisfaction au fait que le dédommagement n’est pas payé (Ruback et al., 2008; Ruback & Shaffer, 2005; Latimer et al., 2005). Des recherches plus approfondies sur la satisfaction des victimes pourraient être nécessaires afin d’établir un lien plus clair entre la satisfaction et la réception du dédommagement.
Le BOFVAC a reçu des plaintes de victimes concernant le dédommagement et les nombreux défis auxquels ils sont confrontés, notamment en matière d’exécution.
Plus il faut de temps pour payer le dédommagement, plus les coûts sont élevés pour le système et la victime (Warner, 2015). Les mesures d’exécution civiles contre le groupe démographique des délinquants criminels peuvent se révéler extrêmement complexes et les coûts pour procéder à un recouvrement par l’intermédiaire du processus civil sont rarement justifiés. Les victimes qui ont le plus besoin du remboursement d’un dédommagement sont souvent les moins bien placées pour procéder à des mesures d’exécution (Warner, 2015). Cependant, nous devons pondérer les coûts associés à l’exécution pour la société par rapport aux coûts de l’acte criminel assumé directement par les victimes. Même lorsque les délinquants ont des fonds limités, nous ne devons pas rejeter d’emblée le dédommagement. Tel que nous l’avons déjà mentionné, un dédommagement est ordonné par les tribunaux de juridiction criminelle en vertu de la compétence fédérale en matière de détermination de la peine, mais le mécanisme d’exécution correspond habituellement à un processus civil, en vertu de l’administration provinciale de la compétence en matière de justice. L’établissement de différents mécanismes ou programmes de recouvrement centraux contribuerait à assurer le paiement du dédommagement.
Manque de renseignements et autres obstacles
Le BOFVAC a entendu de nombreuses victimes qui ont exprimé de la confusion et de la frustration quant au manque de renseignements à propos du dédommagement, et ont signalé que le processus est jonché d’obstacles et qu’il est difficile d’y manœuvrer. Les victimes doivent soumettre des demandes de dédommagement avant la détermination de la peine pour que les tribunaux puissent les examiner; il est impossible de demander un dédommagement après la détermination de la peine. L’importance du facteur temps met en évidence l’urgence d’informer les victimes lorsqu’elles effectuent le premier signalement des actes criminels et, une fois de plus, lorsqu’elles interagissent avec les services aux victimes ou le procureur de la Couronne et les membres du personnel. Pour rendre le processus plus accessible et exempt d’obstacles, les victimes doivent être informées en temps opportun à propos du droit de demander un dédommagement, on doit leur remettre les formulaires appropriés et leur transmettre des renseignements à propos du processus.
Nous avons également entendu des victimes de différentes tragédies dont les familles éprouvent des difficultés financières et qui s’adressent à nous pour obtenir des renseignements à propos du dédommagement, car elles ont éprouvé des difficultés à y accéder ailleurs. Les victimes ne sont pas en mesure d’exercer leurs pleins droits si elles les ignorent.
De nombreux Canadiens qui ont été victimes d’une fraude signalent que, bien que l’étendue du préjudice causé par la fraude puisse varier sur le plan monétaire, les sentiments de honte, de violation et de dévastation sont fréquents. Certaines des victimes que nous avons entendues ont communiqué avec notre bureau au nom de parents aînés qui avaient perdu la majorité des leurs épargnes. Elles sont nombreuses à signaler que le fardeau émotionnel qui leur a été imposé a été exacerbé par la difficulté liée à l’obtention d’un paiement de dédommagement. Selon les victimes, il n’est pas juste que des personnes déclarées coupables s’en tirent sans payer.
Afin d’accroître le nombre de recouvrements réussis pour les victimes de crime, un niveau élevé de collaboration et d’échange de renseignements entre les partenaires fédéraux et provinciaux en matière de justice pénale et civile est nécessaire, au moyen de membres du personnel spécialisés pour soutenir les victimes en matière d’exécution. Toutes les administrations devraient établir un poste ou un programme consacré à l’exécution et au recouvrement des dédommagements.
Recommandation : Modifier la Charte canadienne des droits des victimes afin de conférer à chaque victime en faveur de laquelle une ordonnance de dédommagement est rendue, si le dédommagement n’est pas payé, une aide relativement au recouvrement du jugement exécutable. Ce libellé reconnaît la responsabilité de tous les gouvernements d’aider à l’exécution du dédommagement ordonné par le tribunal, étant donné que les victimes ont le droit de recevoir réparation pour les pertes qu’elles ont subies.
