Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels
Les victimes ont dit au gouvernement qu'elles souhaitaient obtenir plus de renseignements, plus tôt dans le processus, et avoir plus souvent la chance de se faire entendre et de communiquer de l'information.
— Comité permanent de la justice et des droits de la personne, En constante évolution : la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 2000
Le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels (BOFVAC) a été établi en 2007 pour veiller à ce que le gouvernement fédéral s'acquitte de ses responsabilités envers les victimes d'actes criminels.
Dans le cadre de son mandat, le BOFVAC se penche sur les plaintes concernant la conformité aux dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui s'appliquent aux victimes de délinquants sous responsabilité fédérale (peine d'emprisonnement de deux ans ou plus). Le BOFVAC détermine également les problèmes qui ont un effet négatif sur les victimes d'actes criminels et formule des recommandations au gouvernement fédéral d'après ces problèmes et les principes établis dans la Déclaration canadienne des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité.
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) a été promulguée en 1992. Il s'agissait de la première loi fédérale régissant le système correctionnel et de mise en liberté à reconnaître officiellement les victimes. Cette loi constate l'intérêt légitime des victimes à obtenir des renseignements sur le délinquant leur ayant causé des torts, par exemple de l'information sur les progrès du délinquant, les dates d'examen applicables à ses permissions de sortir et à sa liberté conditionnelle, son lieu d'emprisonnement et sa destination lors de sa libération conditionnelle. Par ailleurs, aux termes de la LSCMLC, les victimes peuvent fournir au Service correctionnel du Canada (SCC) et à la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) une déclaration sur les répercussions de l'acte criminel sur leur vie.
Bien que la LSCMLC ait amorcé des réformes importantes visant à reconnaître les besoins des victimes et à y répondre, d'autres modifications s'imposaient comme le démontrent les recommandations ultérieures formulées par les victimes, les groupes de victimes et les comités parlementaires.
En 2008-2009, le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels (BOFVAC) a examiné le contenu de la LSCMLC s'appliquant aux victimes. Au cours de cet examen, le BOFVAC a étudié de l'information provenant de différentes sources, dont les renseignements obtenus par le Bureau auprès de victimes d'actes criminels et de défenseurs des droits des victimes; les conclusions d'une table ronde nationale organisée par le BOFVAC en 2007 et réunissant divers défenseurs des droits des victimes pour discuter des améliorations possibles à apporter à la LSCMLC; et les demandes présentées par des groupes d'experts, comités et groupes de victimes en vue de faire modifier la LSCMLC. Le BOFVAC a également obtenu des renseignements intéressants en discutant de la question avec d'autres ministères et organismes fédéraux, plus particulièrement le SCC et la CNLC, qui ont fourni une perspective et des éclaircissements utiles.
Le présent rapport fait état des conclusions de l'examen mené par le BOFVAC et donne un aperçu de la LSCMLC, suivi de 13 recommandations pour une réforme concernant les aspects suivants :
Le 17 juin 2009, l'ancien ministre fédéral de la Sécurité publique, l'honorable Peter Van Loan, a déposé le projet de loi C‑43, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Le projet de loi portait sur bon nombre des questions soulevées par le BOFVAC auprès du gouvernement fédéral depuis sa création, dont le besoin d'élargir l'éventail de renseignements qui peuvent être fournis aux victimes. Si le projet de loi avait été adopté tel quel, l'actuel système correctionnel et de mise en liberté sous condition aurait subi des réformes importantes et la participation des victimes au sein du système aurait été accrue. Cependant, au cours de l'élaboration du présent rapport, le gouvernement a décidé de proroger le Parlement et le projet de loi est mort au Feuilleton.
Même si le BOFVAC appuyait le projet de loi parce qu'il tenait compte des besoins et des préoccupations des victimes, à son avis il n'abordait pas toutes les questions importantes. Ce rapport formule des recommandations à l'intention du ministre de la Sécurité publique sur la manière de régler ces questions. Le BOFVAC conseille vivement au gouvernement, à la reprise des travaux du Parlement, de se pencher sur les recommandations et l'information contenues dans ce rapport, puis de mettre à jour, modifier et déposer de nouveau le projet de loi de manière à accroître son efficacité et à renforcer le système correctionnel et de mise en liberté sous condition du Canada.
Nous attendons avec impatience la réponse du ministre et l'adoption de mesures rapides et décisives par le gouvernement du Canada.
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) est entrée en vigueur le 1er novembre 1992. Elle remplaçait la Loi sur les pénitenciers et la Loi sur la libération conditionnelle. La LSCMLC établit le cadre législatif et l'orientation du système correctionnel et de mise en liberté sous condition. La Loi porte sur trois secteurs d'intérêt : la détention et la supervision des délinquants sous responsabilité fédérale, le processus relatif à la mise en liberté sous condition et la surveillance.
Bien que la LSCMLC soit principalement axée sur les droits des délinquants, elle reconnaît également le droit des victimes d'obtenir certains renseignements au sujet des délinquants. Selon la LSCMLC, deux types de renseignements peuvent être communiqués aux victimes : ceux dont la communication est obligatoire et ceux dont la communication est discrétionnaire.
En vertu des alinéas 26(1)a) et 142(1)a), le Service correctionnel du Canada (SCC) et la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) sont tenus de divulguer à une victime les renseignements suivants :
Les alinéas 26(1)b) et 142(1)b) permettent au SCC et à la CNLC de transmettre des renseignements supplémentaires au cas par cas, s'il a été établi que l'intérêt de la victime justifie une éventuelle violation de la vie privée du délinquant. Les renseignements qui peuvent alors être divulgués comprennent :
Depuis la promulgation de la LSCMLC en 1992, divers groupes de défense des droits des victimes, groupes d'experts et autres comités ont étudié la Loi et ont proposé des modifications à son contenu concernant les victimes. Dans l'ensemble, les conclusions des études menées ont été semblables. En effet, elles ont démontré de façon constante que les victimes veulent obtenir plus de renseignements et participer davantage au sein du système. Elles ont aussi permis de constater que les victimes ont généralement le sentiment que les délinquants ont plus de droits qu'elles. Malgré ces constatations, ni les consultations ni les rapports décrits ci-dessous n'ont entraîné de modifications législatives concrètes.
En 2000, le sous-comité chargé de l'examen de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition du Comité permanent de la justice et des droits de la personne a publié son rapport intitulé En constante évolution : la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition Footnote 1. Ce rapport comprend 53 recommandations, dont 6 touchent expressément les droits des victimes, y compris celle d'informer les victimes du transfèrement des délinquants d'un établissement à un autre (si possible à l'avance), de la participation des délinquants aux programmes de réadaptation et des nouvelles infractions commises par les délinquants pendant qu'ils sont en liberté sous condition. Le Comité a également fait des recommandations sur l'accès aux enregistrements audio des audiences de libération conditionnelle, sur le droit de présenter une déclaration de la victime lors des audiences et sur le droit d'empêcher les communications indésirables de la part des délinquants incarcérés dans un établissement correctionnel fédéral, en particulier avec les victimes. Enfin, le Comité a recommandé la création d'un bureau d'information et de traitement des plaintes à l'intention des victimes, bureau qui aurait compétence sur les activités liées aux victimes du SCC et de la CNLC.
En 2001, le Solliciteur général du Canada a tenu des consultations auprès de victimes inscrites et d'organismes offrant des services aux victimes, processus qui a abouti à la publication d'un rapport final intitulé Consultation nationale des victimes du crime — Points saillants et messages clés Footnote 2. Dans le rapport, on constate que les victimes ont généralement le sentiment que les délinquants ont plus de droits qu'elles. Ces dernières voudraient que des agents de liaison à temps plein du SCC s'occupent exclusivement de fournir des services aux victimes. Elles demandent qu'on leur témoigne du respect et souhaitent qu'on les écoute et tienne compte de leur opinion lorsque des décisions sont prises au sujet de la libération des délinquants. Les victimes ont également souvent affirmé avoir peur du délinquant qui leur a causé du tort.
