Breadcrumb trail

  1. Accueil
  2. Publications
  3. Ce que nous avons entendu – Cercle de partage du Yukon: Le 5 Mai 2021

Cercle de partage du Yukon

Le 5 mai 2021

Ce que nous avons entendu

Table de Matières

Résumé

Aperçu général

Contexte

Processus de mobilisation

Format

Ce que nous avons entendu

Système de justice pénale

Services de police

Préoccupations communautaires

Justice réparatrice

Violence envers les femmes

Enfants et jeunes

Services d’aide aux victimes

Déclarations au nom d’une collectivité

Leçons retenues.

Prochaines étapes

Annexe

Notes de fin de document

 

Résumé

Le présent rapport rend compte du Cercle de partage virtuel tenu par le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels (BOFVAC) avec des résidents du Yukon le 5 mai 2021. Nous avons organisé le Cercle de partage dans le but d’accroître notre engagement auprès des victimes et des survivants d’actes criminels dans les régions éloignées du Canada, en mettant particulièrement l’accent sur les groupes et les collectivités autochtones.

Au Yukon, les victimes d’actes criminels sont aux prises avec un contexte unique. Le Yukon est un territoire éloigné avec une population relativement petite, un taux de criminalité disproportionné et des taux élevés de victimisation des femmes et des jeunes autochtones.

En raison de la pandémie de COVID-19 et des restrictions de voyage, le Cercle de partage a eu lieu virtuellement. Toutefois, le Centre culturel Kwanlin Dün, à Whitehorse, a accueilli certains participants en personne, conformément aux règles territoriales de santé et de sécurité. L’ombudsman et son personnel ont participé au Cercle de partage à partir d’Ottawa, en Ontario.

Pendant le Cercle de partage, nous avons écouté des victimes et des survivants d’actes criminels, des fournisseurs de services d’aide aux victimes, des représentants du système de justice pénale et des défenseurs des droits des victimes qui résident au Yukon. Ces participants ont parlé de leurs expériences liées au système de justice pénale, de leurs interactions avec la police et de leur accès aux services d’aide aux victimes, ainsi que de sujets tels que la violence fondée sur le sexe, la victimisation des jeunes, les défis de la communauté 2ELGBTQIA+ et la dynamique des petites collectivités éloignées.

Nous avons entendu dire que de nombreux habitants du Yukon ont du mal à obtenir l’aide et le soutien dont ils ont besoin pour s’y retrouver dans le système de justice pénale. Les participants ont signalé que les services d’aide aux victimes dans le territoire semblent manquer de ressources et être débordés, et ne s’appuient pas suffisamment sur des pratiques communautaires propres aux Autochtones. Les participants ont également discuté des défis de sécurité relatifs à la vie dans une petite collectivité et des obstacles que cela présente pour accéder à des services indispensables. Enfin, les participants ont exprimé un besoin urgent d’initiatives de prévention de la violence menées par la collectivité et adaptées à la culture. Ils ont reconnu qu’il s’agissait du moyen le plus efficace de réduire les taux élevés de violence, de réadapter les délinquants, de protéger les enfants, de guérir les traumatismes et de soutenir la santé et le bien-être des familles et des collectivités du Yukon.

Les défis auxquels font face les victimes et les survivants, les fournisseurs de services et les représentants du système de justice pénale au Yukon renforcent la nécessité pour le BOFVAC de continuer d’attirer l’attention sur les besoins particuliers des résidents du Nord. Nous avons l’intention de tenir d’autres cercles de partage dans le Nord.

 

Aperçu général

Le 5 mai 2021, le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels (BOFVAC) a organisé le Cercle de partage virtuel du Yukon pour entendre les résidents de ce territoire. Les cercles de partage font partie de la priorité continue de l’ombudsman de prendre contact avec des victimes d’actes criminels aux quatre coins du Canada (en particulier celles vivant dans des collectivités qui n’ont jamais communiqué avec le BOFVAC) et de les informer. Nous accordons une attention particulière aux collectivités autochtones et éloignées dans le cadre de nos efforts de sensibilisation et d’information dans ces régions.

Nous sommes guidés par une approche axée sur la victime, qui tient compte des traumatismes et qui est fondée sur les forces. Nous nous efforçons de comprendre l’incidence qu’ont les politiques, programmes et services fédéraux sur les victimes d’actes criminels, les fournisseurs de services, les représentants du système de justice et d’autres intervenants à l’échelle communautaire. Les cercles de partage que nous organisons nous donnent l’occasion d’entendre les membres des collectivités parler de leur contexte unique, de leurs expériences liées au système de justice pénale, de leurs préoccupations et des obstacles systémiques avec lesquels ils sont aux prises. Les expériences dont ils nous font part éclairent les recommandations que nous présentons aux organismes gouvernementaux pour améliorer les mesures législatives, les politiques et les programmes fédéraux.

Les cercles de partage nous donnent aussi l’occasion de nouer des liens à l’échelle communautaire. Cela peut mener à un dialogue ouvert et à l’échange des meilleures pratiques, ainsi que nous aider à surmonter les obstacles et à travailler ensemble pour mettre en place de nouvelles initiatives.

Nous sommes conscients que les victimes, les survivants, les fournisseurs de services et les représentants du système de justice pénale résidant ou travaillant dans des collectivités nordiques, éloignées ou rurales font face à de nombreux défis, et nous reconnaissons la nécessité d’accroître notre engagement dans ces collectivités. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi le Yukon pour le Cercle de partage du 5 mai 2021.

 

Contexte

Le Yukon est un territoire éloigné du Nord du Canada. Au 30 décembre 2020, il comptait environ 42 827 habitants, dont la majorité vivait à Whitehorse, la capitale . Le Yukon a également une importante population autochtone. En 2016, 3 180 résidents de Whitehorse s’identifiaient comme membres des Premières Nations, 315 comme Inuits et 700 comme Métis.

Les femmes et les filles vivant dans les collectivités du Nord du Canada subissent plus de violence que celles du Sud du pays . En 2018, le Yukon se classait au troisième rang au pays pour ce qui est des taux de criminalité les plus élevés. Ce sont les Territoires du Nord-Ouest, suivis du Nunavut, qui affichaient les taux de criminalité les plus élevés. La moitié des femmes et 16 p. 100 des hommes affirment être victimes d’agressions sexuelles depuis l’âge de 15 ans; 48 p. 100 des femmes et 58 p. 100 des hommes soutiennent avoir subi des agressions physiques; et 61 p. 100 des hommes et des femmes affirment avoir subi des agressions physiques et sexuelles . Ces taux sont exponentiellement élevés. Au Yukon, la plupart des infractions violentes au Code criminel se sont produites à Whitehorse iv .

Les régions nordiques et éloignées présentent non seulement un risque plus élevé de violence, mais aussi des obstacles à l’accès aux services de soutien connexes. Des recherches ont révélé que certains facteurs augmentent le risque de violence dans ces régions, soit la pauvreté, l’isolement (social, culturel et psychologique), les transports en commun limités, les services de garderie limités, l’accès plus facile à des armes, la difficulté d’obtenir des services juridiques et l’accès limité aux services destinés aux femmes, comme les services de soutien en santé mentale et les refuges .

En général, le risque de crime violent est plus élevé chez les Autochtones que chez les non-Autochtones partout au Canada, y compris dans les trois territoires . Il importe également de noter que les répercussions de la colonisation et du système des pensionnats sur les peuples autochtones ont été destructrices et néfastes, et qu’elles se font encore sentir. Elles ont entraîné une perte d’identité et de culture, l’itinérance, la violence familiale, des suicides, la maltraitance des enfants et la toxicomanie (Gagné, 1998) . La perte de la culture est un événement traumatisant qui peut causer un trouble de stress post-traumatique et des troubles anxieux (Gagné, 1998). Ce traumatisme est intergénérationnel et continue d’affecter les peuples autochtones encore aujourd’hui. Parfois, un tel traumatisme peut amener les survivants à perpétuer le cycle de la violence et de la maltraitance.