Recommandation : Pour accroître le nombre de recouvrements réussis pour les victimes de crime, un niveau élevé de collaboration et d’échange de renseignements entre les partenaires fédéraux et provinciaux en matière de justice pénale et civile est nécessaire, au moyen de membres du personnel spécialisés pour soutenir les victimes en matière d’exécution. Au moyen d’une aide financière du gouvernement fédéral, les PT devraient établir des postes ou des programmes spécialisés pour aider les victimes d’actes criminels en matière d’exécution et de recouvrement du dédommagement fondés sur les modèles de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique ou de la Nouvelle-Écosse, qui offrent tous des résultats positifs importants pour les victimes d’actes criminels.
Recommandation : Financer plus de recherches quantitatives et qualitatives sur différents aspects du dédommagement, y compris les répercussions du non-paiement et la satisfaction des victimes liée au paiement et au non-paiement. Cela précisera les répercussions politiques et les pratiques pouvant être mises en œuvre à l’échelle du Canada, notamment par des organismes fédéraux, tels que le SCC et la CLCC, qui n’exécutent pas activement les ordonnances de dédommagement.
Exécution déchargée sur les victimes
Lorsqu’un dédommagement est ordonné, les victimes estiment qu’il est peu sécuritaire et injuste qu’il leur incombe de faire exécuter l’ordonnance par l’intermédiaire de tribunaux civils. Étant donné qu’en grande partie les victimes ne souhaitent pas avoir de contact avec leur délinquant, le fait de les obliger à prendre personnellement des mesures pour obtenir un dédommagement omet de leur conférer une protection en vertu de la loi. De nombreuses victimes d’actes criminels signalent également qu’elles sentent qu’elles sont traitées comme une arrière-pensée dans notre système de justice pénale; lorsque l’État se décharge de sa responsabilité de faire exécuter les ordonnances de dédommagement sur ces dernières, cela amplifie cette perception. La vaste majorité des victimes que nous avons entendues ont insisté sur la nécessité de modifier cela.
Une option consiste à mettre en œuvre un programme de compensation de l’impôt sur le revenu fédéral, ce qui serait essentiellement plus rentable qu’une exécution passive pour le recouvrement des ordonnances dont la valeur est moindre. Un tel programme éliminera de nombreux obstacles au processus éprouvés par les victimes dans le cadre du processus civil (par exemple les questions relatives à la protection des renseignements personnels d’un délinquant, les questions relatives à la protection des renseignements personnels des victimes et la victimisation secondaire). Pour procéder aux recouvrements par l’intermédiaire d’un programme de compensation de l’impôt sur le revenu fédéral, la dette doit être due à la Couronne (les victimes doivent la céder) et être perçue en application des lois fédérales, provinciales ou territoriales (Warren, 2015).
Recommandation : Le gouvernement fédéral devrait se pencher sur la création d’un programme de compensation de l’impôt sur le revenu fédéral pour faire exécuter l’ordonnance de dédommagement et veiller à ce que l’État soit responsable du mécanisme de recouvrement. Ce type de mécanisme d’exécution donnerait un sens et une dimension concrète aux ordonnances de détermination de la peine, pénales fédérales (c.-à-d. les réalités de la mobilité intergouvernementale des délinquants et des victimes) et aiderait à régler les questions prioritaires entre le débiteur et le créancier.
Transferts de la garde et obstacles internationaux
De plus, le BOFVAC a occasionnellement entendu les préoccupations de victimes auxquelles on a accordé des ordonnances de dédommagement quant à la possibilité que leur délinquant soit expulsé sans avoir payé partiellement ou intégralement le dédommagement. Selon de nombreuses victimes, l’expulsion permet au délinquant d’éluder sa responsabilité et le remboursement. En outre, la transparence entre les organismes fédéraux (c.-à-d. SCC, CLCC, l’Agence des services frontaliers du Canada) et les victimes est essentielle pour veiller à ce que les ordonnances de dédommagement soient payées avant que toute ordonnance d’expulsion ne soit exécutée et afin que les victimes ne passent pas entre les mailles du filet lors des transferts de garde. De manière similaire, nous avons entendu des victimes qui tentaient de faire exécuter des ordonnances de dédommagement à l’encontre de délinquants qui ont depuis déménagé dans d’autres pays, tels que les États-Unis.
Recommandation : Au moment d’examiner l’admissibilité d’un délinquant, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada devrait adopter une approche axée sur les victimes en tenant compte des traumatismes et prendre en considération les besoins des victimes de recevoir un dédommagement. L’expulsion d’un délinquant n’est pas nécessairement dans l’intérêt des victimes, notamment s’il n’y a aucun risque pour la sécurité publique et elle peut permettre à un fraudeur condamné d’éluder le paiement du dédommagement.
Une manière importante d’améliorer les processus de dédommagement et les résultats pour les victimes d’actes criminels serait de surveiller systématiquement les ordonnances de dédommagement à l’échelle du Canada. À l’heure actuelle, les données sur les ordonnances et les paiements versés ne sont pas pleinement saisies dans les renseignements de Statistique Canada, mais pourraient l’être au niveau provincial ou territorial. Cela représente une lacune importante dans les données et cela signifie que le respect de la conformité à l’accord de dédommagement n’est pas mesuré uniformément au Canada. Du point de vue des victimes, un tel respect est assimilable à une question de responsabilisation des délinquants, qui ne devraient pas s’en tirer à bon compte.
