Table des matières
Le présent rapport rend compte de deux forums communautaires tenus par le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels (BOFVAC) à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.), les 11 et 12 mars 2020. Ces forums ont été organisés pour donner suite à une priorité du BOFVAC, soit communiquer davantage avec les victimes d’actes criminels dans l’ensemble du Canada. Tenus en personne, ils visaient des collectivités avec lesquelles les membres du Bureau n’avaient jamais dialogué auparavant, notamment des groupes et des particuliers autochtones du Nord.
L’objectif de ces forums communautaires est de promouvoir l’approche axée sur la victime et tenant compte des traumatismes ayant été adoptée par le BOFVAC. Cette approche lui permet d’appuyer son travail sur les expériences, les préoccupations et les idées des Canadiens touchés par la criminalité. Les forums sont également l’occasion pour le Bureau de nouer des partenariats à l’échelle communautaire.
Nous avons choisi Yellowknife pour notre premier forum communautaire en raison du contexte dans lequel vivent les victimes d’actes criminels de cette région. Les T.N.-O. ont une petite population, majoritairement autochtone, répartie sur un vaste territoire. L’éloignement des collectivités des T.N.-O. rend cette population plus vulnérable à la victimisation et à l’insécurité. Le taux élevé de victimes d’actes criminels parmi les femmes autochtones des T.N.-O. exige une attention particulière.
Le format privilégié pour les forums communautaires était une discussion en table ronde avec les participants. Au cours de la séance du 11 mars, nous avons entendu les témoignages de fournisseurs de services d’aide aux victimes, d’intervenants en justice pénale et de défenseurs des droits des victimes, qui travaillent à Yellowknife ou dans les environs. La séance du 12 mars était ouverte au public.
Les préoccupations exprimées lors de ces forums portaient surtout sur le système de justice pénale, le maintien de l’ordre, les services d’aide aux victimes, la Charte canadienne des droits des victimes et des situations liées au contexte. On nous a dit que de nombreux habitants du Nord se sentaient abandonnés par le système de justice pénale, et que les services d’aide aux victimes manquaient de ressources et de personnel. Il est clair qu’il faut offrir un meilleur soutien juridique, linguistique et financier aux victimes dans les T.N.-O. si nous voulons que l’aide aux victimes soit équivalente au traitement accordé aux délinquants. On nous a dit que les résidents se méfiaient de la police, et que le personnel du système de justice pénale avait des idées préconçues qui nuisaient aux victimes. Nous avons entendu parler de la victimisation secondaire, du jugement et du désespoir qui caractérisent l’expérience vécue par les victimes aux mains du système de justice pénale dans les T.N.-O. Enfin, nous avons appris que la loyauté, les liens familiaux et les relations ne permettent pas toujours d’assurer l’anonymat et la sécurité dans les petites collectivités des T.N.-O., dissuadant les victimes de se manifester et de signaler les crimes commis à leur endroit.
Vu la réalité à laquelle se heurtent les victimes, les fournisseurs de services et les travailleurs de première ligne, il est clair que nous devons poursuivre nos efforts de sensibilisation dans le Nord. Nous avons l’intention d’organiser d’autres forums communautaires dans les petites collectivités des T.N.-O., en commençant probablement par Dettah, N’Dilo et Behchoko.
Les 11 et 12 mars 2020, le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels (BOFVAC) a tenu deux forums communautaires à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.). Ces forums ont eu lieu dans le cadre des efforts continus du BOFVAC visant à mobiliser les victimes d’actes criminels dans tout le Canada et à établir des liens avec elles. Les forums du BOFVAC permettent de connaître les expériences et les inquiétudes des Canadiens par rapport au système de justice pénale, ainsi que leurs idées pour améliorer ce système, en mettant l’accent sur les lois, les politiques et les programmes fédéraux touchant les victimes d’actes criminels. L’ombudsman a souligné la nécessité de visiter des collectivités avec lesquelles les membres du BOFVAC n’avaient jamais dialogué auparavant, en accordant une attention particulière aux groupes et aux particuliers autochtones.
Les forums communautaires visent à guider le travail du BOFVAC grâce à l’information obtenue sur les expériences, les préoccupations et les idées des Canadiens qui ont été touchés par un acte criminel ou ont dû interagir avec le système de justice pénale. L’ombudsman souhaite appuyer le travail du Bureau sur une approche axée sur la victime et tenant compte des traumatismes. Pour orienter les prochaines étapes, il faut donc connaître les répercussions qu’ont les politiques, les programmes et les services fédéraux destinés aux victimes d’actes criminels sur les victimes, les fournisseurs de services et d’autres personnes à l’échelle communautaire. Si les besoins des parties prenantes sont cernés et entendus, nous pouvons les communiquer aux décideurs fédéraux sous forme de recommandations stratégiques. Les forums communautaires permettent également au BOFVAC de nouer des partenariats au sein des collectivités et des divers secteurs pour ouvrir la communication, échanger des pratiques exemplaires et promouvoir de nouvelles initiatives et activités en misant sur la collaboration.
Le BOFVAC a choisi de tenir son premier forum communautaire à Yellowknife pour s’informer directement auprès des victimes d’actes criminels vivant dans le Nord sur les défis uniques qu’elles doivent relever.