Historiquement, nous avons reçu très peu de demandes de renseignements de la part des populations autochtones, malgré les taux élevés de victimisation avec lesquels elles sont aux prises. L’ombudsman s’emploie actuellement à accroître les efforts de sensibilisation et de reconnaissance du BOFVAC dans les collectivités autochtones, et à fournir des services respectueux des valeurs culturelles en embauchant du personnel autochtone.

 

Processus de mobilisation

Pour protéger la santé et la sécurité de toutes les personnes concernées, et respecter les mesures sanitaires liées à la pandémie de COVID-19, qui limitaient les déplacements sur le territoire à l’époque, nous avons tenu le Cercle de partage du Yukon en mode virtuel. Cela a permis d’inclure des participants de tout le territoire. L’ombudsman et la directrice exécutive n’ont pas pu se rendre dans la région au préalable afin de rencontrer des membres de la collectivité pour leur expliquer l’objectif du Cercle de partage, mais elles ont collaboré avec le Conseil des Premières Nations du Yukon pour promouvoir et tenir l’événement. Le Conseil a suggéré d’utiliser le Centre culturel Kwanlin Dün pour permettre à certaines personnes d’assister à l’événement en personne, si elles le souhaitaient. Nous avons fait la promotion du Cercle de partage par courriel, et des organisations du Yukon ont publié l’affiche de l’événement sur Facebook.

 

Format

Le Cercle de Partage a été tenu en soirée pour accommoder les personnes qui n’auraient peut-être pas pu s’absenter du travail pour y assister. Une quarantaine de personnes y ont participé.

Avec l’aide du Conseil des Premières Nations du Yukon, nous avons réservé le Centre culturel Kwanlin Dün. Le Centre pouvait accueillir jusqu’à 30 personnes tout en respectant d’une manière sécuritaire, accessible et inclusive les mesures liées à la pandémie de COVID-19 en vigueur au Yukon. Au final, une quinzaine de personnes ont participé à l’événement sur les lieux. Pour suivre les règles de distanciation physique, elles étaient assises à deux mètres l’une de l’autre. Elles ont parlé dans des microphones individuels fournis par le Centre.

L’ombudsman, l’équipe du BOFVAC et la directrice exécutive — qui a animé le Cercle de partage — ont pris part à l’événement virtuellement à partir d’Ottawa, en Ontario. En ce qui concerne le Yukon, le temps a été partagé entre les participants en ligne et ceux présents au Centre culturel. Le Conseil des Premières Nations du Yukon a fourni un soutien technologique et a veillé à la stabilité de notre connexion.

Pour protéger l’anonymat et la vie privée des participants, nous n’avons demandé à aucun d’entre eux de s’identifier (qu’ils assistent à l’événement en personne ou virtuellement), et nous n’avons consigné aucun nom lors de la compilation des expériences décrites pour ce rapport.

Du soutien culturel était offert au Centre culturel Kwanlin Dün pour toute personne qui aurait pu ressentir de la détresse pendant le Cercle de partage. Les personnes qui assistaient à l’événement en ligne pouvaient utiliser le service VictimLinkBC.

 

Ce que nous avons entendu

Système de justice pénale

« Nous sommes laissés à nous-mêmes. Les travailleurs des services d’aide aux victimes sont débordés et ne peuvent pas aider. Nous devons comprendre par nous-mêmes le système de justice. »

Tous les participants ont convenu qu’il est difficile pour les victimes de s’y retrouver dans le système de justice pénale du Canada.

Les participants ont affirmé que les gens ne connaissent pas leurs droits et ignorent pour la plupart l’existence de la Charte canadienne des droits des victimes (CCDV). Les victimes et les survivants ne comprennent pas le système juridique et les tribunaux, et ne savent pas vers qui se tourner pour obtenir de l’aide. Les victimes nous ont dit que les représentants du système de justice pénale ne leur fournissent pas suffisamment de renseignements sur ce qu’il faut faire, où aller et comment poser des questions. On a l’impression que le système est décousu et n’est pas coordonné. Les participants ont affirmé que cela fait en sorte qu’ils se sentent abandonnés et seuls lorsqu’ils essaient de s’y retrouver dans la bureaucratie déroutante du système de justice pénale. Un participant a dit ce qui suit : « J’ai l’impression d’être à l’extérieur en train de regarder à l’intérieur. » Cette déclaration rend compte du sentiment d’aliénation et de marginalisation que ressentent les victimes lorsqu’elles font appel au système de justice pénale.

Au Yukon, les services d’aide aux victimes sont débordés et n’ont tout simplement pas la capacité nécessaire pour répondre à la demande. Pour cette raison, les participants ont affirmé qu’ils ne se sentaient pas soutenus.Un participant a dit ce qui suit : « Je n’ai pas l’impression qu’il existe de très bonnes ressources pour nous aider. »

Un autre participant a permis de mieux comprendre le traitement des victimes par le système de justice pénale, en affirmant ce qui suit : « J’attends toujours le rapport de la GRC [Gendarmerie royale du Canada] sur le décès d’un proche. » Ce proche a été brutalisé, violé et abattu il y a plus d’un demi-siècle — en 1965.

C’était le reflet d’une impression commune dont nous entendons souvent parler : les victimes, les survivants et les membres de leur famille se sentent complètement marginalisés par le système de justice pénale. Ils se disent relégués au second plan lorsqu’ils recherchent des renseignements sur leur cas. L’absence d’une approche bienveillante et centrée sur l’humain a des répercussions importantes sur ceux qui ne sont pas en mesure d’obtenir des réponses. Les familles autochtones dont des êtres chers ont été perdus ou volés, et qui ne peuvent pas tourner la page, ont de plus en plus de chagrin.

« Nous subissons cette perte tous les jours, même si cela s’est produit il y a des décennies, car nous ne savons pas ce qui s’est passé », a déclaré un participant au sujet d’un membre de sa famille. « J’ai encore mal à cause de ça. J’en pleure encore. Pour ma famille, le chagrin est une chose continue. »

Malheureusement, ce sentiment est une réalité pour de nombreuses familles de femmes et de filles autochtones disparues et assassinées, et les participants au Cercle de partage l’ont exprimé aussi. Les services d’aide aux victimes du gouvernement du Yukon emploient une personne dont le travail consiste à aider les victimes à obtenir de l’information sur leur cas, mais les membres des familles autochtones ne sont pas nécessairement au courant de la présence de ce travailleur (et ne sont pas toujours aiguillés vers celui-ci).

D’après les victimes qui ont communiqué avec nous, la possibilité d’être tenues au courant du processus de justice pénale constitue l’un de leurs besoins les plus importants, mais le personnel de la justice pénale continue de négliger systématiquement ce besoin. Nous avons noté dans notre rapport d’étape sur la Charte canadienne des droits des victimes et Le droit à l’information comme point d’entrée : Examen des plaintes liées à la Charte canadienne des droits des victimes que l’information est un droit d’accès. Sans l’information, les victimes ne peuvent pas faire valoir ni exercer les autres droits énoncés dans la CCDV . La CCDV donne aux victimes le droit à l’information, mais n’attribue à aucun représentant du système de justice pénale la responsabilité de veiller à l’exercice de ce droit. Les victimes ne sont donc pas informées systématiquement de leurs droits et des services offerts.