En 2003, la CNLC a effectué un sondage qui a également confirmé que les victimes veulent plus de renseignements sur la réadaptation des délinquants et sur les raisons des transfèrements entre établissements correctionnels. Certains répondants ont affirmé que le fait d'être informés des progrès réalisés par le délinquant les aiderait à préparer une bonne déclaration de la victime. Des victimes ont aussi souligné leurs inquiétudes sur la manière dont la CNLC fournit l'information et le moment où cette information leur est transmise, ainsi que sur leurs droits à titre de victimes Footnote 3.
En avril 2005, le gouvernement fédéral a déposé un projet de loi visant à modifier la LSCMLC pour élargir l'éventail de renseignements que les victimes peuvent obtenir sur un délinquant. Parmi ces renseignements figuraient les raisons des transfèrements, la participation des délinquants à des programmes durant leur détention et un préavis sur les transfèrements vers un établissement à sécurité minimale. Si le projet de loi avait été adopté, les victimes auraient eu aussi la possibilité d'écouter les enregistrements audio des audiences de la CNLC. Les modifications proposées sont mortes au Feuilleton quand une élection a été déclenchée.
Deux ans plus tard, en 2007, le Comité d'examen du Service correctionnel du Canada publiait une évaluation indépendante sur les contributions du SCC à la sécurité publique dans un rapport intitulé Feuille de route pour une sécurité publique accrue. Ce rapport formulait des recommandations pour améliorer le système correctionnel fédéral. Dans le cadre de l'examen, le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels (BOFVAC) a rencontré le Comité et a fait quatre recommandations. Le BOFVAC a notamment souligné le besoin d'élargir l'éventail des renseignements que le SCC peut fournir aux victimes. Le rapport final comptait 109 recommandations à l'intention du gouvernement fédéral. Certaines de ces recommandations s'inspiraient des commentaires du BOFVAC, entre autres sur la question de l'élargissement de la nature des renseignements pouvant être communiqués aux victimes.
Le 17 juin 2009, le ministre fédéral de la Sécurité publique a déposé le projet de loi C‑43, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Ce projet de loi proposait d'enchâsser dans la loi le droit pour les victimes de présenter une déclaration de la victime lors des audiences de la CNLC. Il proposait aussi d'élargir l'éventail des renseignements que le SCC et la CNLC peuvent divulguer aux victimes. Le projet de loi visait plus précisément à inclure des renseignements sur les transfèrements des délinquants y compris, dans la mesure du possible, un préavis sur les transfèrements vers un établissement à sécurité minimale; sur la participation des délinquants aux programmes de réadaptation; sur les condamnations pour infractions disciplinaires graves; et sur les motifs de renonciation au droit d'être présent à une audience de libération conditionnelle. Le projet de loi C-43 aurait également restreint la possibilité pour les délinquants de décider à la dernière minute de ne pas participer aux audiences de libération conditionnelle, et ce, dans le but d'éviter que les victimes se déplacent inutilement pour une audience qui serait annulée. Le projet de loi C‑43 aurait permis de régler certaines des préoccupations des victimes. Néanmoins, il ne comblait pas certaines lacunes importantes en ce qui concerne les besoins des victimes. En raison de la prorogation du Parlement en décembre 2009, le projet de loi n'a pas été adopté. Les questions soulevées relativement à la LSCMLC demeurent donc préoccupantes pour les victimes.
Malgré le peu de modifications législatives adoptées jusqu'ici, des progrès importants ont été réalisés dans l'avancement des intérêts des victimes grâce aux changements que le SCC et la CNLC apportent régulièrement à leurs politiques et procédures.
En juillet 2001, la CNLC a adopté une nouvelle politique qui permet aux victimes de lire une déclaration, en personne ou au moyen d'un enregistrement audio ou vidéo, lors des audiences de libération conditionnelle pour expliquer les conséquences du crime sur leur vie ainsi que pour parler des craintes qu'elles éprouvent pour leur propre sécurité ou celle de la collectivité. Les victimes se sont grandement prévalues de cette nouvelle politique. Au cours des 5 dernières années, 976 déclarations ont été présentées au cours de 613 audiences Footnote 4. De toute évidence, les victimes inscrites sont reconnaissantes de l'occasion qui leur est offerte de raconter leur histoire et d'avoir leur mot à dire dans les décisions prises au sujet d'un délinquant et du danger qu'il représente pour la collectivité Footnote 5.
À la suite de la création de la Division des services aux victimes en 2001, le SCC a modifié en 2006 sa politique sur l'échange d'information entre les victimes et le SCC. Les modifications ont permis de préciser le processus servant à communiquer l'information, ainsi que les responsabilités des victimes et des employés du SCC, notamment dans les sections traitant de la divulgation de l'information et de la communication aux délinquants de renseignements concernant les victimes.
En novembre 2006, le Fonds d'aide aux victimes du gouvernement fédéral a été bonifié pour aider à financer le déplacement des victimes inscrites souhaitant assister aux audiences de libération conditionnelle. Depuis l'établissement de cette aide financière, le nombre de déclarations présentées par les victimes aux audiences de libération conditionnelle fédérales a augmenté de 50 p. 100. En 2007-2008, le Fonds d'aide aux victimes a fourni une aide financière totalisant plus de 320 000 $ à 410 victimes inscrites et 75 accompagnateurs désirant assister à une audience, pour couvrir des dépenses comme les frais de repas, de kilométrage, d'hébergement et de garde d'enfants.
Le même mois, le Bureau national pour les victimes d'actes criminels (BNVAC) a été mis sur pied au sein du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile. Source de renseignements centralisés sur les droits des victimes en vertu de la LSCMLC, le BNVAC améliore les services d'information existants qui sont offerts directement par le SCC et la CNLC. Le BNVAC, qui dispose d'une ligne sans frais destinée aux victimes, partage les locaux du Centre de la politique concernant les victimes du ministère de la Justice.
Moins d'une année plus tard, en avril 2007, le BOFVAC a été établi. La création du Bureau pour venir en aide aux victimes et à leur famille s'est imposée à la suite des recommandations faites par les victimes, les défenseurs des droits des victimes et les parlementaires au cours des dix dernières années. Un élément clé du mandat du BOFVAC consiste à répondre aux plaintes des victimes relatives à la conformité des ministères, des programmes et des employés fédéraux aux dispositions de la LSCMLC, qui s'appliquent aux victimes d'actes criminels.
En 2007, le gouvernement a versé des fonds supplémentaires au SCC pour la création du Programme national des services aux victimes. Le Programme a été mis en œuvre pour offrir à temps plein des services aux victimes de délinquants sous responsabilité fédérale. Dans le cadre de cette nouvelle initiative, le SCC a créé de nouveaux postes dont les titulaires s'occupent à temps plein de fournir des services aux victimes. Depuis la création du Programme national des services aux victimes, quelque 1 700 victimes additionnelles se sont inscrites auprès du SCC afin d'être informées au sujet du délinquant qui leur a causé préjudice, et le personnel du Programme a eu plus de 60 000 contacts avec des victimes inscrites Footnote 6.
En novembre 2008, le ministre de la Sécurité publique s'est engagé à améliorer la politique du SCC en ce qui concerne la communication aux victimes des raisons justifiant les permissions de sortir avec escorte (PSAE). Cet engagement du ministre est survenu à la suite du cas d'un détenu notoire qui avait obtenu une PSAE peu de temps après qu'on lui avait refusé une libération conditionnelle. Initialement, les victimes et leur famille n'avaient pas été informées du motif de la PSAE. Après avoir consulté le BOFVAC, le SCC a décidé de fournir cette information et les victimes l'ont beaucoup apprécié.
Après que la politique a été modifiée, le BOFVAC a écrit au ministre de la Sécurité publique pour le féliciter de cette décision. Il lui a également fait part de ses préoccupations sur le fait que les victimes n'avaient pas accès aux résumés des décisions de la CNLC, appelés feuilles de décision, concernant les PSAE Footnote 7, bien qu'elles aient accès aux feuilles relatives aux décisions d'octroyer une libération conditionnelle totale ou une semi-liberté.
En juin 2009, le gouvernement fédéral a tenu compte de cette question dans le projet de loi C-43 en y précisant clairement que les victimes peuvent être informées « des raisons de la permission de sortir ». Le projet de loi C-43 proposait de modifier l'article 144 de la LSCMLC pour y inclure les feuilles relatives aux décisions de la CNLC d'accorder une PSAE aux détenus purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre. Le BOFVAC recommande au gouvernement d'inclure encore cette disposition s'il décide de déposer de nouveau le projet de loi ou de présenter une autre mesure législative du même ordre.