D’un point de vue géographique, les T.N.-O. sont vastes, mais ils abritent une population relativement faible, soit 44 904 personnes en janvier 20201. Plus de la moitié de ces habitants sont dispersés dans 32 petites collectivités, tandis que les autres vivent à Yellowknife2. Comme nous l’a appris l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, l’éloignement de ces collectivités et les difficultés d’accès qui leur sont associées peuvent rendre leur population très vulnérable à la criminalité et à la victimisation3
Les T.N.-O. ont une importante population autochtone, soit des Inuits, des membres de Premières Nations et des Métis ayant des cultures et des besoins distincts. Il est important de tenir compte de ces facteurs d’un point de vue culturel lorsqu’on examine la nature de la victimisation dans la région. Selon un rapport de Statistique Canada, parmi les victimes d’actes criminels signalés à la police dans les T.N.-O. en 2016, plus de la moitié étaient des femmes. Celles-ci étaient tout particulièrement surreprésentées parmi les victimes d’infractions sexuelles (94 p. 100) et d’autres infractions violentes comme le harcèlement criminel et les communications indécentes et harcelantes4. De plus, d’après les données, parmi les victimes de sexe féminin pour toutes les infractions sexuelles, 35 p. 100 avaient moins de 12 ans5
Les T.N.-O. affichent également le taux le plus élevé de victimes de voies de fait parmi les provinces et les territoires du Canada : en 2016, 79 p. 100 de tous les actes criminels signalés à la police concernaient des voies de fait6. Dans l’ensemble, les T.N.-O. se classent au deuxième rang des provinces et territoires ayant les taux de violence les plus élevés au pays. En 2015-2016, les services d’aide aux victimes des T.N.-O. ont aidé 583 victimes directes d’actes criminels, dont 83 p. 100 étaient des femmes.7
L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées nous a permis de constater que les problèmes à l’origine des taux élevés de violence contre les femmes et les filles autochtones sont complexes. Dans le cadre de l’Enquête, Pertice Moffitt, Ph.D., a témoigné de l’existence dans le Nord d’une « culture de la violence et du silence » fondée sur « le traumatisme historique, la violence normalisée, le commérage comme outil de silence, le châtiment communautaire, les valeurs familiales et communautaires, et l’autopréservation »8. Le traumatisme dont elle parle est en partie lié à l’héritage de la colonisation et au système des pensionnats, qui ont causé une souffrance permanente.9
Compte tenu du contexte historique et des statistiques actuelles, le BOFVAC espérait dialoguer avec des groupes et des particuliers autochtones à l’occasion des forums communautaires. Nous avons reçu très peu de demandes de renseignements de la part de groupes ou de particuliers autochtones, et nous aimerions en comprendre les raisons. Il est aussi essentiel de faire mieux connaître le travail que nous effectuons pour soutenir et aider les victimes et les survivants du Nord. Nous aimerions instaurer un climat de confiance afin qu’ils entrent en contact avec nous.
Nous souhaitons remercier sincèrement tous les survivants, les défenseurs des droits des victimes, les intervenants en justice pénale et les citoyens qui ont participé au tout premier forum communautaire du BOFVAC tenu dans les T.N.-O. pour nous faire profiter de leur expérience et exprimer leurs préoccupations. Si nous croyons qu’il faut donner un sens à la douleur, nous devons honorer la voix des survivants et apporter des changements efficaces au système de justice.
L’ombudsman et la directrice exécutive du BOFVAC se sont rendues à Yellowknife en novembre 2019 pour mener des activités préalables à la mobilisation. Elles ont rencontré des fonctionnaires du gouvernement territorial, des employés fédéraux et des membres du personnel d’organisations non gouvernementales (ONG) ayant une expertise dans le domaine de l’aide aux victimes d’actes criminels dans la région. Elles ont reçu des conseils sur la manière de faire participer les membres de la collectivité pour qu’ils se sentent en sécurité dans un climat accessible et inclusif.
Le BOFVAC a décidé de tenir deux forums communautaires en mars 2020. La séance du 11 mars était ouverte aux fournisseurs de services d’aide aux victimes, aux défenseurs des droits des victimes de la collectivité et aux intervenants en justice pénale; celle du 12 mars visait le grand public. Le BOFVAC prévoyait aussi organiser des séances individuelles avec des participants volontaires pendant les deux jours.
Les forums communautaires et les séances individuelles ont été publicisés par courriel, en se basant sur les contacts établis lors des réunions préalables à la mobilisation.
Lors de la séance du 11 mars, nous avons entendu les témoignages de fournisseurs de services d’aide aux victimes, d’intervenants en justice pénale et de défenseurs des droits des victimes, qui travaillent à Yellowknife ou dans les environs. Ces participants étaient peu familiers avec le BOFVAC, à l’exception de ceux rencontrés au cours des réunions préalables à la mobilisation. Ils ont convenu que le terme « ombudsman » est relativement nouveau dans les T.N.-O., le Bureau du protecteur du citoyen des Territoires du Nord-Ouest (en anglais, « Office of the Northwest Territories Ombud ») n’ayant ouvert ses portes qu’en novembre 2019. Il y avait neuf participants en tout à cette séance, qui a eu lieu au Centre d’amitié Tree of Peace.