Il importe de noter qu’en cas de traumatisme, les victimes peuvent être dans un état d’anxiété ou de détresse et peuvent être incapables de retenir les renseignements qui leur sont donnés. De plus, la probabilité qu’elles recherchent ces renseignements peut être beaucoup plus faible dans pareil cas. Une approche tenant compte des traumatismes prendrait en considération cette réalité. Nous avons recommandé au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, l’honorable Bill Blair, que les victimes soient inscrites automatiquement pour recevoir des renseignements sur le délinquant sous responsabilité fédérale qui leur a causé du tort, plutôt que d’avoir à chercher elles-mêmes ces renseignements. Nous avons également présenté cette recommandation dans notre rapport d’étape sur la Charte canadienne des droits des victimes. La fourniture automatique de renseignements devrait aussi inclure une carte pancanadienne des droits des victimes remise par la police dans l’ensemble des provinces et des territoires, qui décrit clairement les droits en vertu de la CCDV. Cette carte devrait indiquer les ressources à contacter pour obtenir des renseignements et pour être dirigé vers des services d’aide aux victimes (voir l’annexe).

La difficulté à s’y retrouver dans le système de justice pénale est une préoccupation très répandue chez les victimes et les survivants. Nous en entendons parler constamment. Nous ne saurions trop insister sur l’importance de mettre les survivants en contact avec des services d’aide aux victimes pour les aider à mieux comprendre la bureaucratie et à surmonter leur traumatisme. Nous avons entendu dire qu’il manque de services d’aide aux victimes autochtones respectueux et pertinents sur le plan culturel. Nous avons recommandé que la ministre des Relations Couronne-Autochtones, l’honorable Carolyn Bennett, augmente le financement, la disponibilité et l’accessibilité des services et du soutien offerts aux victimes par des organismes dirigés par des Autochtones .

Services de police

« J’ai peur de raconter mon histoire. Parfois, j’ai l’impression que je vais être jugé. »

Au Yukon, il y a encore des victimes qui ne signalent pas des crimes à la police parce qu’elles ont eu des expériences désagréables avec celle-ci dans le passé. Ce constat est particulièrement vrai dans le cas des victimes de violence conjugale, qui estiment que le système entretient des préjugés défavorables envers elles. Les participants nous ont dit que, dans bien des cas, la police ne les croit pas lorsqu’ils signalent des actes de violence conjugale ou de violence entre partenaires intimes. En raison de stéréotypes, la police les considère souvent comme responsables des crimes perpétrés contre eux. Des victimes ont affirmé qu’on leur avait dit que rien ne pouvait être fait dans leur cas « parce que c’est une question de “il a dit ceci, elle a dit cela” ». Elles se sentent impuissantes et sans recours. Une participante a affirmé ce qui suit : « Je me suis sentie de nouveau victimisée par mes interactions avec la police ».

La tendance préoccupante parmi les participants est leur manque d’espoir et de confiance dans la police, ce qui les décourage de signaler un crime. Un participant a déclaré ce qui suit : « J’ai l’impression que la GRC est du côté de l’agresseur. » Les participants ont exprimé une réelle crainte quant au manque de protection à leur égard lorsqu’ils se manifestent. On a l’impression que le système de justice pénale ne tient pas les agresseurs responsables et qu’il les protège, et que les agresseurs ne sont finalement pas condamnés pour leurs crimes. Les participants ont également souligné que les jeunes victimes ne se sentent pas en sécurité et ne sont pas protégées dans leurs interactions avec le système de justice pénale.

Il convient de noter que certains participants ont aussi parlé de problèmes liés au champ de compétence, des problèmes qui sont souvent vécus dans l’ensemble du système de justice pénale. Ils ont fait état d’un manque de suivi lorsque le crime dépasse les frontières provinciales ou territoriales. Ils ont déclaré que la police semble juger que les victimes sont en sécurité et vont bien tant qu’elles se trouvent dans un endroit différent de leur agresseur.

Les victimes nous disent constamment que leurs interactions avec la police les revictimisent et les retraumatisent. Trop souvent, nous entendons parler d’enquêteurs de police qui traitent les victimes et les témoins comme des suspects. Ce constat est particulièrement vrai pour les cas de crimes sexuels et de violence entre partenaires intimes. Même les policiers ayant les meilleures intentions du monde peuvent causer plus de tort que de bien à la victime s’ils n’ont pas suivi de formation qui tient compte des traumatismes. L’apprentissage et l’utilisation de pratiques tenant compte des traumatismes lorsqu’on travaille auprès de victimes s’avèrent fondamentaux pour renforcer les résultats du système de justice pénale tant pour la police que pour les victimes. Pour être efficaces et éviter de retraumatiser les victimes, les interventions auprès de celles-ci doivent être respectueuses et soucieuses de leur bien-être. Nous avons donc recommandé que tous ceux qui travaillent au sein du système de justice pénale reçoivent une formation de base les sensibilisant à la façon dont les interventions à la suite d’un traumatisme influent sur la vie des gens et sur leur capacité et leur aptitude à surmonter des difficultés. L’adoption d’approches tenant compte des traumatismes lors des interactions avec les victimes pourrait également contribuer à éliminer les obstacles au signalement des cas de violence sexuelle, en augmentant la confiance dans notre système de justice.

Nous recevons aussi de nombreuses demandes de renseignements au sujet des défis que présente la victimisation d’une personne dans une autre province ou un autre territoire. Cette situation crée des difficultés supplémentaires pour la victime lorsqu’elle cherche des renseignements, y compris un fardeau financier supplémentaire, et rend la participation beaucoup plus difficile. Au Canada, plusieurs services de soutien et programmes d’aide financière ne sont offerts qu’aux personnes résidant dans une province ou un territoire donné. Comme il n’y a pas de normes nationales pour les services d’aide aux victimes, l’expérience et le soutien d’une victime dépendent en grande partie de la province ou du territoire où elle habite. En reconnaissance du fait que le crime et la violence transcendent les frontières, une réponse coordonnée est nécessaire. Une telle réponse permettrait aux provinces et territoires de travailler ensemble pour soutenir toutes les victimes et répondre à leurs besoins en matière de sécurité, d’aide financière et d’accès à la justice. Nous poursuivons nos efforts pour mieux faire connaître cette question.

Préoccupations communautaires

Dynamique des petites collectivités

« Les membres de la collectivité ne peuvent pas être perçus comme prenant parti, ce qui fait que personne n’obtient le soutien nécessaire. »

Comme c’est souvent le cas dans les collectivités nordiques, rurales et éloignées, la dynamique communautaire est un facteur important de la criminalité, de la violence et de la victimisation.

Pendant le Cercle de partage, nous avons entendu parler du manque d’intimité dans les petites collectivités, où tout le monde se connaît. Les participants nous ont dit que lorsque tout le monde se connaît dans une collectivité, le fait de se manifester pour signaler un crime peut être extrêmement dangereux. Bien souvent, cela n’en vaut pas le risque. Par exemple, la victime peut faire l’objet de représailles si elle signale un acte commis par un autre membre de la collectivité. Même dans des situations où il n’est pas dangereux de procéder à un signalement, cela peut tout de même créer des divisions inconfortables au sein de la collectivité, au sein des familles et au sein d’une Première Nation dans son ensemble. Plusieurs collectivités sont incapables de soutenir la victime lorsque le délinquant y est présent. Comme l’a fait remarquer un participant, les membres de la collectivité peuvent ne pas vouloir être perçus comme prenant parti. Cette dynamique rend difficile la responsabilisation des délinquants et décourage les victimes de se manifester.

Personnes 2ELGBTQIA+

« C’est juste la façon dont la société fonctionne; elle méprise notre groupe. »

Les participants nous ont fait part de leurs préoccupations concernant la sécurité des personnes 2ELGBTQIA+ au Yukon, y compris le danger associé à la révélation de leur orientation sexuelle dans une petite collectivité. Plusieurs personnes 2ELGBTQIA+ cachent leur identité afin de se protéger.