Recommandation : Pour insister sur l’importance de s’acquitter des obligations imposées par la cour, par exemple le dédommagement, les organismes fédéraux, tels que le SCC, devraient exiger que leurs agents des libérations conditionnelles institutionnels et communautaires créent des modalités de paiement pour veiller à ce que les délinquants paient un dédommagement aux victimes en premier, suivi des amendes et de toutes les autres ordonnances en suspens.
Respect de l’accord de dédommagement
Dans des provinces telles que la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse et la Colombie-Britannique, où des programmes de dédommagement ont été mis en œuvre, les recouvrements pour les victimes s’en trouvent améliorés, car il y a du personnel spécialisé pour veiller au respect des ordonnances. Au niveau fédéral, le SCC et la CLCC ont la responsabilité de s’assurer que les délinquants s’acquittent des obligations qui leur sont imposées par le tribunal. Nous ne pouvons plus ignorer le respect relatif à l’exécution des ordonnances de dédommagement pour les délinquants purgeant une peine de ressort fédéral.
Pour sa part, le SCC devrait s’assurer que les délinquants tentent à tout le moins de s’acquitter des obligations qui leur sont imposées par le tribunal. Près de 900 délinquants sous responsabilité fédérale sont visés par des ordonnances de dédommagement en vigueur, ce que ne peut ignorer le SCC. Une stratégie claire devrait être mise sur pied pour veiller à ce que les délinquants paient les sommes qu’ils doivent. Les agents de libération conditionnelle institutionnels devraient les traiter dans le cadre de la gestion des cas. Les provinces et les territoires disposent déjà de mécanismes (tels que les Bureaux des obligations familiales) qui assurent le recouvrement des pensions alimentaires pour enfants; les ordonnances de dédommagement pourraient être traitées d’une manière similaire. Les agents de libération conditionnelle devraient également être tenus d’élaborer des modalités de paiement pour veiller à ce que les ordonnances de dédommagement, les amendes et les autres ordonnances en suspens soient payées. Les délinquants ne sont pas admissibles à une possibilité de pardon, à moins d’avoir purgé intégralement leur peine, ce qui signifie que toutes les amendes et ordonnances de dédommagement doivent avoir été payées à titre de condition pour que leur pardon leur soit accordé. À titre d’exemple, de petites sommes peuvent être versées dans un compte tous les mois et être transférées au tribunal, où les victimes peuvent y avoir accès.
Les victimes d’actes criminels ne devraient pas porter le fardeau administratif associé à leurs ordonnances de dédommagement. Le fait qu’il existe des mécanismes de gestion des cas connexes et fonctionnels pour les pensions alimentaires pour enfants indique qu’il est possible de mettre en œuvre un mécanisme similaire pour le recouvrement des dédommagements au niveau PT et fédéral. Toutes les victimes partout au Canada devraient bénéficier d’une aide équitable en ce qui a trait à l’exécution des ordonnances de dédommagement; autrement, il est trop facile pour les délinquants de fuir leurs responsabilités.
Recommandation : Les organismes fédéraux, tels que le SCC et la CLCC — qui sont responsables de la garde et de la supervision des délinquants — devraient élaborer et mettre en œuvre des programmes de renseignements sur les dédommagements afin de favoriser les paiements réguliers par les délinquants purgeant une peine de ressort fédéral. Le personnel actuel, tel que les agents de libération conditionnelle institutionnels et communautaires, devrait fournir activement des renseignements aux délinquants et surveiller régulièrement leurs progrès liés au versement de paiements aux victimes, dans le cadre de la gestion des cas. Les fonctionnaires provinciaux responsables de la garde et de la supervision des délinquants doivent également adopter une approche active, fournissant des renseignements à jour aux délinquants (notamment ceux en probation dans la communauté) afin de surveiller leurs progrès liés aux versements de paiements aux victimes. En fin de compte, les coûts concernés dans ce type d’initiative (c.-à-d. l’envoi de lettres, voire de courriels, pour rappeler aux délinquants leurs obligations) seraient minimes, et les avantages pour les victimes, les délinquants et le système dans son ensemble pourraient être considérables.
Il existe une lacune importante dans les données sur le dédommagement. Par conséquent, une initiative pancanadienne en matière de collecte de données est nécessaire afin de préciser le nombre d’ordonnances de dédommagement demandées, accordées et rejetées par province et territoire, de même que tous les montants recouvrés et versés aux victimes, catégorisés selon les types d’actes criminels. Nous devons également recueillir des données dans d’autres scénarios où un dédommagement fait l’objet d’une ordonnance — par exemple, dans le cadre d’une probation ou d’autres peines avec sursis.