Les participants ont été accueillis à leur arrivée et invités à s’asseoir à des tables disposées en rectangle. La conseillère autochtone du BOFVAC a souhaité la bienvenue au groupe, puis elle a offert du tabac à l’Aînée locale, qui a fait une prière d’ouverture. Après la prière, la conseillère autochtone a reconnu que l’on se trouvait sur le territoire du chef Drygeese et s’est présentée conformément à ses propres traditions, notamment en précisant ses liens familiaux. Elle a ensuite présenté l’ombudsman, qui a prononcé un mot d’ouverture, parlé du BOFVAC et réitéré l’objectif du forum communautaire. L’ombudsman a informé les participants qu’ils n’avaient pas à divulguer leur nom s’ils ne le souhaitaient pas et que leur identité ne serait pas consignée dans le compte rendu. La conseillère autochtone a ensuite présenté l’agente des communications, chargée de prendre des notes (sans consigner les noms). Les participants ont été invités à se présenter brièvement, ainsi que leurs organisations. Puis, la parole a été donnée aux participants pour qu’ils puissent discuter de leurs expériences et de leurs préoccupations relatives au système de justice pénale, des problèmes auxquels sont confrontées les victimes d’actes criminels dans le Nord et des défis qu’ils ont à relever dans leur propre rôle.
« Le système de justice est un labyrinthe – même ceux qui en font partie ne savent pas vers qui diriger une victime. »
Les participants ont convenu que les habitants du Nord se sentent abandonnés par le système de justice pénale. Ces derniers ne connaissent généralement pas les services destinés à les aider, et plusieurs n’y auraient pas accès de toute façon en raison de l’éloignement de leur collectivité : la plupart des services sont concentrés à Yellowknife, et certaines collectivités sont situées à quelque 800 kilomètres de là.
Les participants se sont entendus pour dire qu’il y a un manque général de soutien aux victimes dans la région. On nous a dit que les victimes ont de la difficulté à trouver l’aide dont elles ont besoin pour bien comprendre les procédures judiciaires, comme la façon de rédiger une déclaration de la victime ou un affidavit dans les affaires de violence familiale. Face à de telles demandes, les fournisseurs de services ne savent souvent pas vers qui ils pourraient diriger la victime, car il n’y a dans le Nord aucun responsable ni bureau affecté à cette fin. Les participants ont souligné la nécessité d’offrir aux victimes l’aide d’avocats qui comprennent les procédures judiciaires, nombre de ces procédures étant complexes et pouvant semer la confusion.
De plus, les participants ont reconnu qu’il était nécessaire d’offrir un soutien mieux adapté aux Autochtones. Par exemple, les avocats qui ont les compétences juridiques pour aider ne savent pas nécessairement comment soutenir une femme autochtone fuyant un conjoint violent, puisque cela nécessite une connaissance du contexte culturel et une sensibilité aux traumatismes. Selon certains participants, la création d’un poste d’avocat spécialisé dans l’aide aux victimes d’actes criminels dans le Nord pourrait grandement contribuer à clarifier les processus et les procédures. La préparation des victimes pour le tribunal pourrait aussi être améliorée si l’on disposait de l’aide d’un avocat offrant des services de proximité.
Par ailleurs, les participants ont convenu qu’il serait important d’éduquer les juges et les avocats sur certains besoins particuliers. De plus, ils ont mentionné qu’il faudrait créer des possibilités de soutien par les pairs parmi les femmes autochtones – une ressource encore inexploitée. Certains participants ont aussi suggéré de nommer un défenseur des droits des enfants dans le Nord, car ces derniers ont des besoins spécifiques qui ne sont pas toujours bien soutenus par les ressources existantes.
Les fournisseurs de services présents ont admis que la police, le personnel des services d’aide aux victimes et le personnel de la justice pénale travaillent en silos. En raison de ce manque de partenariat, les renseignements et les conseils qu’ils donnent aux victimes peuvent être incohérents, voire inexacts. Les participants ont reconnu qu’il serait possible d’améliorer la collaboration entre les secteurs. Les fournisseurs de services d’aide aux victimes ont également fait remarquer que les policiers dirigeaient rarement les victimes vers leurs organisations. À leur avis, les policiers pourraient être plus proactifs et informer les victimes des ressources qui leur sont offertes. Les policiers présents étaient d’accord avec cette proposition.
Selon les participants, les juges ont tendance à blâmer les victimes, et ce problème contribue à traumatiser davantage ces dernières. Les participants ont souligné que, d’après leur expérience, il était essentiel de former les juges en matière d’agression sexuelle. Par ailleurs, on nous a dit que les victimes d’actes criminels seraient bien mieux soutenues si les policiers recevaient une formation tenant compte des traumatismes.
Services d’aide aux victimes
Le manque général de services d’aide aux victimes dans le Nord a été reconnu par tous les participants, tout comme le fait que les organisations en place ne disposent pas du personnel et des ressources nécessaires pour répondre à ce besoin important. Un participant estimait que la sous-traitance des services d’aide aux victimes, c’est-à-dire mettre les victimes en contact avec des fournisseurs de services et des conseillers d’autres régions, n’était pas une solution viable : d’abord, on ne peut pas présumer que les collectivités éloignées ont la technologie nécessaire pour permettre les contacts en ligne; ensuite, les conseillers qui ne connaissent pas les contextes culturels et environnementaux propres aux habitants du Nord ne sont pas toujours en mesure de soutenir adéquatement les victimes du Nord.
Les problèmes d’accessibilité sont difficiles à surmonter pour les fournisseurs de services du Nord. On nous a dit que les employés des organismes d’aide aux victimes existants devaient prendre l’initiative de se rendre, à leurs propres frais, dans les collectivités pour rencontrer les victimes ne pouvant pas se rendre à Yellowknife. L’été, en l’absence des routes de glace, certaines collectivités éloignées sont difficiles d’accès. Certaines victimes reçoivent un soutien téléphonique de la part de conseillers de collectivités voisines, mais seulement lorsque ces derniers sont disponibles, et les listes d’attente sont extrêmement longues. Les petites collectivités ont vraiment besoin de leurs propres fournisseurs de services.