« des raisons de la permission de sortir »
Pour renforcer le travail déjà accompli, au cours de sa deuxième année d'opération, le BOFVAC a examiné les dispositions de la LSCMLC s'appliquant aux victimes. Durant cet examen, le BOFVAC a étudié l'information provenant de différentes sources, dont les renseignements obtenus par le Bureau auprès de victimes d'actes criminels et de défenseurs des droits des victimes; les conclusions d'une table ronde nationale organisée par le BOFVAC en 2007 et réunissant divers défenseurs des droits des victimes pour discuter des améliorations possibles à apporter à la LSCMLC; et les demandes présentées par des comités et groupes de victimes en vue de faire modifier la LSCMLC. Le BOFVAC a également étudié les renseignements obtenus auprès de ministères et d'organismes fédéraux clés, notamment le SCC et la CNLC, qui lui ont fourni des éclaircissements sur les divers processus en place pour faire appliquer les dispositions de la Loi concernant les victimes.
Le BOFVAC a aussi étudié les recommandations d'autres organismes, dont celles faites par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne dans son rapport de 1998 intitulé Les droits des victimes — Participer sans entraver et celles faites par le sous-comité chargé de l'examen de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition dans son rapport de 2000 intitulé En constante évolution : la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
Les recommandations issues de l'examen du BOFVAC figurent dans la section qui suit. Elles sont destinées au ministre de la Sécurité publique afin qu'il en tienne compte, au besoin, dans le cadre de modifications à la LSCMLC ainsi qu'à d'autres politiques, procédures et lois.
La Déclaration canadienne des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité (voir l'annexe B) est fondée sur la Déclaration des Nations Unies des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir, qui a été publiée en 1985. La Déclaration canadienne a été entérinée en 1988 par les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la Justice et a été renouvelée en 2003. Elle sert de guide lorsqu'il s'agit d'élaborer des lois et des politiques gouvernementales visant à répondre aux besoins des victimes de la criminalité. En signant cette déclaration, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la Justice s'engageaient à refléter les principes qu'elle contient dans leurs procédures, lois et règlements respectifs.
Dans le cadre de son mandat, le BOFVAC encourage la prise en compte et l'application des principes de la Déclaration canadienne, chaque fois qu'il est possible de le faire, lorsque vient le temps de modifier ou d'élaborer une loi. L'inclusion des principes fondamentaux énoncés dans la Déclaration permet d'atténuer la frustration souvent exprimée par les victimes à l'égard du déséquilibre entre les droits des délinquants et les droits des victimes dans le système de justice canadien, à savoir que les droits des délinquants l'emportent sur ceux des victimes.
En 2007, les participants à la table ronde organisée par le BOFVAC ont souligné que la LSCMLC ne comportait aucune disposition sur le traitement à accorder aux victimes, ce qu'ils ont reconnu comme étant une importante lacune. Un participant a signalé que la LSCMLC reflétait les principes dictant la manière de traiter les délinquants (c'est‑à‑dire que les décisions au sujet d'un délinquant doivent être « claires et équitables »), mais qu'aucune loi ne décrivait les principes prescrivant la manière de traiter les victimes. Les participants ont suggéré que les mêmes principes s'appliquent aux victimes. Cela correspondait à des constatations antérieures, dont celles issues de la Consultation nationale des victimes du crime menée par le Solliciteur général du Canada en 2001.
« claires et équitables »
Actuellement, la LSCMLC n'inclut pas les principes énoncés dans la Déclaration canadienne. Les articles 4 et 100 de la LSCMLC expliquent les principes directeurs que doivent respecter le SCC et la CNLC respectivement. En ce qui concerne les victimes, il n'y est fait mention que de l'obtention de renseignements auprès des victimes et des communications avec ces dernières. Le projet de loi C‑43 modifiait légèrement ces dispositions législatives en soulignant que le SCC et la CNLC devaient accroître leur efficacité « par l'échange, au moment opportun, de renseignements utiles avec les victimes ».
« par l'échange, au moment opportun, de renseignements utiles avec les victimes »
En raison de l'absence de loi décrivant les droits des victimes et mentionnant les principes à suivre dans leur traitement, les victimes et les défenseurs de leurs droits jugent que les politiques et procédures fédérales actuelles ayant pour but de protéger les intérêts des victimes et de répondre à leurs besoins sont inadéquates.
Les participants à la table ronde du BOFVAC estimaient que le traitement positif qu'accordent actuellement le SCC et la CNLC aux victimes relevait de la sensibilité et de l'initiative de certains employés au sein de chaque organisme. Cependant, ils ont souligné qu'il n'est pas convenable que les victimes aient à se fier aux politiques ou à la bienveillance des personnes qui oeuvrent au sein du système. Jamais le public n'accepterait de simples politiques et la bienveillance comme garanties que le système respecte les droits de la personne à l'égard des délinquants. Le public s'attend à ce que les lois adoptées par l'État reflètent les droits des délinquants et que ces droits soient respectés. Les victimes méritent le même traitement. Pour garantir aux victimes des droits légitimes au sein des systèmes correctionnels et de libération conditionnelle, il faut que les lois indiquent clairement le traitement qu'il convient de leur accorder et que ces lois soient mises en application.
Les principes énoncés ci-dessous peuvent servir à établir une solide base législative pour enchâsser les droits des victimes dans la LSCMLC. L'inclusion de ces principes dans la législation est essentielle pour garantir que le système traite les victimes avec respect et équité.
i) Il convient de traiter les victimes avec courtoisie, compassion et respect.
La Déclaration canadienne est reflétée dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Ainsi, la déclaration de principes de cette loi stipule que « les victimes doivent être traitées avec courtoisie et compassion, sans qu'il ne soit porté atteinte à leur dignité ou à leur vie privée, et doivent subir le moins d'inconvénients possible du fait de leur participation au système de justice pénale pour les adolescents » et qu'« elles doivent aussi être informées des procédures intentées contre l'adolescent et avoir l'occasion d'y participer et d'y être entendues ». La LSCMLC doit faire état des mêmes principes.
« les victimes doivent être traitées avec courtoisie et compassion, sans qu'il ne soit porté atteinte à leur dignité ou à leur vie privée, et doivent subir le moins d'inconvénients possible du fait de leur participation au système de justice pénale pour les adolescents »
ii) Il convient de renseigner les victimes au sujet du système correctionnel et de mise en liberté sous condition, de leur rôle au sein du système et des occasions qui leur sont offertes d'y participer.
Les articles 4 et 100 de la LSCMLC portent sur les renseignements obtenus des victimes d'actes criminels ainsi que sur les renseignements qui leur sont communiqués. Aux termes de l'alinéa 23e) de la Loi, le SCC doit prendre toutes les dispositions raisonnables pour se procurer les « renseignements obtenus de la victime », mais ni le SCC ni la CNLC ne sont obligés d'obtenir, dans la mesure du possible, les coordonnées de la victime.
« renseignements obtenus de la victime »
Par ailleurs, la victime ne reçoit pas automatiquement de renseignements sur le délinquant. Pour accéder à cette information, elle doit d'abord s'inscrire auprès du SCC ou de la CNLC. Il incombe donc à la victime de déterminer comment obtenir l'information, puis de communiquer avec la bonne personne afin de s'inscrire. Pour une victime ayant subi un traumatisme grave, ces exigences et ces étapes administratives supplémentaires peuvent être très pénibles.
Malgré tout, au cours des 13 dernières années, le nombre de victimes inscrites a fait un bond prodigieux de près de 500 p. 100. Plus de 90 p. 100 d'entre elles ont été victimes d'un crime violent. La SCC a envoyé plus de 16 000 communications aux victimes et la CNLC a eu plus de 20 000 contacts avec les victimes en 2007-2008 Footnote 8.