Statistique Canada produit un rapport annuel sur les causes avec condamnation selon le type de peine. Étant donné que la question des ordonnances de dédommagement est tranchée au moment de la détermination de la peine, le rapport comprend des données sur le dédommagement. Cependant, les provinces et les territoires n’établissent pas de rapports uniformément dans ce domaine. Les pages Web des gouvernements PT n’indiquent pas le nombre d’ordonnances de dédommagement demandées ou accordées au cours de chaque exercice. De manière semblable, il ne semble y avoir aucune statistique quant au nombre d’ordonnances de dédommagement en suspens et au total des montants qui reste à payer après la détermination de la peine.
Bien que la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique aident les victimes à recouvrer les dédommagements et rendent compte publiquement des montants recouvrés, ce n’est pas le cas de la plupart des administrations.
Nous ne disposons pas de renseignements sur le nombre de victimes ayant demandé des ordonnances de dédommagement, le nombre d’ordonnances de dédommagement qui ont été accordées et le montant de ces ordonnances. À titre d’exemple, le site Web de la Colombie-Britannique présente des renseignements exhaustifs sur le programme de dédommagement de la province ainsi que des liens vers le formulaire d’ordonnance de dédommagement dans plusieurs langues, mais il ne rend pas compte du nombre total d’ordonnances de dédommagement rendues.
En outre, un certain nombre d’autres provinces et territoires ne rendent pas compte du nombre d’ordonnances de dédommagement rendues chaque année. Par conséquent, il est impossible d’avoir un portrait complet du dédommagement imposé et payé à l’échelle du Canada. Cette lacune dans les données et ce manque de transparence ne bénéficient pas aux victimes.
Recommandation : Les provinces et les territoires devraient rendre compte du nombre d’ordonnances de dédommagement demandées, le nombre d’ordonnances imposées et rejetées, et les montants recouvrés, versés et en suspens pour les victimes tous les ans. Des pratiques nationales uniformes de collecte de données nationale et de suivi fiable pour le paiement des ordonnances de dédommagement doivent être établies pour déterminer de quelle façon ce droit a été mis en œuvre.
Recommandation : Les organismes fédéraux responsables de la gestion et de la supervision des délinquants devraient rendre compte publiquement du nombre de délinquants faisant l’objet d’ordonnances de dédommagement ainsi que des montants recouvrés ou versés aux victimes tous les ans. Le SCC devrait élaborer un protocole d’entente (PE) afin d’échanger des renseignements avec les provinces et les territoires qui ont instauré des postes ou des programmes de recouvrement et d’exécution pour accroître la transparence du suivi et du paiement des ordonnances de dédommagement.
Le BOFVAC encourage le recours à un mécanisme de recouvrement centralisé en raison de la corrélation entre la conformité à l’accord de dédommagement et la baisse des taux de récidive (Cares & Haynes, 2018; Jacobs & Moore, 1994; Outlaw, 2018; Ruback et al., 2018). Outlaw (2018) signale les conclusions de Ruback et al. (2018) sur la corrélation entre le paiement du dédommagement et la réduction de la récidive :
[traduction] « [Les délinquants] qui ont effectué des paiements plus fréquents et [qui ont payé] une plus grande proportion du dédommagement était moins susceptibles d’être arrêtés de nouveau dans les deux ans. Les résultats […] ont révélé que le lien entre… [l’envoi d’un "rappel" au délinquant] et la récidive découlait principalement du paiement réel, et que l’augmentation dans le nombre de paiements qui découlaient de ces rappels avait plus de répercussions que l’augmentation de la proportion du total qui était payé. »
Le fait de payer plus de dédommagements est associé à des résultats positifs pour les délinquants. Outlaw et Ruback (1999) ont dirigé une étude qui concluait que les délinquants qui payaient plus de dédommagements étaient moins susceptibles d’être arrêtés une fois qu’ils avaient commencé à effectuer des paiements. Cette tendance était particulièrement marquée chez les délinquants ayant des liens avec la communauté, ce qui laisse entendre que le respect de leur ordonnance de dédommagement était encouragé par un sentiment de responsabilisation. Dans une étude antérieure de Miller (1981), les délinquants qui avaient payé intégralement leur dédommagement faisaient l’objet de moins de révocations que ceux qui n’avaient payé aucun dédommagement ou seulement un dédommagement partiel. Ces exemples montrent que les paiements de dédommagement ont le potentiel d’exercer une influence positive sur le caractère du délinquant.