Un participant a affirmé qu’il serait avantageux de créer un centre d’aide aux victimes d’agression sexuelle, qui pourrait être aménagé à l’hôpital. Puisque c’est généralement à l’hôpital que les policiers amènent les victimes d’agression sexuelle, cela permettrait à ces dernières d’obtenir en un seul endroit les soins de santé professionnels et les soins tenant compte des traumatismes dont elles ont besoin.
Lors d’une séance individuelle avec un fournisseur de services d’aide aux victimes, celui-ci nous a dit que le soutien offert aux employés des organismes d’aide aux victimes ne suffisait pas non plus. Pour les quelques personnes qui travaillent dans le Nord, soutenir des victimes traumatisées tout en se butant à un système judiciaire non adapté est extrêmement difficile pour la santé mentale. Les employés des organismes d’aide aux victimes de Yellowknife sont débordés : ils ont du mal non seulement à servir les plus de 20 000 résidents de Yellowknife et des collectivités éloignées des T.N.-O., mais aussi à prendre soin d’eux-mêmes. De ce fait, le taux de roulement du personnel est élevé. De nombreux employés de ces organismes sont également des survivants de la violence; ils mériteraient donc un salaire à la mesure des connaissances qu’ils possèdent. Cela est d’autant plus vrai que les connaissances nécessaires liées au contexte, à la culture et à la collectivité compliquent la formation pour de tels postes. Si un soutien par les pairs était offert aux employés des organismes d’aide aux victimes, cela contribuerait grandement à réduire leur stress, les aiderait à surmonter les traumatismes dont ils entendent parler et améliorerait leur bien-être mental.
Justice réparatrice
« La justice réparatrice est rendue de manière colonialiste. »
Les participants ont convenu que, d’un point de vue culturel, il y avait lieu de s’inquiéter de la manière dont la justice réparatrice était rendue pour les habitants du Nord. À leur avis, afin que la justice réparatrice soit une option viable pour les victimes dans le Nord, ses processus doivent être réévalués et rendus plus pertinents sur le plan culturel. À l’heure actuelle, les renvois devant les tribunaux chargés des causes de violence familiale sont considérés comme des dossiers de justice réparatrice. Mais dans de nombreux cas, il ne s’agit pas d’une tribune appropriée. Aucune évaluation n’a été faite pour déterminer si cette solution est bonne ou efficace. La justice réparatrice varie beaucoup d’un organisme à l’autre. Les victimes doivent être pleinement informées de ce à quoi elles peuvent s’attendre.
Les participants ont proposé qu’au lieu de renvoyer les délinquants dans les collectivités où vivent les victimes, sans qu’aucune mesure de réhabilitation n’ait été prise pendant leur peine, les établissements offrent un counselling adéquat et sensibilisent bien les délinquants à la démarche de réparation pendant leur incarcération. Cela devrait être obligatoire, en particulier pour les délinquants qui retourneront vivre près de leurs victimes.
Langue et accessibilité
« Dans les Territoires du Nord-Ouest, les tribunaux lisent les droits linguistiques aux auteurs d’actes criminels. Pourquoi avons-nous tant de difficulté à trouver des traducteurs pour les victimes? »
Une grande partie de la discussion a porté sur la langue, qui mérite une attention particulière aux T.N.-O. puisque l’on y reconnaît 11 langues officielles. L’anglais étant en fait la langue seconde dans de nombreuses collectivités du Nord, il peut être très difficile pour les victimes de comprendre les renseignements qui leur sont donnés, surtout la terminologie juridique. Actuellement, il est difficile de trouver des interprètes pour les victimes à toutes les étapes du processus de justice pénale, notamment pour les services de police et d’aide aux victimes. Les participants estimaient que des services de traduction devraient être offerts aux victimes tout au long du processus de justice pénale, comme on le fait pour les délinquants. À leur avis, cette difficulté de trouver des traducteurs pour les victimes représente un autre exemple du déséquilibre entre les victimes et les accusés, les ressources du système de justice étant davantage consacrées à ces derniers.
Selon un participant, les personnes handicapées n’ont également que peu ou pas du tout accès à du soutien. Ainsi, une personne malentendante ne peut pas participer pleinement à une action en justice sans assistance, mais une telle assistance est rarement, voire jamais, offerte dans le Nord.
On a aussi mentionné les déplacements parmi les problèmes d’accessibilité pour les victimes dans le contexte nordique, car il s’agit d’un obstacle important à l’obtention de services et à l’accès à la justice. Comme l’ont indiqué les fournisseurs des services d’aide aux victimes, il peut être extrêmement coûteux de se rendre d’une collectivité éloignée à un centre de services; il n’est donc pas possible de faire le voyage régulièrement. De nombreuses collectivités parviennent difficilement à couvrir les frais de déplacement pour assurer les comparutions devant le tribunal de la famille ou le tribunal pénal, et les tribunaux n’offrent aucun financement à cet effet. Ainsi, on nous a dit que de nombreuses mères renonçaient tout simplement à se présenter devant le tribunal de la famille parce qu’elles ne réussissaient pas à surmonter ces difficultés et ces obstacles à la justice.