Bien que ces statistiques montrent clairement que certaines victimes veulent être informées du statut et des progrès d'un délinquant, le pourcentage de victimes inscrites par rapport aux délinquants demeure plutôt faible. On dénombre présentement plus de 20 000 délinquants sous responsabilité fédérale, dont 70 p. 100 environ purgent une peine pour crime violent. Or, 6 000 victimes à peine se sont inscrites pour obtenir des renseignements concernant moins de 4 000 délinquants. Même si les victimes ne tiennent pas toutes à recevoir de l'information sur un délinquant, il est actuellement impossible de déterminer si les victimes non inscrites ont choisi en toute connaissance de cause de ne pas s'inscrire ou si elles n'étaient tout simplement pas au courant de leurs droits.
Les représentants du système de libération conditionnelle considèrent que le manque d'information des victimes à ce sujet constitue l'un des principaux obstacles à leur inscription Footnote 9. Selon une étude menée récemment par le Bureau national pour les victimes d'actes criminels, beaucoup de victimes ne s'inscrivent pas auprès du SCC ou de la CNLC parce qu'elles ne sont pas au courant de leurs droits, souvent parce qu'elles n'ont aucun contact avec les organismes provinciaux de services aux victimes Footnote 10.
Le SCC et la CNLC essaient de travailler avec les organismes provinciaux de services aux victimes pour informer les victimes de leurs droits en vertu de la LSCMLC, mais un grand nombre de victimes ne demandent ni ne reçoivent de services de ces organismes Footnote 11.
D'après un rapport de 2001 intitulé Consultation nationale des victimes du crime — Points saillants et messages clés, les victimes pensent que le système juridique devrait prendre l'initiative de leur fournir ces renseignements et devrait communiquer automatiquement avec elles pour les informer de leur droit à recevoir les renseignements. Cette opinion a également été exprimée à l'occasion de la table ronde nationale organisée par le BOFVAC en 2007. Manifestement, les victimes estiment qu'il ne devrait pas leur incomber de demander les renseignements.
Depuis 1988, aux termes du Code criminel du Canada, les tribunaux et les commissions d'examen en cas d'inaptitude pour cause de trouble mental sont tenus de vérifier, avant de prononcer une peine, si la victime a eu la possibilité de présenter une déclaration de la victime. Cependant, une étude montre que même si plus de 60 p. 100 des juges sont d'avis qu'il y a eu une augmentation du nombre de déclarations de la victime présentées depuis la modification du Code criminel Footnote 12, ces déclarations ne figurent au dossier que dans un pourcentage relativement faible de cas faisant l'objet d'un prononcé de peine. Tentant d'expliquer le nombre de déclarations de la victime présentées, près de la moitié (42 p. 100) des juges ont dit qu'il est difficile de savoir si la victime a été informée de son droit à présenter une déclaration de la victime et qu'ils doivent souvent procéder à la détermination de la peine sans avoir cette information Footnote 13.
Selon le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels, le SCC et la CNLC devaient prendre l'initiative d'informer les victimes de leurs droits en vertu de la LSCMLC, lorsqu'ils ont les coordonnées des victimes. Par exemple, on pourrait envoyer une trousse d'information aux victimes des délinquants sous responsabilité fédérale dans les six mois suivant la détermination de la peine. Les victimes pourraient alors décider de participer ou non au processus.
Les participants à la table ronde du BOFVAC étaient en faveur de cette proposition. Un participant a souligné que le risque associé à la communication de renseignements à une personne qui n'en veut pas était bien moins grave que le risque associé au fait de ne pas communiquer ces renseignements à une personne qui souhaite les obtenir. Des victimes nous ont confié qu'elles pensaient que quelqu'un allait communiquer avec elles pour leur fournir de l'information sur la libération conditionnelle du déliquant, mais qu'elles avaient seulement appris qu'elles devaient d'abord s'inscrire pour obtenir ces renseignements après la mise en liberté du délinquant dans la collectivité.
iii) Il convient de tenir compte des opinions, des préoccupations et de la sécurité des victimes dans les décisions relatives au placement, à la mise en liberté et à la surveillance d'un délinquant.
De nombreuses victimes nous ont parlé des répercussions négatives du transfèrement et de la mise en liberté d'un délinquant dans la collectivité, particulièrement lorsque le délinquant habite à proximité de la victime. Footnote 14
Aux termes du Code criminel, les tribunaux et les commissions d'examen « doivent » prendre en considération les déclarations de la victime. En comparaison, l'article 4 actuel de la LSCMLC indique uniquement que les décisions du SCC prennent en compte les renseignements obtenus de diverses sources, dont les victimes. Selon l'article 101, les commissions des libérations conditionnelles tiennent compte des renseignements obtenus de diverses sources, dont les victimes.
Les employés de la CNLC admettent que parfois, les renseignements de la victime ne sont pas pris en compte en raison de la manière dont ils sont présentés. En 2006, la Commission a mené une étude pour déterminer, notamment, si les pratiques qu'elle utilisait à l'échelle nationale pour communiquer avec les victimes étaient uniformes. Le rapport produit à l'issue de cette étude, intitulé Contacts avec les victimes — Examen des pratiques régionales, a été publié en avril 2006. En voici un extrait :
Une région a fait remarquer que la déclaration d'une victime sur vidéo n'est pas examinée par les commissaires si l'audience n'a pas lieu et que l'examen se fait par voie d'étude du dossier, alors qu'une déclaration écrite est portée à leur attention Footnote 15.
Il faut tout mettre en oeuvre pour intégrer la déclaration de la victime dans le processus, sinon cela renforce le sentiment qu'ont certaines victimes que leur avis n'a aucune importance. D'après un participant de la table ronde organisée en 2007 par le BOFVAC, des agents du système correctionnel et de mise en liberté sous condition lui avaient dit que l'information fournie par la victime « n'avait pas beaucoup d'importance ».
« n'avait pas beaucoup d'importance »
Les victimes veulent avoir la certitude que l'information qu'elles fournissent sera prise en considération. Elles veulent aussi jouer un rôle concret dans les décisions relatives au transfèrement et à la mise en liberté. Dans le cadre de ses contacts avec les victimes, le BOFVAC constate régulièrement que les victimes sont préoccupées par l'utilisation limitée de leur apport par le SCC et la CNLC, en particulier dans la prise de décisions telles que le transfèrement dans un établissement à sécurité minimale à proximité de leur domicile ou la mise en liberté du délinquant dans leur collectivité.
Beaucoup de victimes vivent dans la peur d'être de nouveau victime du délinquant et anticipent avec angoisse la date de sa mise en liberté. Dans certains cas, cette peur empêche même la victime de demander de l'information par crainte de subir des représailles (ou d'autres attaques) si le délinquant apprend que sa victime s'intéresse même un peu au système ou à son cas Footnote 16. Un participant à la table ronde organisée en 2007 par le BOFVAC a précisé qu'il fallait « clairement énoncer les dispositions relatives à la sécurité de la victime ».
« clairement énoncer les dispositions relatives à la sécurité de la victime »
T. a communiqué avec le BOFVAC quand il a appris que le délinquant qui avait tiré sur son frère (M.) avait été mis en liberté dans la collectivité et qu'il habitait plusieurs jours par semaine de l'autre côté de la rue d'un membre de la famille de M. et de T. Lourdement handicapé à la suite de ce crime, M. rendait souvent visite à sa famille à cet endroit, et il s'agissait de l'une des rares sorties sociales qu'il pouvait encore faire. La famille était mécontente, car elle s'attendait à ce que la CNLC communique avec elle et lui donne la possibilité de fournir une déclaration de la victime avant que le délinquant soit remis en liberté. Mais, à l'instar de trop nombreuses victimes, la famille ignorait qu'elle doit d'abord s'inscrire pour obtenir cette information. La proximité du délinquant a semé la peur dans toute la famille, y compris chez M. À la suite d'un effort concerté des bureaux fédéraux, une évaluation communautaire a été faite. À l'issue de l'évaluation, la CNLC a modifié les conditions de la mise en liberté du délinquant pour lui interdire d'aller dans la ville où habite la victime.