Selon les participants, c’est la raison pour laquelle ce groupe n’est pas représenté au sein du système de justice pénale. Les membres de ce groupe ne reçoivent pas non plus les services dont ils ont besoin pour se sentir en sécurité. Ils font face à un certain nombre d’obstacles à la justice, tels que le manque d’intimité, la peur de signaler des crimes à la police à cause des mauvais traitements infligés par des membres de leur collectivité et la nécessité de garder leur identité secrète. Ces obstacles les empêchent de signaler un crime et de demander de l’aide. Un participant a résumé cette situation en affirmant ce qui suit : « C’est peut-être ce qui empêche les personnes 2ELGBTQIA+ de se manifester… elles ont peur. Elles ne veulent pas se mettre en danger en révélant qui elles sont vraiment. Elles craignent notamment le traitement qu’elles pourraient subir si les représentants de la justice pénale en étaient au courant. »

Nous avons également appris qu’il faudrait plus de conseillers s’identifiant comme hommes pour que tous les membres de la collectivité aient accès à un conseiller avec lequel ils se sentent à l’aise de parler. Les participants ont déclaré que le manque de services destinés aux hommes témoigne des préjugés envers ces derniers. En effet, ils sont plutôt perçus comme des délinquants et cela les dévalorise en tant que victimes. Les participants ont souligné que les victimes de sexe masculin ont aussi besoin d’avoir accès à une aide et à un soutien sécuritaires.

Conformément à la Charte canadienne des droits des victimes , la sécurité des victimes doit être prise en considération par les autorités compétentes du système de justice pénale. Cela comprend le droit d’être protégées contre l’intimidation et les représailles, et le droit qu’on tienne compte de leur vie privée. Bien que les services de police aient la responsabilité, selon la CCDV, de prendre en considération la sûreté et la sécurité des victimes, nous avons constaté qu’il n’existe pas de données nationales complètes sur la façon dont ces responsabilités sont exercées. Par conséquent, on ne sait pas si, ou comment, la police canadienne protège les victimes contre l’intimidation et les représailles.

Il manque également d’information sur les interactions de la police avec les populations surreprésentées et ciblées. On ne sait pas quelles mesures, le cas échéant, sont prises par la police pour protéger les femmes et les filles autochtones et les personnes  2ELGBTQIA+. Les participants au Cercle de partage nous ont dit qu’ils n’avaient pas confiance dans la capacité du système de justice pénale à protéger les victimes, ce qui les rend réticents à signaler les actes de violence.

La difficulté de protéger la vie privée et la confidentialité des victimes est une préoccupation courante, en particulier dans les régions nordiques et rurales. Nous continuerons d’accroître la sensibilisation à cette préoccupation. Plus récemment, dans notre rapport d’étape sur la Charte canadienne des droits des victimes , nous avons recommandé que le système de justice pénale recentre ses efforts sur la responsabilisation des fonctionnaires à l’égard de la sécurité et de la sûreté des victimes en recueillant et en rendant publiques des données cohérentes à l’échelle nationale sur les institutions de justice pénale et sur la manière dont elles font respecter le droit des victimes à la protection.

Comme il a été mentionné précédemment, la prestation aux agents de la justice pénale d’une formation tenant compte des traumatismes, qui traite notamment de l’humilité culturelle, pourrait améliorer les résultats pour les personnes   2ELGBTQIA+. Le fait d’accroître la confiance dans leurs interactions pourrait éliminer certains des obstacles au signalement de la violence. En fait, la démonstration de compétences en matière de pratiques tenant compte des traumatismes devrait être essentielle et obligatoire pour tous ceux qui interagissent avec les victimes et les survivants d’actes criminels.

 

Justice réparatrice

« J’aimerais qu’on se concentre davantage sur des solutions de rechange pour résoudre les conflits. »

Les participants ont soulevé le manque de pratiques, de programmes et de processus de justice réparatrice au Yukon. Les fournisseurs de services présents ont affirmé qu’il n’y a pas suffisamment de ressources humaines et financières pour soutenir ces programmes. D’après les participants, les pratiques de justice réparatrice sont essentielles puisqu’elles font en sorte que les victimes se sentent soutenues et qu’elles favorisent la guérison.

Un participant a indiqué qu’il y a un manque de sensibilisation et de soutien concernant les différents moyens de gérer les conflits en dehors du système de justice pénale ou de concert avec celui-ci. Nous avons aussi découvert que l’Unité de justice réparatrice du Yukon est dirigée par le gouvernement plutôt que par la collectivité, ce que certains membres de la collectivité trouvent problématique. Un participant a dit qu’il aimerait que le Tribunal communautaire du mieux-être soit accessible à tous les résidents du Yukon. À l’heure actuelle, il n’est accessible qu’aux résidents de Whitehorse. Comme l’a affirmé ce participant, « plus il y a d’options offertes et plus elles sont connues, plus les gens seront en mesure de choisir la voie qui leur convient le mieux ».

La justice réparatrice met l’accent sur la réparation des torts causés par le crime. Elle repose sur le principe selon lequel le crime, en plus de contrevenir à la loi, porte atteinte aux personnes, aux relations et aux collectivités. De nombreuses victimes nous ont dit que leur voix est marginalisée au sein du système de justice pénale traditionnel, et qu’elles n’ont pas de véritables occasions de participer. Les approches de justice réparatrice donnent la possibilité aux victimes d’exprimer leur souffrance directement aux délinquants. C’est l’occasion pour les victimes de se sentir entendues, de parler de leurs craintes et de commencer à restructurer leur vie, tout en tenant les délinquants directement responsables de leurs actes. Parce que la justice réparatrice reconnaît que les conséquences du crime sont ressenties au-delà de la victime, elle se prête à la guérison et au rétablissement de l’harmonie dans les collectivités. Elle peut aider à prévenir d’autres crimes, préjudices et victimisations.

Bon nombre des concepts de la philosophie de la justice réparatrice sont fondés sur les systèmes juridiques des peuples autochtones du monde entier. Bien que la justice réparatrice existe au Canada depuis des décennies — et que plusieurs collectivités autochtones disposent d’organisations pour élaborer et mettre en œuvre des processus de justice réparatrice —, cette possibilité n’est pas bien connue des victimes d’actes criminels. Au BOFVAC, nous avons entendu dire qu’un accès accru à des pratiques de justice traditionnelles, qui sont adaptées à la culture et dirigées par la collectivité, pourrait aider à lutter contre la surreprésentation des Autochtones dans notre système de justice pénale (en tant que victimes, accusés et délinquants). Nous réclamons depuis longtemps une plus grande utilisation des approches de justice réparatrice en tant que complément du système de justice pénale pour soutenir les victimes, les délinquants, ainsi que la collectivité dans son ensemble, et pour mieux répondre à leurs besoins. Dans une lettre au ministre Blair, nous avons recommandé que le financement des programmes de réparation soit augmenté de façon substantielle afin qu’ils deviennent une possibilité significative et viable pour les victimes et les survivants d’actes criminels. Nous avons également recommandé que la police veille à ce que les victimes soient informées des options de justice réparatrice, comme il est indiqué dans notre rapport d’étape sur la Charte canadienne des droits des victimes . De telles pratiques auront plus de succès lorsqu’elles seront dirigées et développées par la collectivité, comme l’ont exprimé les participants au Cercle de partage.


Violence envers les femmes

« J’ai passé de nombreuses heures à vivre dans un état de peur et d’émotion. »

Tout au long du Cercle de partage, les participants nous ont fait part de préoccupations importantes au sujet de la violence familiale. Ils ont convenu que la violence envers les femmes était un problème grave.

Les expériences racontées révèlent que les victimes de violence familiale dans la région ne sont généralement pas à l’aise de signaler ces actes de violence à la police. Comme il a été mentionné précédemment dans ce rapport, il existe des dynamiques complexes dans de nombreuses collectivités éloignées des Premières Nations, dynamiques qui peuvent rendre le signalement dangereux pour certaines victimes. Par exemple, lorsque le délinquant est un membre de la famille, le signalement peut créer des divisions au sein de la collectivité, et les victimes peuvent faire l’objet de représailles. Il peut aussi y avoir des enjeux politiques au sein d’une Première Nation. Certains survivants ont souligné que les fonctionnaires détenant des pouvoirs au sein des institutions ou des bureaux communautaires pourraient protéger les agresseurs qui sont des membres de leur famille. Ce constat met en lumière les défis avec lesquels les victimes sont aux prises quand il s’agit de signaler des crimes et d’accéder à des services de soutien. Cela explique et accroît leur manque de confiance dans la capacité du système de justice pénale à les protéger.