Charte canadienne des droits des victimes
« Comme on a du mal à appliquer la Charte canadienne des droits des victimes, les gens ne la prennent pas au sérieux. »
De nombreux participants ne connaissaient pas la Charte canadienne des droits des victimes (CCDV) lorsqu’ils ont été invités à en discuter. Ceux qui avaient entendu parler de la CCDV en connaissaient certains détails. Il est évident que cette loi n’est pas très bien connue dans la région. La plupart des participants savaient que les employés de première ligne avaient des obligations en vertu de la CCDV et devaient être au courant de ses dispositions afin de pouvoir, à leur tour, en informer les personnes qu’ils servent.
On nous a dit que l’application de la CCDV posait problème. Plus précisément, les défenseurs des droits des victimes ont souligné le caractère vague de cette loi et le fait qu’elle n’attribue pas de rôles précis à des intervenants donnés. Ainsi, personne n’est tenu responsable lorsque les droits ne sont pas respectés. Un participant a mentionné qu’en raison de cette lacune, il était difficile pour les victimes de prendre la CCDV au sérieux lorsqu’elles cherchaient un outil afin de faire respecter leurs droits. Le suivi des plaintes liées à la CCDV est également problématique pour les policiers de la région, probablement en raison des ressources bureaucratiques limitées.
Dans l’ensemble, les participants estimaient que les personnes poursuivies avaient plus de droits que les victimes, malgré l’existence de la CCDV. Tout au long de la discussion, on a mentionné régulièrement que les droits des victimes étaient considérés comme secondaires.
Préoccupations de la collectivité
« Le prix à payer pour une dénonciation est plus élevé dans le Nord. »
D’après les participants, les témoins craignent de dénoncer les actes criminels parce qu’ils risquent fort d’en subir les conséquences dans les petites collectivités isolées. Puisque « tout le monde se connaît », la loyauté, les liens familiaux et les relations entrent souvent en jeu. L’anonymat est difficile à respecter. Pour beaucoup de victimes, porter plainte « ne vaut pas le prix à payer ». Les participants ont aussi reconnu qu’il existe une culture du blâme des victimes, et que le manque d’accès dans le Nord au soutien dont les victimes ont besoin exacerbe la situation.
Des participants ont évoqué des cas de harcèlement et d’agression (commis par des amis ou des membres de la famille d’accusés) à l’encontre de personnes ayant dénoncé des actes criminels. De toute évidence, les ressources ne suffisent pas pour protéger les personnes qui portent plainte, même si la CCDV offre aux victimes un droit législatif à une telle protection. Les participants ont fait remarquer que la CCDV ne précise pas comment la victime peut bénéficier des garanties offertes, ce qui permet aux fonctionnaires de ne pas tenir compte de ces droits. De l’avis des participants, si l’on souhaite que les témoins se manifestent, il faudrait en faire davantage pour protéger ceux-ci des représailles avant et après leur témoignage.
On nous a dit que la question de la violence contre les hommes autochtones n’était pas abordée dans le Nord, en particulier la violence liée aux gangs et les agressions sexuelles.
Des préoccupations ont également été soulevées concernant l’absence de pénitencier fédéral dans le Nord. Pour purger une peine fédérale supérieure à deux ans, les délinquants sont actuellement obligés de quitter le Nord (et leur collectivité d’origine). Pour éviter cette situation et permettre aux délinquants de vivre à proximité de leur résidence, les juges imposent souvent des peines plus légères, inférieures à deux ans. Cette mesure tient compte des besoins des délinquants, mais elle ne rend pas nécessairement justice à leurs victimes. Nous avons aussi appris que certains auteurs de violence familiale manipulaient le système et utilisaient des ordonnances de protection d’urgence et de garde temporaire contre les femmes, laissant parfois celles-ci sans abri.
Les participants ont discuté de l’accès aux armes dans le contexte culturel du Nord : parfois, lorsque les délinquants sont libérés, ils se voient imposer une interdiction relative aux armes pendant des années ou pour le reste de leur vie, ce qui peut poser problème dans le Nord, car ils ne peuvent pas alors retourner vivre dans une maison où des membres de leur famille ou des colocataires entreposent des armes pour la chasse. Les délinquants peuvent donc se retrouver sans abri, ce qui peut les inciter à adopter d’autres comportements criminels. Les participants croient que les restrictions en matière d’armes devraient être réservées aux délinquants ayant utilisé une arme pour commettre leur crime. À leur avis, les lois devraient être plus souples afin de tenir compte du contexte et de considérations qui sont propres au Nord.
Comme lors du forum communautaire de la veille, les participants ont été accueillis à leur arrivée au Centre d’amitié Tree of Peace, puis invités à s’asseoir à des tables disposées en rectangle. Toutefois, la première survivante arrivée a suggéré de faire asseoir les participants en cercle, sans tables, afin d’éliminer tout obstacle perçu et de permettre à chacun de se sentir égal aux autres. Elle trouvait que les tables constituaient une barrière et que la salle était trop grande et intimidante. Les tables ont donc été retirées pour donner suite à cette excellente suggestion et créer un cercle de partage plus accueillant et plus inclusif. Nous sommes ravis de dire que les sept participants de la collectivité se sont sentis suffisamment en sécurité pour parler ouvertement de leurs expériences. La séance a duré près d’une heure et demie de plus que prévu, ce qui montre que les participants se sont sentis à l’aise et ont eu l’impression que leurs expériences étaient crues et valorisées.