Contrairement aux dispositions du Code criminel sur la mise en liberté avant le procès (c'est-à-dire la mise en liberté sous caution), on ne fait pas expressément mention de la sécurité d'une victime au moment de la libération conditionnelle ou de la mise en liberté. Dans son rapport intitulé Les droits des victimes — Participer sans entraver, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne recommandait « que les dispositions du Code criminel relatives à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire soient modifiées afin d'obliger le juge à examiner, par l'intermédiaire du procureur de la Couronne, les craintes éventuelles du plaignant concernant sa sécurité ainsi que la nature et l'étendue des conditions auxquelles devrait être assujettie une telle mise en liberté dans ce contexte ». Dans sa réponse, le gouvernement a déclaré ce qui suit :
« que les dispositions du Code criminel relatives à la mise en liberté provisoire par voie judiciaire soient modifiées afin d'obliger le juge à examiner, par l'intermédiaire du procureur de la Couronne, les craintes éventuelles du plaignant concernant sa sécurité ainsi que la nature et l'étendue des conditions auxquelles devrait être assujettie une telle mise en liberté dans ce contexte »
Sauf dans quelques rares exceptions, ces dispositions (c'est-à-dire la mise en liberté sous caution) n'exigent pas la prise en compte des intérêts et des craintes de la victime concernant sa sécurité, même si la sécurité de tous les membres de la population (incluant évidemment la victime) et le risque de récidive sont toujours pris en considération. Les juges tiennent généralement compte de la sécurité de la victime avant de déterminer si on peut libérer un suspect ou un accusé en fonction des critères établis dans les dispositions pertinentes du Code. Cela dit, si les victimes ne sont pas informées des procédures de mise en liberté ou du fait que, dans de nombreuses circonstances, la mise en liberté peut être assortie de conditions, elles peuvent effectivement douter que l'on tienne compte de leurs préoccupations. À notre avis, la modification des dispositions sur la mise en liberté provisoire par voie judiciaire pourrait contribuer à rétablir la confiance des victimes à l'égard de cet important processus décisionnel […] L'objectif de la modification envisagée n'est pas de garder davantage de personnes en détention avant leur procès inutilement, mais plutôt de faire en sorte que l'avis de la victime de l'infraction alléguée soit pris en compte dans le cadre du système actuel de mise en liberté provisoire par voie judiciaire.
Suite au rapport du Comité, le Parlement a modifié l'alinéa 515(10)b) Footnote 17 du Code criminel en 1999 pour inclure la protection de la victime au nombre des facteurs à considérer avant de mettre en liberté un accusé. Le BOFVAC recommande que cette protection soit élargie aux décisions relatives à la libération conditionnelle et à la mise en liberté du délinquant.
Si le SCC sait qu'une victime craint pour sa sécurité et qu'elle habite à proximité du lieu où aboutira le délinquant, son personnel doit envisager d'autres lieux de résidence. Par exemple, si la victime craint pour son bien-être ou sa sécurité, le SCC devrait être tenu de faire participer la victime à l'évaluation communautaire avant de permettre au délinquant d'aller à un endroit précis.
iv) Il convient de tenir compte des besoins, des préoccupations et de la diversité des victimes dans l'élaboration et la prestation des programmes et des services, ainsi que dans l'éducation et la formation connexes.
Même si les besoins des victimes varient, on peut et on doit tenir compte des problèmes communs auxquels toutes les victimes peuvent se heurter. Par exemple, il faut tenir compte des besoins des différents groupes de victimes, dont les Autochtones. À cette fin, le BOFVAC a présenté une recommandation au Comité d'examen du SCC en vue d'accroître les efforts menés pour communiquer avec les victimes autochtones. Le rapport publié par le Comité, Feuille de route pour une sécurité publique accrue, reprenait cette idée et recommandait officiellement l'élaboration d'une stratégie en collaboration avec la Direction des initiatives pour les Autochtones, Sécurité publique Canada, le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels et les organisations autochtones, pour joindre les victimes autochtones et ainsi connaître leurs besoins en information et y répondre. Par suite, le Bureau national pour les victimes d'actes criminels a entrepris l'élaboration d'une stratégie nationale pour répondre aux besoins en information des victimes autochtones. Nous espérons travailler avec le Bureau national à mesure que la stratégie avance.
v) Il convient de prendre toutes les mesures raisonnables pour minimiser les inconvénients subis par les victimes.
De nombreuses victimes nous ont dit que même si elles sont reconnaissantes d'avoir la possibilité d'assister aux audiences de libération conditionnelle, la planification de cette participation est souvent très difficile sur le plan pratique. Dans le cas des homicides, il arrive souvent que les membres de la famille et le conjoint des victimes tiennent absolument à être présents pour représenter la victime. Or, malgré l'importance que peuvent accorder à la victime et ses proches à leur participation à ces audiences, on ne tient guère compte des besoins ou de la situation des victimes. Certaines victimes ont dû annuler ou reporter des interventions médicales ou des vacances en prévision d'une audience de libération conditionnelle. D'autres n'ont pas été en mesure de modifier leur horaire et d'assister à l'audience en raison de sa date, ce qui leur a causé un stress supplémentaire, tandis que d'autres ont assisté à l'audience même si elle avait lieu à quelques jours d'un anniversaire ou d'un congé. Les victimes estiment à juste titre qu'elles devraient être consultées, dans les limites du raisonnable, avant que la date d'une audience soit fixée.
Une jeune femme a communiqué avec nous parce que l'homme reconnu coupable de l'avoir agressée sexuellement lorsqu'elle était adolescente avait été mis en liberté dans une maison de transition à moins de 15 minutes de chez elle. Ce délinquant, qui présentait un risque de récidive élevé, avait d'abord été mis en liberté dans une maison de transition d'une autre ville. La jeune femme a été informée le jeudi soir que le délinquant serait transféré dans une maison de transition dans sa ville le lundi suivant. En vérifiant l'adresse, elle a constaté que cette maison de transition était située à quelques minutes de chez elle. Elle a quitté son emploi et a fui la ville. La Commission nationale des libérations conditionnelles a modifié les conditions de la mise en liberté du délinquant pour lui interdire l'accès à un secteur précis de la ville. Cela a intensifié les craintes de la victime puisque cette précision indiquait dans quel secteur elle vivait et travaillait. Le délinquant a été renvoyé en prison au cours des semaines suivantes pour manquement aux conditions de sa mise en liberté, mais il sera libéré bientôt. La victime a demandé, une fois de plus, qu'il ne soit pas envoyé dans la ville où elle habite.
Si cela est impossible, on pourrait néanmoins tenir compte des besoins des victimes en intégrant une série de solutions permettant aux victimes d'assister à une audience de libération conditionnelle ou de prendre connaissance des délibérations qui y ont lieu sans y assister en personne, par exemple la vidéoconférence ou la création d'archives sur les audiences accessibles par les victimes.
vi) Il convient de renseigner les victimes au sujet des moyens qu'elles peuvent utiliser pour exprimer leurs préoccupations si elles sont d'avis que les principes ci-dessus n'ont pas été respectés.
Les victimes ont souvent exprimé leur frustration face à leur manque de droits prescrits par la loi et, en conséquence, à l'impossibilité de faire appliquer les politiques qui les touchent le plus. Au Canada, dans le système actuel, les droits des victimes ne sont pas exécutoires et il n'existe aucune mesure de conformité autorisant une organisation à remédier au nonrespect des droits des victimes énoncés dans la Déclaration canadienne. Cela étant, dans un effort visant à concilier les droits des délinquants et des victimes, le gouvernement a créé en 2007 le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels. Le Bureau est chargé de recevoir et d'examiner les plaintes relatives au traitement des victimes, qui visent les ministères, les organismes et les fonctionnaires fédéraux ainsi que les lois et les politiques fédérales. Il s'agit d'un pas dans la bonne direction, mais le Bureau, à l'instar des autres organismes de services aux victimes, a de la difficulté à communiquer avec les victimes pour les informer de son mandat et des services qu'il offre. À cet égard, il serait bon que les renseignements transmis aux victimes d'actes criminels de ressort fédéral comprennent d'office de l'information sur le Bureau et ses coordonnées, afin que les victimes puissent communiquer avec son personnel si elles sont d'avis qu'un des principes fondamentaux de la Déclaration canadienne n'est pas respecté.
Recommandation 1Que le gouvernement du Canada modifie les articles 4 et 101 (principes) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour tenir compte de la Déclaration canadienne des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité ainsi que des intérêts des victimes dans le système correctionnel et de mise en liberté sous condition. Ces principes doivent reconnaître le droit des victimes à participer aux procédures du système correctionnel et de mise en liberté sous condition.