Inversement, les délinquants qui récidivent sont moins susceptibles d’avoir payé intégralement leur dédommagement et moins susceptibles d’avoir effectué un versement relativement au dédommagement qu’ils doivent (Ruback & Shaffer, 2005; Ruback et al., 2004). En fait, ils ont payé une plus petite proportion et ils ont effectué moins de paiements au titre du dédommagement et d’autres sanctions économiques.
Une autre conclusion intéressante est que la prestation de renseignements aux délinquants semblait faire en sorte qu’ils paient davantage dans l’ensemble et qu’ils effectuent un plus grand nombre de paiements. Dans le cadre des renseignements fournis, il y avait une explication de la distinction entre le dédommagement et les autres frais, coûts et amendes que les délinquants devaient payer. Les renseignements fournis aux délinquants doivent énoncer clairement les paiements de dédommagement, les raisons pour lesquelles ils sont importants pour la victime et pour l’État, ainsi que le moment (c.-à-d. à quelle fréquence) ils doivent être versés.
La prestation de renseignements aux délinquants s’est révélée bénéfique pour le respect des ordonnances de dédommagement (Gladfelter et al., 2018; Lurigio & Davis, 1990; Mears, 2014). Le simple acte d’envoyer une lettre d’information aux délinquants, indiquant les montants qu’ils ont déjà payés et qu’ils doivent toujours, semblait faire en sorte que les délinquants étaient plus susceptibles de payer un dédommagement (Ruback, 2016; Ruback et al., 2014). Ce changement se produit vraisemblablement parce que le fait de recevoir un rappel renforce l’obligation du délinquant (envers sa victime), ce qui l’encourage à payer (ou à continuer de payer) le dédommagement.
Recommandation : Les organismes fédéraux, tels que le SCC et la CLCC — qui sont responsables de la garde et de la supervision des délinquants — devraient élaborer et mettre en œuvre des programmes de renseignements sur les dédommagements afin de favoriser les paiements réguliers par les délinquants purgeant une peine de ressort fédéral. Le personnel actuel, tel que les agents de libération conditionnelle institutionnels et communautaires, devrait fournir activement des renseignements aux délinquants et surveiller régulièrement leurs progrès liés aux versements de paiements aux victimes, dans le cadre de la gestion des cas. Les fonctionnaires provinciaux responsables de la garde et de la supervision des délinquants doivent également adopter une approche active, fournissant des renseignements à jour aux délinquants (notamment ceux en probation dans la communauté) afin de surveiller leurs progrès liés au versement de paiements aux victimes. En fin de compte, les coûts concernés dans ce type d’initiative (c.-à-d. l’envoi de lettres, voire de courriels, pour rappeler aux délinquants leurs obligations) seraient minimes, et les avantages pour les victimes, les délinquants et le système dans son ensemble pourraient être considérables.
Les victimes occupent une position unique en ce sens qu’elles sont visées par l’acte criminel et pas [traduction] « seulement un autre témoin »
(Johnstone, 2011). Le dédommagement ne saurait donner l’assurance aux victimes qu’elles retrouveront leur vie avant la victimisation (Johnstone, 2011). Cela est particulièrement vrai compte tenu des obstacles associés à l’accès au dédommagement ainsi que du manque de mécanismes harmonisés d’exécution et d’établissement de rapports utilisés. Par ailleurs, l’idée selon laquelle l’argent (ou la valeur monétaire d’une ordonnance de dédommagement à elle seule) peut corriger le tort causé par un délinquant pourrait être insultante pour les victimes (Burnside & Baker, 1994).
Le système de justice pénale a été orienté par ce qu’il suppose être l’intérêt du grand public en punissant l’acte criminel, plutôt que par une préoccupation de satisfaire aux besoins plus particuliers des victimes (Johnstone, 2011), qui peuvent aller bien au-delà de ceux des autres membres du public qui ne sont affectés qu’indirectement par la perpétration d’un acte criminel dans une communauté. Rien de manifeste n’est rétabli pour les victimes d’actes criminels lorsqu’un délinquant est puni; en soi, une punition ne suffit pas pour aider au rétablissement de la victime. Tant que le système de justice est orienté vers la punition des délinquants, les besoins des victimes demeureront insatisfaits, incluant le besoin relatif à un rétablissement financier dans la foulée de l’acte criminel.
Lawrence (2017) parle du potentiel réparateur dans le sens où cela peut avoir des effets réhabilitants et elle fait aussi valoir qu’il est nécessaire d’élargir ce recours. Pour que le dédommagement soit plus significatif pour les victimes, sur le plan symbolique et pratique, son application et son utilisation doivent changer. Une façon de modifier le point de vue à l’égard du dédommagement consiste à favoriser les réparations comme moyen de recouvrer les pertes des victimes ou les torts qui leur sont causés.
Les approches en matière de justice réparatrice (JR) sont parfois utilisées en guise de solutions de rechange pour les mesures plus traditionnelles dans le système de justice pénale (c.-à-d. poursuites, condamnation). Ces approches permettent aux victimes d’obtenir réparation. Une réparation peut comprendre, entre autres mesures comme la médiation et la reconnaissance de l’acte répréhensible, un dédommagement.