La conseillère autochtone a souhaité la bienvenue au groupe, puis l’Aînée locale a fait une prière d’ouverture. Ensuite, la conseillère autochtone a reconnu que l’on se trouvait sur le territoire du chef Drygeese et s’est présentée, ainsi que l’ombudsman et l’agente des communications. L’ombudsman a elle aussi reconnu le territoire traditionnel, a parlé du BOFVAC et a réitéré l’objectif du forum communautaire. L’ombudsman a informé les participants qu’ils n’avaient pas à divulguer leur nom et que, même s’ils souhaitaient le faire, leur identité ne serait pas consignée dans le compte rendu. Puis, la parole a été donnée aux participants pour qu’ils puissent discuter de leurs expériences et de leurs préoccupations relatives au système de justice pénale, des problèmes auxquels sont confrontées les victimes d’actes criminels dans le Nord et des défis qu’ils doivent eux-mêmes relever.
Bien que la discussion ait parfois été émotive, les participants ont fait preuve d’empathie et d’entraide. (Remarque : Le BOFVAC avait retenu les services d’un conseiller qui a eu un empêchement à la dernière minute.)
« La police voit les femmes, et surtout les femmes autochtones, avec un regard désabusé. »
Les participants nous ont dit que la tendance à blâmer les victimes était un important obstacle pour les personnes en quête de justice dans le Nord. D’après l’expérience des participants, les policiers sont plus susceptibles de croire la version des délinquants que celle des survivants. Cette situation peut s’expliquer par les stéréotypes liés aux victimes, en particulier les femmes autochtones, qui nuisent à un traitement équitable. Une participante a raconté avoir eu l’impression que, pour les policiers auprès desquels elle avait porté plainte pour l’acte criminel subi, elle n’était qu’« une autre Indienne ivre ».
Selon une survivante d’agression sexuelle, la manière dont les intervenants du système de justice pénale du Nord avaient agi avec elle ne tenait pas compte de son traumatisme. Elle a révélé que la police l’avait forcée à se rendre à l’hôpital après son agression, puis placée sous surveillance par crainte qu’elle se suicide en raison de sa forte réaction à l’expérience traumatisante de violence sexuelle qu’elle venait de vivre. Lorsqu’elle avait affirmé à un policier souhaiter qu’il souffre aussi un jour, ce dernier avait eu droit à une protection contre elle.
Selon une survivante d’agression sexuelle, la manière dont les intervenants du système de justice pénale du Nord avaient agi avec elle ne tenait pas compte de son traumatisme. Elle a révélé que la police l’avait forcée à se rendre à l’hôpital après son agression, puis placée sous surveillance par crainte qu’elle se suicide en raison de sa forte réaction à l’expérience traumatisante de violence sexuelle qu’elle venait de vivre. Lorsqu’elle avait affirmé à un policier souhaiter qu’il souffre aussi un jour, ce dernier avait eu droit à une protection contre elle.
On nous a dit que, dans le Nord, les relations entre les habitants et les policiers pouvaient être compliquées. Une participante nous a confié que, lorsqu’elle était jeune, la plupart des membres de sa collectivité craignaient d’avoir à interagir avec la GRC [Gendarmerie royale du Canada]. On nous a fait remarquer que, même si la GRC déploie maintenant plus d’efforts pour collaborer avec les collectivités, la relation reste empreinte de méfiance, surtout de la part des personnes âgées qui ont grandi avec cette crainte.
Système de justice pénale
« Nous envoyons les victimes au tribunal et les obligeons à se défendre et à défendre leurs droits alors qu’elles n’ont pas demandé à être victimisées. »
« Les victimes sont des personnes et doivent être traitées comme telles. Nous avons besoin d’humanité, de compassion et de respect. »
Les participants ont convenu qu’un sentiment d’aliénation accompagnait leurs interactions avec le système de justice. À leur avis, les victimes sont aux prises avec une bureaucratie froide et peu serviable, et reçoivent un soutien juridique minimal. Le tribunal de la famille et le tribunal pénal émettent parfois des ordonnances contradictoires, et il est difficile pour les victimes de bien comprendre toutes les étapes de leurs processus compliqués sans aide. On nous a également dit que les victimes auraient besoin d’aide devant le tribunal. À l’heure actuelle, personne au sein du système de justice pénale n’a pour rôle de les soutenir ou de leur expliquer les processus. Lorsqu’elles se présentent seules au tribunal, cela peut être pénible pour les victimes sur les plans mental et émotionnel. Comme c’était le cas lors de la séance tenue avec les fournisseurs de services, les participants ont souligné à maintes reprises le besoin d’un meilleur soutien juridique en personne. Les participants ont mentionné que la victimisation secondaire par le système de justice pénale était une expérience courante. Plusieurs ont indiqué qu’une formation sur les traumatismes pourrait aider les personnes qui travaillent dans le système à mieux servir les victimes d’actes criminels sans leur causer de préjudice supplémentaire.
Une survivante d’agression sexuelle nous a dit que le tribunal lui avait reproché d’avoir bu avec l’auteur de l’agression, et que son affaire avait été classée parce qu’elle le connaissait bien : elle avait publié sur les médias sociaux des photos les montrant ensemble le soir de l’agression. Le tribunal avait également demandé comment l’agresseur avait pu la victimiser alors qu’il était physiquement plus petit qu’elle. On n’a pas reconnu le fait qu’il avait utilisé l’alcool comme tactique pour la violer. Finalement, il a été acquitté après avoir semé la pagaille dans la vie de la victime. Cette dernière s’est sentie complètement revictimisée par son expérience.