Selon les participants, il serait important d’adopter une mesure législative sur le contrôle coercitif et de mieux faire connaître cette forme de maltraitance. (Le contrôle coercitif est un comportement d’un partenaire actuel ou ancien, ou d’un membre de la famille, qui amène la victime à craindre un préjudice physique, fait décliner sa santé mentale ou lui cause une détresse qui nuit à ses activités quotidiennes.) De plus, ils ont souligné que les personnes ayant été élevées dans un environnement violent peuvent ne pas considérer le contrôle coercitif comme étant abusif.

On nous a aussi mentionné que les familles et les couples veulent parfois rester ensemble en dépit des difficultés, mais que le signalement d’actes de violence à la police implique souvent que le délinquant sera retiré du foyer. C’est une autre raison pour laquelle certaines victimes ne signalent pas les actes de violence. Toutefois, les participants nous ont dit que les couples veulent être ensemble de manière sécuritaire et saine. Ils ont également indiqué que près de la moitié des personnes ayant recours aux services d’aide aux victimes font appel à ces services pour éviter le système de justice pénale. Une participante a donné l’explication suivante : « Je ne veux pas voir le père de ma fille aller en prison. Je ne crois pas que cela aiderait. Je veux qu’il guérisse. » Les participants ont exprimé le souhait qu’on leur donne accès à des services de réadaptation, de counselling et de soutien pour favoriser la guérison et permettre aux membres de la famille de demeurer ensemble en toute sécurité. Un participant a dit : « Ce dont nous avons besoin, c’est que les délinquants assument les conséquences de leurs actes. Cela leur serait beaucoup plus bénéfique en tant qu’êtres humains. Pour les aider à devenir meilleurs. Les tribunaux, le système de justice pénale, ils sont incapables de faire ça. » Cependant, les fournisseurs de services d’aide aux victimes présents à la séance ont affirmé qu’on ne disposait tout simplement pas des ressources humaines et financières nécessaires pour fournir de tels services.

Dans un cas, une participante a révélé que, lorsqu’elle a appelé la GRC pour obtenir de l’aide concernant son partenaire violent, la GRC lui a demandé si elle avait un endroit sûr où aller. Or, la maison appartenait à la participante, qui en assurait l’entretien et payait toutes les dépenses. Ce cas illustre une lacune importante dans la réaction qui est habituellement observée face à la violence fondée sur le sexe : de nombreuses victimes ne veulent pas quitter leur domicile pour se rendre dans des refuges. Il s’agit de la réaction standard.

Ce cas met également en lumière le sentiment d’impuissance qu’éprouvent de nombreuses victimes lorsqu’elles demandent de l’aide du système de justice pénale. Une participante a déclaré : « Les femmes doivent parler de la victimisation et ne pas se sentir coupables. » Les femmes ont besoin de se sentir habilitées. Ce constat est particulièrement vrai dans le cas des femmes autochtones de la collectivité. Comme l’a affirmé une participante : « Nous, les femmes autochtones, devons retrouver notre voix et nos droits. »

Bien que nous ayons été découragés d’entendre ces préoccupations au sujet de la violence familiale, cela ne nous a pas étonnés. La lutte contre la violence fondée sur le sexe et la réduction de cette violence demeurent une priorité absolue pour le BOFVAC.

Le contrôle coercitif est une tactique utilisée par les abuseurs. Il s’agit d’un ensemble de comportements préjudiciables (p. ex. la violence psychologique, la jalousie sexuelle, le harcèlement et le contrôle financier) qui visent à intimider, à contrôler et à inspirer la peur. En ce moment, le système de justice pénale canadien a comme critère pour établir les cas de violence familiale l’incidence d’actes violents, ce qui signifie qu’il faut disposer de preuves physiques d’agression pour inculper un délinquant. Les comportements coercitifs et contrôlants, qui constituent une grande partie de la dynamique de la violence familiale, ne relèvent donc pas du système judiciaire. L’ombudsman a fait de nombreux appels, dont le plus récent dans une lettre au ministre de la Justice et procureur général du Canada, l’honorable David Lametti, pour que le contrôle coercitif soit reconnu comme une infraction au Code criminel . Le fait de modifier le Code criminel pour reconnaître le contrôle coercitif donnerait à la police un outil pour intervenir avant que le comportement contrôlant ne dégénère en violence physique. L’ombudsman continuera de réclamer ce changement.

Nous appuyons également fortement l’élaboration de stratégies de prévention de la violence. Plus récemment, nous avons contribué aux recommandations formulées dans Peaceful Homes: A Guide to the Prevention of Violence in the Home During and After Lockdowns , un guide de prévention de la violence à la maison pendant et après le confinement publié par le Réseau municipal canadien en prévention de la criminalité.

Les expériences que les participants ont décrites au cours du Cercle de partage renforcent la nécessité de prévenir les cycles néfastes de la violence, plutôt que de réagir après coup au moyen des services de police ou de l’incarcération. Les délinquants ont besoin de stratégies de réadaptation et de réduction des méfaits, et les victimes et les couples ont besoin d’outils pour se remettre de leurs traumatismes. Les familles doivent avoir accès à de meilleurs services de soutien pour pouvoir élever leurs enfants à l’abri de la maltraitance et de la violence.

Dans un récent mémoire présenté à la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes, Dubravka Šimonovic, nous avons décrit les risques de violence envers les femmes dont les femmes et les filles autochtones, ainsi qu’envers les personnes 2ELGBTQIA+ et les personnes racialisées, dans le contexte de la pandémie de COVID-19. La pandémie a mis en lumière l’importance d’investir dans la prévention de la violence. Dans notre mémoire, nous avons souligné la nécessité de disposer de ressources pour lutter contre la violence à sa racine afin d’assurer la sécurité et le bien-être de la collectivité à long terme. Cela implique d’éliminer les obstacles systémiques et les inégalités qui peuvent engendrer des risques de violence (p. ex. la pauvreté, la pénurie alimentaire, les problèmes de santé mentale, la toxicomanie et le manque de logements).

Nous avons recommandé plusieurs autres stratégies de prévention de la violence. Nous les avons présentées en détail dans une lettre à l’administratrice en chef de la santé publique du Canada, la D re  Theresa Tam . Dans cette lettre, nous demandions que le Canada accorde une priorité à la prévention de la violence dans ses efforts de lutte contre la pandémie et nous recommandions d’investir dans ce qui suit :

  • les compétences touchant la médiation et les relations saines;
  • les stratégies pacifiques de résolution de conflits, y compris l’écoute active;
  • les compétences parentales positives;
  • l’enseignement de concepts sains de masculinité;
  • la transformation des croyances et des attitudes à l’égard des femmes et de la violence au foyer;
  • l’éducation du public au sujet de l’intervention face à la violence et de la prévention de celle-ci;
  • le renforcement des capacités et la sensibilisation au rôle des aidants informels et des témoins.

Nous estimons qu’il est essentiel d’accroître davantage la sensibilisation à la question du contrôle coercitif. Nous continuerons à chercher de nouvelles façons d’attirer l’attention sur la nécessité pour le gouvernement d’investir dans des stratégies solides de prévention de la violence. À notre avis, pour que ces stratégies soient efficaces, pertinentes et dignes de confiance, elles doivent être fondées sur des preuves scientifiques et sur la participation des collectivités touchées.


Enfants et jeunes

« Nous ne pouvons plus laisser nos bébés souffrir. »

Les participants ont exprimé leurs inquiétudes concernant la victimisation des enfants et des jeunes et les effets des traumatismes intergénérationnels, déclarant qu’il fallait redoubler d’efforts pour protéger et soutenir les enfants de la collectivité. Ils ont ajouté que lorsque les jeunes sont victimes de violence, nombre d’entre eux ont peur ou ne sont pas à l’aise de faire appel au système de justice pénale pour obtenir de l’aide. Les participants ont souligné que cela constituait un obstacle important à la résolution du problème des agressions sexuelles contre les jeunes au sein de la collectivité.