Les pratiques de JR visent à réunir le délinquant, la victime et la communauté, afin de « réparer les préjudices causés par le comportement criminel » (Latimer et al., 2005). La participation à un programme de JR est à la fois volontaire et communautaire, et porte sur quatre éléments : récidive, satisfaction de la victime, satisfaction du délinquant et conformité à l’accord de dédommagement) (Latimer et al., 2005). En raison de la nature de ces programmes, les victimes sont plus susceptibles de tourner la page (c.-à-d. recevoir réparation). La raison en est que les programmes de JR ont tendance à encourager et à aider les délinquants à accepter la responsabilité de leurs comportements et de leurs actes, ainsi qu’à réparer le préjudice qu’ils ont causé aux victimes (Wemmers et al., 2017). Les programmes de JR facilitent également un dialogue dans le cadre duquel le délinquant comprend le coût de ses actes et la raison pour laquelle la victime a besoin de l’argent. Parfois, le résultat consiste à négocier un montant raisonnable que le délinquant peut réellement payer.
Les pratiques de JR et réparations en général répondent mieux aux besoins des victimes à un niveau individuel, car elles ne dépendent pas du respect d’une procédure précise ou d’un protocole qui détermine l’admissibilité dans le système de justice.
Les victimes ont le droit de demander un dédommagement uniquement lorsqu’elles ont signalé leur victimisation et si elles ont produit un formulaire de demande de dédommagement à l’étape de la détermination de la peine pour leur délinquant, après quoi un juge détermine d’autres conditions de peine pour le délinquant. Même si le dédommagement fait l’objet d’une ordonnance, les victimes devront vraisemblablement assumer la responsabilité en matière d’exécution sans l’aide du gouvernement PT, ouvrant ainsi la possibilité d’une mauvaise communication et d’une insatisfaction générale à l’égard du système de justice pénale. En revanche, les pratiques de JR sont des mesures volontaires prises entre la victime et leur délinquant pour réparer les torts. Ces pratiques impliquent un éloignement du système de justice pénale au profit de méthodes non judiciaires.
Dans leur méta-analyse de l’efficacité des pratiques de JR, Latimer et al. (2005) expliquent que la participation à des programmes de JR est associée à des taux plus élevés de conformité à l’accord de dédommagement. Cela signifie qu’une fois que le dédommagement a été déterminé à l’étape de la détermination de la peine, les victimes et les délinquants peuvent compléter ce processus au moyen d’une médiation, d’une réconciliation ou d’une autre forme de JR. En ce sens, la JR est souple et peut s’adapter selon les besoins des victimes. Ce format hybride entre le système de justice pénale et les pratiques de JR donne l’assurance au gouvernement que le délinquant a reçu une peine, mais place toujours les besoins de la victime au centre du processus. Logiquement, le choix d’une approche qui tient compte des besoins des victimes contribuerait à une augmentation de leurs chances de guérison et de rétablissement. Latimer et al. (2005) signalent que les lois canadiennes pourraient ne pas être suffisamment rigoureuses pour assurer la mise en place d’un tel système. Par conséquent, à cette fin, des mécanismes sont nécessaires pour veiller à l’adoption et à la mise en place d’un format hybride entre le système de justice et la JR pour les victimes.
Les programmes de JR représentent une approche générale plus holistique pour permettre aux victimes de tourner la page, notamment parce qu’ils leur confèrent une voix. Avec de plus amples renseignements à propos des approches fondées sur la JR et le dédommagement en général, les victimes sont plus susceptibles d’être satisfaites à l’égard des résultats de leurs procès — et d’être convaincues que la justice a été rétablie — car leurs délinquants ont été tenus responsables. Parfois, les réparations peuvent même faire en sorte que les victimes pardonnent à leurs délinquants, notamment lorsque les victimes participent au processus judiciaire par l’intermédiaire de différents éléments de JR. Cela est important pour les victimes qui se sentent déshumanisées par le processus judiciaire.
La JR peut fournir un moyen plus efficace de mettre en œuvre un dédommagement en raison de l’accent sur l’acceptation par le délinquant de la responsabilité de ses actes, et sur la nécessité de réparer tous les torts relationnels causés par l’acte criminel. Dans le cas des délinquants qui sont condamnés, le dédommagement doit faire l’objet d’une surveillance et doit être exécuté pour assurer son achèvement. Les dialogues et les processus de JR offrent un environnement efficace dans lequel il est possible de surveiller la façon dont le dédommagement est achevé. Plus important encore, ils placent les voix et les besoins des victimes au centre des discussions tout en reconnaissant le fait que le délinquant et la communauté ont des rôles importants à jouer dans la réparation du préjudice.