On nous a également dit que le système de justice pénale était mal outillé pour faire face à certains types de violence. Un participant a expliqué que c’était particulièrement vrai pour la violence conjugale, car « le Code criminel n’en reconnaît pas la dynamique ». À l’heure actuelle, la violence conjugale est considérée uniquement comme une agression physique. Cependant, comme l’a fait remarquer une participante : « Une agression physique, c’est ce qui se produit quand on se bat dans un bar. La violence conjugale comporte des aspects psychologiques et financiers. Il faut reconnaître ces formes de violence. » Les participants se sont entendus sur le fait que le système de justice pénale n’avait pas évolué pour s’adapter à l’expérience vécue en matière de violence conjugale, qui comprend souvent un contrôle coercitif.
Comme lors de la séance du 11 mars, la langue a suscité des préoccupations. Une participante a affirmé : « Le fait de pouvoir parler sa propre langue, et de présenter une déclaration de la victime dans sa propre langue, est très important. »
De plus, les participants ont admis que la CCDV était généralement méconnue. De nombreuses victimes ne connaissent pas ou ne comprennent pas leurs droits, et pourtant c’est à elles qu’il incombe de défendre leurs droits devant les tribunaux.
« Y a-t-il des ressources qui fonctionnent réellement? »
« Les services de première ligne doivent être remis à l’avant-plan. »
Les participants ont discuté du manque général d’accessibilité aux services d’aide aux victimes dans la région, ainsi que de l’importance de pouvoir obtenir du soutien à moyen et long terme. Les participants ont souligné ce point puisqu’il arrive souvent que les effets de la victimisation se fassent sentir de 6 à 12 mois après le traumatisme initial.
On a convenu que, même si un plus grand nombre de victimes étaient dirigées vers les services d’aide mis à leur disposition, les longues listes d’attente constitueraient un obstacle à l’obtention de soutien : il faut parfois attendre deux ans, et personne ne fait le suivi auprès des victimes en attente ni ne vérifie leur situation. Selon un participant, un service d’assistance téléphonique pour les victimes, accessible en tout temps, pourrait être utile dans le Nord, vu qu’il est compliqué d’assurer des services en personne compte tenu des déplacements.
En général, l’accès aux services d’aide aux victimes est difficile pour de nombreuses personnes dans le Nord. Le centre de l’Association des femmes autochtones des Territoires du Nord-Ouest est à Yellowknife, à une grande distance de nombreuses collectivités éloignées. Les participants ont même critiqué l’endroit où se trouve ce centre à Yellowknife, le qualifiant de caché et difficile à trouver (il est situé au deuxième étage, au-dessus du bureau de poste).
D’autres services communs étaient considérés comme des solutions « de dépannage » en ce qui concerne les problèmes systémiques. Les refuges en sont un exemple; une participante les a qualifiés de « réactifs ». On nous a dit que les mesures réactives ne suffisaient pas, et que les victimes avaient surtout besoin de stratégies pouvant prévenir la victimisation dès le départ et mieux favoriser la guérison par la suite. Il était clair que les participants ne croyaient pas que le système de justice pénale était un instrument constructif pour tenir compte des nuances de la criminalité ni pour mettre en place des pratiques réparatrices.
Les participants ont fait part de leurs préoccupations concernant les délinquants qui sont réintégrés dans les collectivités où leurs victimes habitent et tentent de vivre normalement. Cette situation est particulièrement inquiétante du point de vue des maisons d’hébergement, qui n’existent pas vraiment dans le Nord, mais qui seraient pourtant nécessaires en raison du manque de lits disponibles dans les refuges pour les victimes de violence familiale. « Les collectivités sont trop petites, et tout le monde se connaît », a expliqué une participante. Une autre a raconté qu’une victime de son entourage était seule avec ses enfants dans une « maison d’hébergement » où personne ne surveillait les allées et les venues. Pratiquement n’importe qui pouvait accéder au bâtiment.
Un participant a ajouté que la sensibilisation pourrait être importante et sauver la vie de nombreuses personnes qui sont victimes d’un contrôle coercitif sans le savoir. En effet, plusieurs de ces personnes ne considèrent pas que ce qui leur arrive à la maison ou dans leurs relations constitue une agression. On nous a dit que de nombreux cas de violence se produisaient entre des gens qui se connaissent. De plus, l’agresseur est parfois le principal soutien de la famille, et l’envoyer en prison signifie perdre ce soutien. Cela crée un dilemme pour les victimes : souffrir en silence ou dénoncer l’agresseur et obliger toutes les personnes qui dépendent de lui à en subir les conséquences.
À l’avenir, il serait utile que le BOFVAC élargisse la portée de ses activités à l’étape des rencontres préalables à la mobilisation pour promouvoir les forums communautaires. Nous avons pris contact avec les ONG lors de la planification pour voir si elles pouvaient annoncer la tenue de ces forums sur leurs comptes de médias sociaux, mais nous n’avons reçu qu’une seule réponse. Cela s’explique probablement par le fait que nous n’avons pas suffisamment communiqué avec les ONG à l’étape des rencontres préalables à la mobilisation. Si elles ne connaissaient pas le BOFVAC et le but des forums, il se peut qu’elles aient hésité à promouvoir ceux-ci. Les représentants du gouvernement n’ont pas publicisés les forums.