Les victimes et les groupes qui les représentent ont toujours affirmé que les renseignements devraient être fournis aux victimes d'une manière proactive, et que le système devrait automatiquement tenter de joindre les victimes pour les informer de leur droit à recevoir des renseignements.
À l'heure actuelle, ce sont les victimes qui doivent communiquer avec le SCC et la CNLC. Ni l'un ni l'autre de ces organismes ne communiquent avec les victimes d'une manière proactive, même s'ils possèdent les coordonnées des victimes (qu'ils obtiennent par exemple des autorités provinciales). Selon le BOFVAC, dans les six mois suivant la détermination de la peine, le SCC devrait prendre l'initiative de transmettre des renseignements aux victimes sur leurs droits en vertu de la LSCMLC, s'il dispose de leurs coordonnées. Les victimes pourraient ensuite s'inscrire afin de participer au processus, si elles le désirent.
Nous ne nous attendons pas à ce que le SCC fasse des recherches pour trouver les coordonnées des victimes, mais il devrait envoyer une trousse d'information aux victimes dont il possède les coordonnées. Selon l'alinéa 23e), le SCC doit prendre toutes les dispositions raisonnables pour se procurer les « renseignements obtenus de la victime », mais ni le SCC ni la CNLC ne sont obligés d'obtenir les coordonnées de la victime.
Recommandation 2Que le gouvernement du Canada modifie l'alinéa 23e) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d'inclure les coordonnées des victimes.
Comme on l'a indiqué plus tôt, il existe deux types de renseignements pouvant être communiqués aux victimes : ceux dont la communication est obligatoire et ceux dont la communication est discrétionnaire. Par exemple, la date d'admissibilité à la libération conditionnelle d'un délinquant doit être communiquée à la victime, mais la date de la mise en liberté est communiquée à la discrétion de la CNLC.
La communication de chaque type de renseignements est régie par des politiques et des procédures. Par exemple, le paragraphe 24 de la Directive du commissaire n° 784 (renseignements pour les victimes) du SCC énonce ce qui suit :
Les fondés de pouvoir désignés au paragraphe 16 de la présente directive décideront de la communication discrétionnaire de renseignements au cas par cas après avoir fait une analyse pour déterminer si l'intérêt de la victime justifierait nettement une éventuelle violation de la vie privée du délinquant.
À l'heure actuelle, les renseignements discrétionnaires peuvent être communiqués aux victimes inscrites uniquement si l'intérêt de la victime justifie nettement une éventuelle violation de la vie privée du délinquant. Compte tenu du libellé actuel de la Loi, le BOFVAC craint que d'autres organismes s'opposent à la communication automatique de ces renseignements. Pour éviter les erreurs d'interprétation, la communication des renseignements aux victimes devrait être obligatoire par défaut, sauf dans les cas où cela risque de causer un préjudice excessif. Le BOFVAC estime que toutes les victimes devraient obtenir ces renseignements, sauf s'il y a lieu de croire que la sécurité du délinquant ou d'un établissement est menacée.
Recommandation 3Que le gouvernement du Canada adopte un texte de loi qui prévoit la communication automatique aux victimes des renseignements considérés comme discrétionnaires aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, sauf dans les cas où cela risque de menacer la sécurité d'un établissement, d'un délinquant ou d'une autre personne.
Les victimes comprennent, plus que la plupart des gens, que presque tous les délinquants seront éventuellement remis en liberté. En raison de ce qu'elles ont vécu, elles connaissent bien les conséquences de la violence, et c'est pourquoi beaucoup de victimes souhaitent sincèrement que les délinquants soient réadaptés en prison. La meilleure façon de protéger les victimes, leur famille et la collectivité est de faire en sorte que le délinquant apprenne à modifier son comportement nuisible avant d'être mis en liberté.
Par conséquent, il importe pour bon nombre de victimes d'être informées, à tout le moins, des efforts de réadaptation du délinquant. Le rapport final du Solliciteur général du Canada sur la Consultation nationale des victimes du crime, publié en 2001, énonce ce qui suit :
Les victimes ont mis l'accent sur le besoin d'obtenir plus de renseignements au sujet du délinquant qui leur a causé des dommages, notamment des renseignements sur la participation du délinquant à des programmes et sur son comportement dans l'établissement. Ce point de vue a été émis de façon constante partout au pays. […] Nombreuses sont les victimes qui ont dit que, si ce type de renseignements est accessible aux personnes qui assistent aux audiences de libération conditionnelle à titre d'observateurs ou qui écoutent l'enregistrement sonore des audiences, il faut alors que ces renseignements soient également disponibles à des étapes antérieures du déroulement de la peine du délinquant.
La LSCMLC n'autorise pas la communication de renseignements sur la participation du délinquant aux programmes, sur son comportement en établissement ou sur son dossier disciplinaire. Les victimes obtiennent donc cette information pour la première fois en assistant à une audience de libération conditionnelle ou en consultant le registre des décisions de la CNLC. Par exemple, la famille d'une personne tuée par un chauffard ivre n'apprendra qu'à l'audience de libération conditionnelle, ou après, que ce délinquant assiste aux réunions des Alcooliques anonymes ou qu'il est soumis à des conditions semblables. De même, une victime de voies de fait peut apprendre que le délinquant qui l'a agressée participe à des séances de counseling et n'a pas commis d'actes de violence en prison ou, ce qui est tout aussi important, qu'il n'a participé à aucun programme.
Les groupes de victimes demandent depuis longtemps qu'on communique aux victimes de l'information sur le comportement du délinquant en établissement, les programmes de réadaptation suivis et les évaluations connexes, les évaluations psychologiques, l'emploi (dans l'établissement ou dans le cadre des programmes de placement à l'extérieur) et l'amélioration de la scolarité. Voici ce qu'a déclaré le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes Footnote 18 :
La réadaptation est très importante aux yeux des victimes. Elles souhaitent que personne d'autre ne subisse ce qu'elles ont subi. Par conséquent, si les victimes obtenaient de l'information sur les éléments du plan correctionnel menés à bien par le délinquant, le cas échéant, pour s'attaquer à ses problèmes et sur le degré de réussite de ces programmes, elles auraient alors une meilleure idée des mesures concrètes prises par le délinquant pour s'améliorer. Si ces renseignements étaient communiqués aux victimes régulièrement tout au long de l'incarcération du délinquant (et non des mois ou des années plus tard à l'audience de libération conditionnelle), les victimes éprouveraient peut-être moins de craintes et d'inquiétudes lorsque le délinquant est mis en liberté Footnote 19.
L'organisme Victimes de violence avance le même argument :
En raison du droit du délinquant à la vie privée, la victime ne peut pas savoir, par exemple, si le délinquant suit un programme de maîtrise de la colère ou s'il a été impliqué dans des incidents violents en prison. Beaucoup de victimes ont un lien de parenté avec le délinquant, et à sa mise en liberté, celui-ci peut entrer en contact avec elles et leur famille. Devrait-on priver la famille du droit de savoir? La conduite du délinquant en établissement semble faire l'objet d'un grand secret, alors que cette information pourrait être utile à la victime. Footnote 20
Ce point a également été soulevé lors de la table ronde organisée par le BOFVAC en 2007. On y préconisait l'élargissement des renseignements communiqués aux victimes pour qu'elles se sentent plus en sécurité au quotidien et qu'elles soient informées des progrès du délinquant au chapitre de la réadaptation. D'ailleurs, le rapport de 2001 sur la Consultation nationale des victimes du crime indique ce qui suit : « La plupart des victimes ont précisé que le besoin de savoir était motivé d'abord et avant tout par des raisons de sécurité, et non pas par un désir de vengeance. »
« La plupart des victimes ont précisé que le besoin de savoir était motivé d'abord et avant tout par des raisons de sécurité, et non pas par un désir de vengeance. »
Les victimes ont expliqué qu'en obtenant ces renseignements avant l'audience de libération conditionnelle, elles pourraient fournir une déclaration de la victime plus utile puisqu'elles seraient mieux à même d'évaluer le risque possible pour elles-mêmes ou la collectivité et de se préparer à la mise en liberté éventuelle du délinquant. Selon les politiques actuelles, les victimes peuvent uniquement lire le texte de leur déclaration, rédigé à l'avance et pré-approuvé, lors d'une audience de libération conditionnelle. Les participants à la table ronde du BOFVAC ont parlé des problèmes qui surviennent lorsque les victimes apprennent de nouveaux renseignements à l'audience sans être en mesure d'en tenir compte dans leur déclaration. En plus de ne pas pouvoir présenter les points les plus pertinents, les victimes peuvent être gênées de présenter une déclaration contenant de l'information « périmée » alors que toutes les autres personnes qui assistent à l'audience disposent de l'information la plus récente.