Recommandation : Les processus de dédommagement actuels ne servent pas les victimes adéquatement ou uniformément à l’échelle du Canada, car le dédommagement fait rarement l’objet d’une ordonnance et son exécution est complexe. Il est nécessaire d’accroître l’utilisation des programmes de JR en tant qu’intervention normative à l’égard d’un acte criminel parce que, ce faisant, les victimes auraient davantage leur mot à dire dans le processus, elles éprouveraient généralement une plus grande satisfaction, étant donné que l’objectif principal de la JR consiste à réparer le préjudice.
Recommandation : Le ministre fédéral de la Justice devrait lancer une campagne de sensibilisation dans toutes les provinces et tous les territoires vouée à s’assurer que tous les Canadiens sont informés de leur droit de demander un dédommagement, et ce, dans tous les cas, dans l’éventualité où ils deviendraient la victime d’un acte criminel.
Voici une liste de recommandations de l’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels, telles que présentées dans le présent Rapport spécial sur le dédommagement :
- Afin d’éliminer les obstacles pour les victimes dans leur poursuite du dédommagement, modifier le Code criminel et la Charte canadienne des droits des victimes de manière à exiger des représentants particuliers de la justice pénale (police, procureur de la Couronne et juges) qu’ils informent les victimes de leur droit de demander un dédommagement à des moments désignés dans le temps. Les victimes doivent recevoir des renseignements à propos des processus de dédommagement ainsi que la formule 34.1 en temps opportun.
- Le gouvernement fédéral devrait modifier la Loi sur les juges pour s’assurer que l’admissibilité d’un juge comprend une formation portant sur les droits des victimes en général et, plus particulièrement, sur le droit au dédommagement. En outre, les programmes d’éducation continue au Conseil canadien de la magistrature ainsi que tous les tribunaux judiciaires provinciaux, devraient comprendre de plus amples renseignements à propos des droits des victimes en général, de même que l’exigence d’envisager un dédommagement dans chaque cas en particulier.
- Le gouvernement fédéral devrait renforcer l’orientation à l’intention des procureurs fédéraux afin d’inclure l’exigence selon laquelle ils doivent demander un ajournement dans chaque affaire où il n’est pas clair au dossier si on s’est enquis auprès de la victime en ce qui a trait à un dédommagement, même en l’absence d’une demande de renseignements en bonne et due forme par un tribunal.
- Le gouvernement fédéral devrait collaborer avec les autorités provinciales en ce qui a trait aux lignes directrices à l’intention des procureurs pour assurer une approche uniforme concernant l’orientation présentée aux procureurs en matière de droit des victimes, incluant l’exigence d’envisager un dédommagement dans chaque cas, à l’échelle du pays.
- Modifier la Charte canadienne des droits des victimes afin de conférer à chaque victime en faveur de laquelle une ordonnance de dédommagement est rendue, si le dédommagement n’est pas payé, une aide relativement au recouvrement du jugement exécutable. Ce libellé reconnaît la responsabilité de tous les gouvernements d’aider à l’exécution du dédommagement ordonné par le tribunal, étant donné que les victimes ont le droit de recevoir réparation pour les pertes qu’elles ont subies.
- Pour accroître le nombre de recouvrements réussis pour les victimes de crime, un niveau élevé de collaboration et d’échange de renseignements entre les partenaires fédéraux et provinciaux en matière de justice pénale et civile est nécessaire, au moyen de membres du personnel spécialisés pour soutenir les victimes en matière d’exécution. Le gouvernement fédéral devrait fournir une aide financière du gouvernement fédéral afin de permettre aux PT d’établir des postes ou des programmes spécialisés pour aider les victimes d’actes criminels en matière d’exécution et de recouvrement du dédommagement fondés sur les modèles de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique ou de la Nouvelle-Écosse, qui offrent tous des résultats positifs importants pour les victimes d’actes criminels.
- Financer plus de recherches quantitatives et qualitatives sur différents aspects du dédommagement, y compris les répercussions du non-paiement et la satisfaction des victimes liée au paiement et au non-paiement. Cela fournira plus de précisions sur les répercussions politiques et les pratiques pouvant être mises en œuvre à l’échelle du Canada, notamment par les organismes fédéraux, tels que le SCC et la CLCC, qui n’exécutent pas activement les ordonnances de dédommagement.
- Le gouvernement fédéral devrait se pencher sur la création d’un programme de compensation de l’impôt sur le revenu fédéral pour faire exécuter l’ordonnance de dédommagement et veiller à ce que l’État soit responsable du mécanisme de recouvrement. Ce type de mécanisme d’exécution donnerait un sens et une dimension concrète aux ordonnances de détermination de la peine pénales fédérales (c.-à-d. les réalités de la mobilité intergouvernementale des délinquants et des victimes) et aiderait aux questions prioritaires entre le débiteur et le créancier.