Les participants se sont également dits préoccupés par la non-divulgation de l’identité des prédateurs d’enfants au Yukon, estimant que la publication des noms pourrait accroître la sécurité au sein des petites collectivités. Un participant a déclaré : « Je pense que la loi devrait changer. Ils devraient dévoiler les noms pour que nous puissions savoir à quel genre de personne nous avons affaire. » D’autres participants partageaient ce sentiment.

Quand les enfants sont exposés à un stress toxique résultant de la violence, de la maltraitance ou de l’incarcération des personnes qui en sont responsables, cela peut avoir des répercussions profondes et durables sur eux. D’après les données les plus récentes, une proportion plus élevée d’Autochtones que de non-Autochtones déclarent avoir été victimes de mauvais traitements pendant leur enfance, avant l’âge de 15 ans (40  p. 100 et 29  p. 100 , respectivement) . De plus, les femmes autochtones sont plus susceptibles que les hommes autochtones de déclarer avoir subi de la maltraitance physique et sexuelle pendant leur enfance. Cependant, nous manquons encore de données spécifiques sur la victimisation des jeunes et des enfants autochtones.

En ce qui concerne les jeunes autochtones, l’héritage colonial néfaste demeure lié aux taux de violence et de victimisation. Pour favoriser leur bien-être, nous devons nous attaquer à des problèmes tels que la perte de culture et d’identité, les obstacles aux perspectives socioéconomiques et le manque de soutien et de services, en particulier dans les régions éloignées du pays.

Les appels à la justice résultant de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées comprenaient plusieurs recommandations visant à améliorer la protection des enfants et des jeunes. Nous continuerons à demander que ces recommandations soient mises en  œuvre le plus rapidement possible. La prévention de la violence, l’éducation et la sensibilisation demeurent les moyens les plus prometteurs pour parvenir à une société collective plus saine. Les services et les interventions nécessaires doivent disposer du financement et des ressources qu’il faut pour assurer un meilleur soutien aux familles et aux collectivités, ainsi que pour garder les enfants dans leur foyer familial. Les jeunes ont le droit de se sentir en sécurité dans leur foyer et leur collectivité, peu importe où ils vivent au Canada. De plus, les nombreux adultes autochtones qui ont subi de mauvais traitements pendant leur jeunesse devraient avoir accès à des services de santé mentale. Les familles et les enfants ont besoin de services adéquatement financés et dotés de ressources suffisantes pour favoriser des relations saines et prévenir la violence. Compte tenu de la dynamique propre à certaines collectivités nordiques et éloignées, nous devons veiller à offrir ces services d’une manière qui soit respectueuse des valeurs culturelles, pertinente et confidentielle.

Nous préparons un rapport de recherche sur la violence sexuelle subie par des jeunes femmes autochtones dans les collectivités isolées. Ce rapport sera publié plus tard cette année. Il vise à mieux faire connaître cette question et à guider les prochaines étapes pour soutenir les victimes.


Services d’aide aux victimes

« C’était le seul endroit où j’avais l’impression d’être entendu. »

Tout au long du Cercle de partage, nous avons entendu que même si les fournisseurs de services d’aide aux victimes de la région manquent de ressources et sont surchargés de travail en raison de la forte demande pour leurs services, ils sont très présents pour soutenir les victimes dans les salles d’audience des procès et aux audiences de détermination de la peine. Les participants ont néanmoins constaté un manque général de services de soutien dirigés par des Autochtones et adaptés sur le plan culturel, soulignant que lorsque de tels services sont offerts, ils sont basés à Whitehorse. Un participant a révélé qu’il n’existait pas le moindre service d’aide aux victimes dans sa collectivité. Les collectivités du Nord accessibles par avion sont souvent coupées des ressources et des services dont elles ont besoin, ce qui les expose à un risque de victimisation continue.

Les participants au Cercle de partage ont dit qu’ils aimeraient recevoir plus de soutien et d’aide que ce qui leur est actuellement offert. Un participant a déclaré : « C’était le seul endroit où j’avais l’impression d’être entendu. Mais c’était avant tout un groupe de guérison. Cela aurait été bien s’il y avait eu un volet d’assistance juridique. » Les travailleurs des services d’aide aux victimes étant débordés, ces dernières sont souvent livrées à elles-mêmes pour s’y retrouver dans le système de justice pénale. Les participants ont également affirmé être frustrés par le manque d’accès à des conseillers et à des psychologues. Un participant a confié souhaiter que les victimes et les survivants bénéficient d’un suivi à plus long terme : la plupart des aides ne sont accessibles que pendant le processus de justice pénale et disparaissent une fois la peine prononcée.

Sur une note positive, nous avons entendu que les Unités de liaison pour l’information à l’intention des familles (ULIF) constituent une pratique prometteuse : certains participants ont mentionné que ces unités avaient pu leur communiquer de l’information sur leur dossier.

Les ULIF offrent un soutien destiné aux familles de femmes et de filles autochtones ayant perdu un être cher. Elles renseignent les familles sur le système de justice pénale, les procédures policières, les services à l’enfance et à la famille, ainsi que sur les aides offertes par les services de santé et les services sociaux. Ces unités sont financées par le ministère de la Justice du Canada et sont présentes dans chaque province et territoire. L’ULIF du Yukon emploie une personne, qui travaille en partenariat avec le Yukon Aboriginal Women’s Council, car certains clients ne se sentent pas à l’aise à l’idée de s’adresser à un organisme gouvernemental.

En 2019, le BOFVAC a recommandé au ministre de la Justice, l’honorable David Lametti, de financer les programmes des ULIF au-delà de la date initiale du 31 mars 2020 . Récemment, le ministère de la Justice a prolongé le financement des ULIF jusqu’au 31 mars 2023. Cette disposition a été prise en parallèle avec l’engagement du gouvernement du Canada à établir un plan d’action national pour lutter contre la violence faite aux femmes, aux filles et aux personnes 2ELGBTQIA+ autochtones . C’est une bonne nouvelle. Mais il est également évident qu’un financement supplémentaire est nécessaire, tant au niveau territorial que fédéral, pour que les Premières Nations du Yukon puissent mettre en place leurs propres services aux victimes respectueux de leurs valeurs culturelles. Ce besoin a été exprimé par les participants au Cercle de partage. Dans notre rapport d’étape sur la Charte canadienne des droits des victimes , nous avons recommandé un financement durable et stable des services d’aide aux victimes et un appui aux services d’aide aux victimes dirigés par des Autochtones.

Nous avons aussi formulé des recommandations afin d’améliorer l’accès aux services de soins de santé mentale pour les victimes et les survivants d’actes criminels. Comme en ont discuté les participants au Cercle de partage, les victimes, les survivants et leurs proches sont souvent aux prises avec des problèmes de santé mentale à la suite d’un acte de violence ou d’un traumatisme, mais n’ont pas accès à des traitements financés par l’État, comme les services de conseillers et de psychologues. S’il est nécessaire de guérir le traumatisme résultant d’une victimisation, il est également essentiel de s’attaquer aux facteurs de risque sous-jacents qui peuvent augmenter la probabilité qu’une personne commette des actes de violence. C’est pourquoi nous recommandons un accès universel aux soins de santé mentale partout au Canada.