Dans son rapport final publié en décembre 2007, le Comité d'examen du SCC s'est prononcé en faveur d'une recommandation formulée par le BOFVAC au sujet de la communication aux victimes enregistrées de renseignements sur les progrès du délinquant, au moins une fois par année.
Dans le projet de loi C-43, le gouvernement abordait cette question. Il prévoyait modifier l'alinéa 26(1)(b) pour y inclure les programmes auxquels les délinquants participent ou ont participé qui visent à répondre à leurs besoins et favoriser leur réinsertion sociale, ainsi que les infractions disciplinaires graves qu'ils ont commises.
Même si ces mesures sont positives, le projet de loi ne précisait pas à quel moment les victimes obtiendraient ces renseignements ou s'il s'agissait d'une communication régulière. En outre, il ne permettait pas aux victimes de savoir si le délinquant avait mené à terme un programme ou si sa participation avait été couronnée de succès. Tous ces détails sont nécessaires pour faire en sorte que les victimes reçoivent des renseignements fiables et cohérents sans éprouver une anxiété indue. Le BOFVAC encourage donc le gouvernement à envisager de modifier ces dispositions afin d'optimaliser leur efficacité pour les victimes qui doivent en bénéficier.
Recommandation 4Que le gouvernement du Canada adopte un texte de loi précisant que les victimes doivent être informées des progrès accomplis par le délinquant et que cette information doit être communiquée au moins annuellement pendant toute la durée de la peine du délinquant.
Les victimes qui ont communiqué avec notre bureau déploraient le fait qu'elles ne pouvaient pas obtenir de photographies des délinquants avant leur mise en liberté. Si la victime assiste à l'audience de libération conditionnelle en personne ou par vidéoconférence, elle verra le délinquant. Cependant, si elle ne peut pas assister à l'audience ou si elle craint d'y assister, elle ne saura probablement pas à quoi ressemble le délinquant.
Une victime d'agression sexuelle a communiqué avec le Bureau à propos de la mise en liberté de son agresseur dans la collectivité. Au moment de l'agression, la victime était à peine adolescente. Elle n'avait pas revu son agresseur depuis presque dix ans. Elle a demandé au SCC de lui fournir une photographie du délinquant, pour pouvoir l'identifier si elle l'apercevait. Il était considéré comme un délinquant à risque élevé et elle craignait pour sa sécurité, car il l'avait menacée dans le passé. Invoquant la Loi sur la protection des renseignements personnels, le SCC a pris quatre mois avant de remettre une photographie à la victime.
Beaucoup de délinquants passent des années en prison et leur apparence physique peut changer considérablement. Dans certains cas, des délinquants ont même changé de sexe. Sans photographie récente, une victime n'a aucune façon d'identifier le délinquant qui pourrait constituer une menace pour elle après sa mise en liberté.
Recommandation 5Que le gouvernement du Canada modifie les paragraphes 26(1) et 142(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour autoriser le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles à montrer une photographie du délinquant à une victime inscrite.
Pour certaines victimes, les transfèrements peuvent être une expérience déconcertante et bouleversante, surtout si le délinquant est transféré dans un établissement à sécurité moins élevée. À l'heure actuelle, les victimes ne jouissent d'aucun droit prescrit par la loi d'être informées des raisons justifiant le transfèrement d'un délinquant, dont la participation à un programme ou des problèmes de comportement. Par ailleurs, les victimes sont informées du transfèrement seulement après qu'il a eu lieu.
Depuis plusieurs années, les victimes ont clairement indiqué qu'elles voulaient être informées à l'avance des transfèrements et obtenir plus détails sur ces décisions. Cette question a été soulevée à maintes reprises dans les examens précédents de la LSCMLC.
Dans un document de travail intitulé « Une politique d'ouverture et de responsabilisation au Service correctionnel du Canada : il est temps d'effectuer des changements », l'organisme CAVEAT de la Colombie-Britannique, a déclaré ce qui suit :
« Une politique d'ouverture et de responsabilisation au Service correctionnel du Canada : il est temps d'effectuer des changements »
Une loi devrait être adoptée pour obliger le SCC à aviser les victimes et à obtenir leur point de vue, avant de prendre une décision, lorsque le SCC songe à effectuer un transfèrement au cours de l'administration normale de la peine d'un détenu.
M. a assisté à l'audience de libération conditionnelle de l'homme qui a agressé sexuellement et tué sa fille. Le délinquant s'est vu refuser la libération conditionnelle. Sept jours plus tard, il a été transféré dans un établissement à sécurité minimale situé à moins d'une heure du domicile de M., qui a alors voulu connaître les raisons de ce transfèrement. Il n'a obtenu aucune information à ce sujet.
Dans son rapport de 2000 intitulé En constante évolution, le sous-comité chargé de l'examen de la LSCMLC était en faveur de cette proposition. La recommandation 37 du rapport demande au gouvernement de modifier la Loi pour permettre d'informer, « si possible à l'avance, les victimes [...] en temps opportun du transfèrement routinier prévu ou envisagé de détenus ».
« si possible à l'avance, les victimes [...] en temps opportun du transfèrement routinier prévu ou envisagé de détenus »
Lors de la Consultation nationale de 2001, les victimes ont clairement dit que cet avis doit être communiqué peu importe le niveau de sécurité de l'établissement d'arrivée :
On a également appuyé la proposition de fournir aux victimes des renseignements sur les transfèrements accordés aux délinquants. Certaines victimes estiment que les renseignements sur tous les transfèrements devraient être fournis aux victimes avant que le transfèrement n'ait lieu.
Plus récemment, en 2007, le Comité d'examen du SCC s'est penché de nouveau sur cette question. Les membres du Comité ont indiqué qu'il faudrait revoir la recommandation 37 du rapport En constante évolution en vue d'une éventuelle modification. Cette recommandation stipule qu'il faudrait informer les victimes en temps opportun, si possible à l'avance, du transfèrement routinier prévu ou envisagé de détenus.
H. a été condamné pour le meurtre de trois personnes. Le BOFVAC a reçu une plainte des familles des victimes, lesquelles invoquaient des problèmes liés à la notification du transfèrement d'un délinquant dans une autre région. On avait dit au mandataire des victimes que H. avait demandé son transfèrement dans une autre région, mais qu'on le lui refuserait probablement. Aucune explication n'a été donnée aux familles à propos de ce transfèrement, étant donné que le SCC n'est actuellement pas autorisé à divulguer cette information. Lorsqu'ils ont été informés du transfèrement, les membres des trois familles étaient en colère, en partie parce qu'on ne les avait pas avisés d'un précédent transfèrement plusieurs années auparavant. Par ailleurs, ils se disaient inquiets, parce qu'on ne leur avait pas expliqué les changements dans le dossier du délinquant ayant justifié ce transfèrement.
Le projet de loi C-43 visait à régler cette question. S'il avait été adopté, le gouvernement fédéral aurait modifié la LSCMLC afin de permettre aux victimes de recevoir un résumé des motifs du transfèrement, ainsi que le nom et l'emplacement du pénitencier et, dans la mesure du possible, un avis préliminaire advenant le transfèrement du délinquant vers un établissement à sécurité minimale. Le préavis de transfèrement n'est pas toujours possible, car les transfèrements se font parfois rapidement, par exemple pour des motifs disciplinaires. Par contre, comme nous l'avons appris au terme de diverses consultations, les victimes veulent être avisées à l'avance de tous les transfèrements, et pas seulement de ceux vers une prison à sécurité minimale. Le BOFVAC croit que, dans la mesure du possible, il faudrait toujours envoyer des préavis.