Le BOFVAC s’est interrogé sur le format des forums communautaires à la suite des commentaires d’une participante à la séance du 12 mars concernant l’aménagement de la salle. La salle était beaucoup plus grande que nécessaire et comportait donc beaucoup d’espace vide. La participante percevait la salle comme étant intimidante et froide, alors que nous souhaitions créer l’ambiance contraire. À l’avenir, nous essayerons de réserver des salles plus petites. Retirer les tables et former un cercle a permis une interaction plus aisée avec les participants, et nous envisagerons d’utiliser ce format lors de nos prochains forums.
Reconnaissant que le faible taux de participation au forum du 12 mars pouvait être dû à sa nature publique, et au fait que plusieurs victimes et survivants n’étaient peut-être pas à l’aise de parler en public, nous chercherons à organiser davantage de séances individuelles avec les victimes et les survivants à l’avenir.
Dans l’ensemble, plusieurs thèmes importants sont ressortis des forums communautaires du BOFVAC. Nous utiliserons les connaissances acquises pour orienter les prochaines étapes et nos futurs forums.
Premièrement, les victimes et les survivants autochtones du système de justice colonial ne font généralement pas confiance au système de justice pénale. Vu leur expérience du racisme systémique, il n’est pas surprenant que la plupart des victimes ne signalent pas les actes de violence. En raison des attitudes qui persistent dans le système de justice officiel, on continue de blâmer les victimes pour la violence qu’elles subissent et de minimiser cette violence. On aurait besoin d’une approche axée sur la victime et tenant compte des traumatismes. La difficulté de protéger la vie privée et la confidentialité des victimes dans le Nord peut également rendre celles-ci réticentes à signaler des gestes violents.
Deuxièmement, les victimes doivent surmonter un certain nombre d’obstacles pour accéder aux services d’aide, y compris le manque de services de proximité bien financés et adaptés à la culture, l’isolement géographique ainsi que l’intimidation et les pressions constantes de ceux qui souhaitent les voir laisser tomber leur plainte. Ces facteurs contribuent à donner aux victimes le sentiment d’avoir été abandonnées par le système de justice pénale. Des intervenants-pivots ou des défenseurs de droits, notamment des femmes autochtones ayant subi des actes de violence, pourraient être embauchés pour aider les victimes et les survivants lors de leur comparution devant les tribunaux civils et pénaux. Nous savons que les coordonnateurs des témoins de la Couronne mènent des activités dans le Nord, et jouent un rôle en ce qui concerne le soutien aux victimes d’actes criminels dans le cadre des processus judiciaires. Comme les participants ne semblaient pas connaître cette ressource, les coordonnateurs des témoins de la Couronne pourraient accroître leurs activités de sensibilisation et mieux faire connaître les services qu’ils offrent. Une transition vers des services en ligne pourrait être envisagée afin d’améliorer l’accès aux services d’aide aux victimes dans certains cas, mais il ne faut pas oublier que les habitants du Nord ne disposent pas tous des ressources nécessaires pour communiquer en ligne.
Troisièmement, le gouvernement fédéral devrait peut-être adopter de nouvelles mesures législatives pour régler le problème omniprésent du contrôle coercitif dans les cas de violence conjugale. À l’heure actuelle, la police ne peut pas traiter adéquatement ce type de problème puisqu’elle a besoin de preuves d’agression physique pour porter des accusations.
Quatrièmement, la reddition de comptes est importante pour les victimes, et cette question a été soulevée lors des discussions concernant la CCDV. En effet, la CCDV comporte des lacunes à ce chapitre qui peuvent facilement faire en sorte que le système de justice pénale néglige ses obligations envers les victimes. Pour qu’un changement véritable se produise, les mesures législatives visant à protéger les droits des victimes doivent être contraignantes.
Il est clair que nous devons poursuivre nos efforts de sensibilisation dans le Nord. Nous devons écouter les voix des survivants et intégrer celles-ci à notre travail. Nous retournerons à Yellowknife lorsque les restrictions de voyage liées à la pandémie seront levées pour continuer à établir des relations et à bâtir la confiance.
Nous avons également l’intention d’organiser des forums communautaires dans d’autres collectivités des T.N.-O., en commençant probablement par Dettah, N’Dilo et Behchoko. Au cours des 18 prochains mois, nous nous rendrons aussi au Yukon et au Nunavut pour faire connaître le Bureau et tisser des liens avec des survivants et des défenseurs des droits des victimes sur le terrain dans de nombreuses villes et collectivités.
1.Bureau de la statistique des Territoires du Nord-Ouest, « Current Indicators », consulté le 4 mai 2020, http://www.statsnwt.ca..
2. Bureau de la statistique des Territoires du Nord-Ouest, « Current Indicators »
3.Karin Taylor, « National Inquiry into Missing and Murdered Indigenous Women and Girls: Closing Submissions of the Government of the Northwest Territories », Enquête nationale sur les femmes et les filles disparues et assassinées, consulté le 4 mai 2020, www.mmiwg-ffada.ca/wp-content/uploads/2019/02/Govt-NWT-Final-Written-Submission.pdf..
4.« Victimes de crimes violents déclarés par la police dans les Territoires du Nord-Ouest, 2016 », Statistique Canada, 2018, https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2018001/article/54960/s13-fra.htm.
5. Statistique Canada, « Victimes de crimes violents déclarés par la police ».
6. Statistique Canada, « Victimes de crimes violents déclarés par la police ».
7. Statistique Canada, « Victimes de crimes violents déclarés par la police ».
8. Karin Taylor, « National Inquiry ».
9. Karin Taylor, «National Inquiry»