Par ailleurs, nous reconnaissons que le travail effectué par les fournisseurs de services d’aide aux victimes est exigeant sur le plan émotionnel et psychologique. Une exposition constante aux traumatismes des clients peut avoir des effets négatifs sur la santé mentale de ces travailleurs, dont l’épuisement professionnel. Comme les participants au Cercle de partage l’ont indiqué, les services d’aide aux victimes au Yukon sont débordés et manquent de ressources. La méfiance à l’égard du système officiel de justice pénale et des services gouvernementaux rend les services communautaires d’aide aux victimes encore plus importants. Il est clairement nécessaire d’augmenter le financement des services d’aide aux victimes . Cela permettrait de résoudre les problèmes de capacité et de mettre en place des avantages et des mesures de soutien en milieu de travail pour le bien-être des travailleurs de ces services. Nous continuerons à soutenir l’élaboration de telles stratégies au niveau fédéral.


Déclarations au nom d’une collectivité

« La voix des victimes n’est pas toujours entendue et il y a un manque de soutien. »

Les participants au Cercle de partage ont mentionné la nécessité de présenter une déclaration au nom d’une collectivité lors de la détermination de la peine et ont fait part de leur conviction que ce type de déclaration est sous-utilisé au Yukon. Nous pensons que cette réalité existe dans tout le Canada, mais nous ne disposons pas de données officielles des tribunaux de l’ensemble des provinces et territoires concernant leur utilisation. Le Conseil des Premières Nations du Yukon dirige un projet visant à accroître l’utilisation de ces déclarations et à mieux faire connaître leur fonctionnement. Les participants ont rappelé qu’il était essentiel pour les collectivités de communiquer les répercussions de la criminalité d’une manière qui soit respectueuse de leurs valeurs culturelles, et plus particulièrement du point de vue des Premières Nations. Un juge présent au Cercle de partage a souligné l’importance que revêt la participation communautaire à la détermination de la peine, rappelant que les déclarations au nom d’une collectivité fournissent des éléments d’information précieux au tribunal. Il a également précisé que des fonds étaient nécessaires pour mettre cette bonne pratique en œuvre à plus grande échelle.

Étant donné que la collectivité au sens large est également touchée par les cas de violence, nous convenons que ce type de déclaration offre aux collectivités une occasion précieuse de faire entendre leurs préoccupations et d’exprimer les répercussions du crime sur elles. Nous sommes aussi d’avis qu’il faut veiller à ce que ces processus soient respectueux et appropriés sur le plan culturel.

Les déclarations au nom d’une collectivité sont des déclarations écrites qui décrivent le préjudice causé à un quartier ou à une collectivité par une infraction criminelle. Elles constituent une pratique prometteuse faisant en sorte que toutes les personnes touchées par la criminalité puissent accéder à la justice, y participer et communiquer leurs préoccupations. Elles revêtent une importance toute particulière si nous voulons respecter le droit à la participation conféré par la Charte canadienne des droits des victimes . Le recours à ces déclarations favorise un système de justice pénale axé sur les victimes, qui tient compte des traumatismes et qui est inclusif. Cependant, dans notre rapport d’étape sur la Charte, nous avons noté qu’il n’existe pas de données permettant de suivre l’utilisation de ces déclarations dans l’ensemble du Canada, pas plus qu’il n’existe de données concernant les déclarations de la victime. Cette situation est préoccupante, car nous ignorons si les gens savent qu’ils peuvent faire des déclarations. Étant donné qu’aucun financement n’a été prévu pour appliquer les droits énoncés dans la Charte, y compris le droit à la participation des victimes, les provinces et les territoires doivent prendre en charge eux-mêmes la mise en œuvre des déclarations. Par conséquent, malgré la Charte, l’expérience d’une victime par rapport au système de justice pénale dépend encore largement de son lieu de résidence.

Récemment, dans notre rapport d’étape sur la Charte, nous avons demandé l’uniformisation des pratiques dans l’ensemble du Canada, et nous continuerons à le faire. Nous avons également recommandé la mise en place au Canada d’un mécanisme assurant le suivi de données uniformes à l’échelle nationale en ce qui a trait au respect des droits des victimes garantis par la Charte. Un tel mécanisme pourrait permettre de déterminer si les victimes sont informées de leurs droits et comment elles les exercent. Il pourrait aussi servir à tenir les représentants du système de justice pénale responsables du respect de ces droits.


Leçons retenues

La pandémie nous a obligés à composer avec certaines contraintes au moment d’organiser le Cercle de partage. En raison des mesures de santé et de sécurité et de l’interdiction des déplacements non essentiels, nous n’avons pas pu nous rendre au Yukon avant l’événement pour nous faire une meilleure idée du territoire, de la collectivité et du contexte. Il nous a donc été difficile de trouver des partenaires potentiels pouvant nous aider à joindre les membres de la collectivité et à faire de la publicité pour l’événement.

Puisque l’événement allait se dérouler virtuellement, permettant aux personnes intéressées d’y assister de manière anonyme, nous nous attendions à une participation plus importante que celle que nous avions connue lors d’événements similaires antérieurs. Les commentaires reçus lors des forums communautaires organisés à Yellowknife en mars 2020 avaient révélé que certains participants étaient mal à l’aise d’y assister par crainte d’être identifiés ou de rencontrer une personne qu’ils auraient préféré éviter. Étant donné l’anonymat que peut offrir un cercle de partage virtuel, nous avons choisi d’organiser un seul événement pour tous les membres de la collectivité au lieu de tenir des séances distinctes pour les victimes et les fournisseurs de services. Dans un souci de respect de la vie privée et de la confidentialité de chacun, nous n’avons pas demandé aux participants de se présenter avant de prendre la parole, qu’ils assistent à l’événement virtuellement ou en personne au Centre culturel Kwanlin Dün.

Nous avons reçu quelques critiques constructives concernant la plateforme virtuelle et l’absence de présentations aux tables rondes.

Tout d’abord, certains participants ont indiqué que le fait de qualifier l’événement de cercle était une erreur, car son format virtuel en faisait plutôt un forum ouvert. Ensuite, plusieurs personnes se sont dites gênées par l’absence de présentations. Elles auraient souhaité savoir qui les écoutait avant de parler de leurs expériences. Une participante a déclaré qu’il était risqué pour elle d’en faire part, car rien ne lui permettait de savoir si elle était en train de s’exposer à son agresseur. Une autre personne a suggéré d’organiser des appels distincts : un pour les fournisseurs de services et les représentants du système de justice pénale, et un pour les victimes et les survivants. Cela aurait peut-être permis à certaines personnes de se sentir plus à l’aise.

Enfin, quelques participants ont affirmé qu’ils auraient souhaité que l’événement dure plus longtemps. Vu le temps nécessaire pour établir une relation de confiance, ils ont eu l’impression que le Cercle de partage avait été interrompu au moment où les gens commençaient à se sentir suffisamment à l’aise pour parler de leurs expériences. C’était particulièrement vrai pour les participants virtuels qui n’ont commencé à prendre la parole qu’en cours de route.

Nous prenons ces préoccupations au sérieux et reconnaissons le contexte unique avec lequel bon nombre de petites collectivités doivent composer. Nous envisagerons la possibilité de présenter les animateurs et le personnel de soutien lors des prochaines séances. Nous songerons également à proposer différents formats, y compris des séances individuelles, afin que les victimes et les survivants se sentent suffisamment en sécurité pour faire part de leurs expériences.

Nous avons fait savoir aux participants qu’ils pouvaient communiquer avec nous en tout temps pour discuter du Cercle de partage ou de leurs expériences.


Prochaines étapes

Les expériences décrites lors du Cercle de partage reflètent un certain nombre de réalités vécues par les victimes à travers le Canada.

À la suite de la victimisation, les victimes et les survivants peuvent se trouver aux prises avec des conséquences physiques, mais aussi émotionnelles et psychologiques. Certaines se manifesteront immédiatement, tandis que d’autres se feront connaître au fil du temps. Pourtant, alors même que les victimes vivent un traumatisme, un deuil ou une perte, lorsqu’elles signalent un crime initialement, elles se heurtent à une bureaucratie froide et déroutante et ne bénéficient que d’un soutien limité pour s’y retrouver.