- Au moment d’examiner l’admissibilité d’un délinquant, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada devrait adopter une approche axée sur les victimes en tenant compte des traumatismes et prendre en considération les besoins des victimes de recevoir un dédommagement. L’expulsion d’un délinquant n’est pas nécessairement dans l’intérêt des victimes, notamment s’il n’y a aucun risque pour la sécurité publique et elle peut permettre à un fraudeur condamné d’éluder le paiement du dédommagement.
- Pour insister sur l’importance de s’acquitter des obligations ordonnées par la cour, par exemple le dédommagement, les organismes fédéraux, tels que le SCC, devraient exiger que leurs agents des libérations conditionnelles institutionnels et communautaires créent des modalités de paiement pour veiller à ce que les délinquants paient un dédommagement aux victimes en premier, suivi des amendes et de toutes les autres ordonnances en suspens.
- Les organismes fédéraux, tels que le SCC et la CLCC — qui sont responsables de la garde et de la supervision des délinquants — devraient élaborer et mettre en œuvre des programmes de renseignements sur les dédommagements afin de favoriser les paiements réguliers par les délinquants purgeant une peine de ressort fédéral. Le personnel actuel, tel que les agents de libération conditionnelle institutionnels et communautaires, devrait fournir activement des renseignements aux délinquants et surveiller régulièrement leurs progrès liés au versement de paiements aux victimes, dans le cadre de la gestion des cas. Les fonctionnaires provinciaux responsables de la garde et de la supervision des délinquants doivent également adopter une approche active, fournissant des renseignements à jour aux délinquants (notamment ceux en probation dans la communauté) afin de surveiller leurs progrès liés au versement de paiements aux victimes. En fin de compte, les coûts concernés dans ce type d’initiative (c.-à-d. l’envoi de lettres, voire de courriels, pour rappeler aux délinquants leurs obligations) seraient minimes, et les avantages pour les victimes, les délinquants et le système dans son ensemble pourraient être considérables.
- Les provinces et les territoires devraient rendre compte du nombre d’ordonnances de dédommagement demandées, le nombre d’ordonnances imposées et rejetées, et les montants recouvrés, versés et en suspens pour les victimes tous les ans. Des pratiques nationales uniformes de collecte de données nationale et de suivi fiable pour le paiement des ordonnances de dédommagement doivent être établies pour déterminer de quelle façon ce droit a été mis en œuvre.
- Les organismes fédéraux responsables de la gestion et de la supervision des délinquants devraient rendre compte publiquement du nombre de délinquants faisant l’objet d’ordonnances de dédommagement ainsi que des montants recouvrés ou versés aux victimes tous les ans. Le SCC devrait élaborer un protocole d’entente (PE) afin d’échanger des renseignements avec les provinces et les territoires qui ont instauré des postes ou des programmes de recouvrement et d’exécution pour accroître la transparence du suivi et du paiement des ordonnances de dédommagement.
- Les processus de dédommagement actuels ne servent pas les victimes adéquatement ou uniformément à l’échelle du Canada, car le dédommagement fait rarement l’objet d’une ordonnance et son exécution est complexe. Il est nécessaire d’accroître l’utilisation des programmes de JR en tant qu’intervention normative à l’égard d’un acte criminel parce que, ce faisant, les victimes auraient davantage leur mot à dire dans le processus, elles éprouveraient généralement une plus grande satisfaction, étant donné que l’objectif principal de la JR consiste à aborder et réparer le préjudice.
- Le ministre fédéral de la Justice devrait lancer une campagne de sensibilisation dans toutes les provinces et tous les territoires vouée à s’assurer que tous les Canadiens sont informés de leur droit de demander un dédommagement, et ce, dans tous les cas, dans l’éventualité où ils deviendraient la victime d’un acte criminel.
Les conclusions et recommandations dans le présent Rapport spécial sur le dédommagement pour les victimes d’actes criminels au Canada mettent en évidence les défis importants auxquels les victimes sont confrontées en ce qui a trait à l’exécution des ordonnances de dédommagement. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent prioriser une approche active en matière de dédommagement au nom des victimes, car le paiement d’un dédommagement présente un potentiel de réparation, et ce, autant pour les victimes que pour les délinquants.
L’élargissement des pratiques prometteuses présentées dans le présent rapport pourrait être significatif afin d’appuyer les victimes d’actes criminels. De manière réaliste, ces recommandations ne sauraient être mises en œuvre sans un leadership adéquat, sans initiative et sans effort concerté de la part du gouvernement fédéral en partenariat avec les gouvernements PT. Un sentiment accru de responsabilité est nécessaire pour veiller à ce que les droits des victimes à l’échelle du Canada soient respectés et maintenus à toutes les étapes du processus de justice pénale.