Les participants au Cercle de partage nous ont confié qu’en raison des nombreux obstacles qui se dressent sur leur chemin, plusieurs victimes ne portent pas plainte. La marginalisation frustrante qu’elles subissent au sein du système de justice pénale, la manière dont le système aggrave leur traumatisme (entraînant une victimisation secondaire) et les dangers auxquels elles s’exposent au sein de leur collectivité une fois qu’elles se sont manifestées sont autant de facteurs qui dissuadent les victimes de signaler un crime. Si l’on ajoute à cela le sentiment que le système de justice pénale est orienté vers les besoins des délinquants et que la justice est rarement rendue du point de vue des victimes et des survivants, il n’est pas surprenant que les participants aient si peu confiance dans la capacité du système de justice pénale à protéger et à habiliter les victimes d’actes criminels.

Les réalités auxquelles les victimes font face au Yukon, leurs préoccupations et les défis qu’elles ont décrits démontrent l’importance d’appuyer la mise en œuvre de solutions axées sur les victimes et menées par les collectivités pour lutter contre le crime, la violence et les traumatismes. Voilà pourquoi nous publions nos rapports Ce que nous avons entendu  : pour encourager les solutions qui tiennent compte de la voix des victimes et des survivants.

Plusieurs besoins des habitants du Yukon sont connus. Ils ont besoin d’avoir une meilleure communication avec le système de justice pénale. Ils ont besoin d’obtenir un accès accru à l’information. Ils ont besoin de participer plus activement au lieu d’être relégués au second plan à attendre des réponses. À bien des égards, les habitants du Yukon doivent compter sur la bonne volonté des autres pour obtenir les renseignements dont ils ont besoin. Les habitants, et en particulier les femmes, les jeunes et les personnes 2ELGBTQIA+, ont peur de se manifester. Pour leur part, les victimes de sexe masculin font face à des stéréotypes blessants. Toutes les victimes manquent de services d’aide accessibles, qui disposent de ressources suffisantes et sont respectueux de leurs valeurs culturelles, pour répondre à leurs besoins à court comme à long terme. Elles n’ont pas non plus accès à des pratiques de rechange comme la justice réparatrice, laquelle s’avère bénéfique lorsqu’il s’agit de guérir les victimes, les délinquants et les collectivités. À chaque tournant, il y a un manque d’approches centrées sur la victime et tenant compte des traumatismes à la suite d’un acte criminel et d’une victimisation. De plus, pour aggraver cette situation, les programmes et les stratégies de prévention de la violence, bien que souhaités et nécessaires, sont largement absents.

Un message dominant, qui est aussi un appel à l’action, est ressorti pendant le Cercle de partage du Yukon : la nécessité que les services offerts soient dirigés par la collectivité, centrés sur la collectivité et adaptés à sa culture. Les participants ont demandé un retour aux pratiques culturelles et de guérison autochtones, et ont souligné l’importance et la signification de renforcer le pouvoir des aînés, qui fournissent des conseils inestimables aux collectivités. Ils ont insisté qu’il était primordial de modifier les méthodes occidentales leur ayant été imposées en y ajoutant leurs propres éléments culturels, centrés sur la collectivité, pour guérir les peuples, les familles et les collectivités autochtones. Cela est particulièrement important dans les collectivités éloignées qui doivent gérer elles-mêmes les besoins communautaires. Le message était clair : le gouvernement doit financer des services menés par la collectivité. Les services de cette nature sont bénéfiques et reposent sur les forces de la collectivité; ils représentent ce dont elle a besoin et sont plus durables.

Nous appuierons cet appel et continuerons d’encourager le gouvernement fédéral à mettre en œuvre les recommandations que nous avons formulées au fil des ans, y compris celles de notre rapport d’étape sur la Charte canadienne des droits des victimes . Ces recommandations visent à supprimer plusieurs des difficultés auxquelles les victimes se heurtent, tout en renforçant les pouvoirs donnés aux victimes et aux survivants d’actes criminels et en favorisant la sécurité et le bien-être des collectivités dans tout le Canada. De plus, nous croyons qu’il faut soutenir les solutions communautaires ayant pour but de prévenir la criminalité, la victimisation et la violence, et nous continuerons à en souligner l’importance.

Il est clair pour nous qu’afin d’étayer nos recommandations et faire la lumière sur les réalités des collectivités éloignées, rurales, nordiques et autochtones du Canada, nous devons connaître leurs expériences. Nous avons donc l’intention d’organiser d’autres cercles de partage. Nous prévoyons mieux faire connaître le BOFVAC aux collectivités autochtones afin d’établir une communication et une collaboration fructueuses avec les victimes, les survivants et les collectivités autochtones, ainsi qu’avec les fournisseurs de services et les représentants du système de justice pénale.

Nous tenons à remercier sincèrement toutes les personnes qui ont participé au Cercle de partage du 5 mai 2021 au Yukon, qu’il s’agisse de survivants, de défenseurs, de représentants de la justice pénale ou de résidents. Nous savons que le partage est difficile, et nous vous remercions beaucoup d’avoir pris le temps de nous faire connaître les expériences que vous avez vécues. En mettant en lumière les défis et les obstacles avec lesquels les résidents et les collectivités autochtones du Nord sont aux prises, nous reconnaissons le travail qui reste à faire. Nous continuerons à faire des recommandations afin de bâtir un système de justice pénale plus équitable, plus responsable et plus accessible.

 

Annexe

Exemple de carte recto verso sur les droits des victimes préparée pour les agents de police par la GRC de la Colombie-Britannique (2019)

Notes de fin de document

Le Tribunal communautaire du mieux-être du Yukon est un tribunal thérapeutique novateur qui vise à accroître la sécurité dans les collectivités du Yukon grâce à la réduction du crime. Il atteint cet objectif en intervenant auprès de délinquants qui ont des démêlés avec le système de justice pénale pour s’attaquer aux causes premières de leur comportement criminel. Il cible les personnes souffrant de toxicomanie, de problèmes de santé mentale ou de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale. Les participants travaillent avec une équipe de professionnels et de fournisseurs de services de soutien communautaire en vue d’élaborer et de suivre un plan de mieux-être global.

Bureau des statistiques du Yukon, « Population Report Fourth Quarter, 2020 », 2020, https://yukon.ca/sites/yukon.ca/files/ybs/populationq4_2020.pdf.

Cristine Rotenberg, « Les crimes violents contre les jeunes femmes et les filles, affaires déclarées par la police dans le Nord provincial et les territoires du Canada, 2017 », Statistique Canada, 4 juillet 2019, https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2019001/article/00012-fra.htm.

Bureau des statistiques du Yukon, « Police-reported Crime Statistics in Yukon, 2018 », août 2019, https://yukon.ca/sites/yukon.ca/files/ybs/fin-police-reported-crime-statistics-in-yukon-2018.pdf.

Statistique Canada, « Graphique 1 : Victimisation avec violence subie depuis l’âge de 15 ans, selon le genre de la victime et le territoire, 2018 », 2020, https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/201202/cg-a001-fra.htm.

Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, «  Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences — Visite au Canada » , rapport A/HRC/41/42/Add.1, 2019, https://www.ohchr.org/FR/Issues/Women/SRWomen/Pages/SRWomenIndex.aspx.

Jillian Boyce, « La victimisation chez les Autochtones au Canada, 2014 », Statistique Canada, 28 juin 2016, https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2016001/article/14631-fra.htm.

Marie-Anik Gagné, « The role of dependency and colonialism in generating trauma in First Nations citizens: The James Bay Cree », dans International Handbook of Multigenerational Legacies of Trauma , sous la direction de Yael Danieli, New York, Plenum Press, 1998.

Benjamin Perrin, Victim Law: The Law of Victims of Crime in Canada , Toronto, Thompson Reuters, 2017.

« Précis des faits : Victimisation des jeunes et des enfants autochtones », ministère de la Justice, juillet 2017, https://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/jr/pf-jf/2017/july03.html.