Recommandation 6 Que le gouvernement du Canada modifie les articles 26 et 142 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour faire en sorte qu'on communique l'information aux victimes et que, dans la mesure du possible, on les avise à l'avance de tous les transfèrements.
Les dispositions autorisant la présentation de déclarations de la victime écrites lors de la détermination de la peine ont fait leur apparition pour la première fois dans le Code criminel en 1988. En 1996, la loi a été renforcée, puisqu'elle obligeait les tribunaux à prendre ces déclarations en considération. En 1999, on a modifié le Code criminel pour donner aux victimes le droit de présenter une déclaration verbale lors de la détermination de la peine. Par la suite, en 2005, on leur a également octroyé le droit de présenter une déclaration lors des audiences des commissions d'examen visant les délinquants qui ne sont pas tenus criminellement responsables.
En 2001, la CNLC a modifié sa politique pour autoriser les victimes à présenter une déclaration lors des audiences de libération conditionnelle. Selon les membres de la CNLC, les déclarations des victimes permettent d'évaluer : la nature et la portée des torts subis par celles-ci; le risque de récidive en cas de mise en liberté du délinquant; la compréhension qu'a le délinquant des répercussions de son infraction; et les conditions nécessaires à la gestion du risque que pourrait présenter le délinquant. Footnote 21
Au-delà des avantages pour les membres de la CNLC, la capacité pour une victime de présenter une déclaration peut être très importante en ce qui la concerne, pour diverses raisons. C'est ce qu'ont répété les victimes lors de la table ronde du BOFVAC.
Le projet de loi C-43 proposait d'intégrer à la Loi le droit pour les victimes de présenter une déclaration, mais uniquement si elles assistaient aux audiences. Par contre, il ne leur octroyait pas le droit présomptif d'assister aux audiences. Les victimes devaient plutôt faire une demande, comme les autres membres du public, pour pouvoir y assister à titre d'observateurs. Cela devenait une autre tâche pour elles, car il leur incombait de faire les démarches nécessaires. De plus, cela ne tenait pas compte de leurs préoccupations et de leurs besoins particuliers.
Même si l'article 140 de la LSCMLC autorise la présence d'observateurs aux audiences de la CNLC, leur présence peut être refusée si l'on détermine qu'elle nuira au déroulement de l'audience. Bien qu'il soit rare que la CNLC refuse le statut d'observateur à une victime, dans ces cas-là, les victimes ne peuvent pas présenter de déclaration verbale. Elles n'ont pas non plus de recours car, selon le Manuel de politiques de la CNLC (section 9.3, Observateurs aux audiences), on ne peut pas faire appel d'un refus de participation à une audience.
Recommandation 7Que le gouvernement du Canada modifie le paragraphe 140(4) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d'octroyer aux victimes un droit présomptif d'assister à une audience, à moins qu'on ait des raisons de croire que leur présence perturbera l'audience ou mettra en péril la sécurité de l'établissement.
En plus de demander que la Loi octroie aux victimes le droit d'assister aux audiences et d'y présenter une déclaration, nombreux sont ceux qui demandent également qu'on permette aux victimes de choisir de quelle façon elles y participeront.
Par exemple, les vidéoconférences sont relativement nouvelles, mais constituent un outil très efficace pour aider les victimes à participer aux audiences dans des circonstances où elles n'auraient pas pu être là en personne normalement. En offrant l'option de la vidéoconférence, dans la mesure du possible, on aide les victimes qui n'ont pas d'argent pour voyager; qui ne peuvent pas se déplacer parce qu'elles sont malades, ont une mobilité réduite, travaillent ou doivent garder leurs enfants; ou qui craignent d'entrer dans une prison ou de se retrouver à proximité du délinquant. Même avec l'aide financière fournie par le Fonds d'aide aux victimes, celles-ci doivent assumer 30 p. 100 du coût de leur déplacement. Ce n'est pas abordable pour certaines victimes, en particulier celles qui vivent dans une collectivité éloignée, comme le Nord canadien, où les frais de voyage peuvent être nettement plus élevés.
Le recours à une participation à distance, notamment par vidéoconférence, a été évoqué en 2001 lors de la consultation auprès des victimes. Voici ce que cette consultation a révélé :
[…] beaucoup de participants ont dit préférer écouter ou suivre l'audience « en direct » par l'entremise de la technologie moderne : la téléconférence ou la vidéoconférence pour les victimes qui ne peuvent être sur les lieux, la télévision en circuit fermé ou la possibilité d'observer derrière un verre Argus pour les victimes qui peuvent et qui veulent être sur les lieux, mais qui ne veulent pas être dans la même pièce que le délinquant.
La CNLC a déjà tenu plus d'une centaine d'audiences par vidéoconférence, et des victimes d'actes criminels ont participé à quatre de ces audiences. La CNLC a adopté une approche prudente en ce qui concerne les vidéoconférences, car cette technologie demeure relativement nouvelle et n'est pas accessible à tous les établissements. Dans le cadre de cette approche, la CNLC a élaboré une politique sur les vidéoconférences, qui stipule ceci :
La vidéoconférence peut se révéler appropriée dans certaines circonstances, notamment […] lorsqu'il s'agit de permettre la participation […] en cas exceptionnel, […] de victimes qui autrement ne pourraient assister en raison de contrainte excessive, ce qu'on évalue en fonction de chaque cas.
Étant donné tout ce dont il faut tenir compte, il est raisonnable que la CNLC se montre prudente lorsqu'elle met en œuvre de nouvelles procédures. Toutefois, même si cette politique apporte évidemment une amélioration, elle fait de la vidéoconférence une option à n'utiliser que dans des circonstances exceptionnelles, plutôt qu'une solution viable pour les victimes qui n'ont pas la capacité physique ou financière d'être présentes en personne, ou qui préféreraient ne pas se trouver à proximité du délinquant.
Le BOFVAC a appris, par une organisation de défense des droits des victimes, qu'une victime (« S. »), s'était vu refuser le droit d'assister à une audience de la CNLC, qui visait un délinquant ayant tué un membre de sa famille, en raison de menaces qu'elle avait proférées dans sa déclaration et lors d'une conversation avec un employé du SCC. Parallèlement à ce refus, le SCC a décidé de retenir, pour une période de six mois, toute information relative au délinquant, ce qui incluait toutes ses demandes de permission de sortir, de placement à l'extérieur, de semi-liberté et de libération conditionnelle totale. Après avoir recueilli l'information nécessaire, le BOFVAC a proposé qu'on organise une réunion entre toutes les parties afin de clarifier la situation. Divers représentants de la CNLC et du SCC y ont participé, ainsi que l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels et un membre de son personnel. Au terme de cette réunion, la CNLC a modifié sa décision et a informé le Bureau qu'elle acceptait d'autoriser S. à assister à la prochaine audience de libération conditionnelle à titre d'observatrice, par vidéoconférence ou téléconférence, à condition qu'elle y présente une version révisée de sa déclaration. Par la suite, S. et des membres de sa famille ont assisté à l'audience par vidéoconférence. Le SCC n'est pas revenu sur sa décision dans ce dossier.
Tout comme il arrive que les victimes ne puissent pas assister à une audience en personne, certaines victimes ne peuvent pas assister à une audience au moment où elle est prévue, quelle qu'en soit la forme. Pour ces personnes-là, qui aimeraient vraiment entendre les réponses du délinquant quand même, il serait utile d'avoir accès à des enregistrements audio ou vidéo, car elles auraient ainsi un compte rendu complet et cohérent des audiences.
Les victimes et le grand public peuvent consulter les feuilles de décision de la CNLC, mais ces feuilles ne contiennent pas une transcription intégrale de l'audience. Elles offrent plutôt un résumé de la décision de la Commission. Il se peut que les victimes veuillent entendre les réponses textuelles qu'a données le délinquant aux questions portant sur la façon dont il perçoit les répercussions de son crime, sur ses progrès en prison et sur les raisons pour lesquelles il pense être capable de se réinsérer dans la société.
T. souffre aujourd'hui d'une déficience physique grave à la suite d'une violente agression. On l'a avisé qu'une audience de libération conditionnelle aurait lieu dans deux semaines. Il a demandé que cette audience soit reportée, mais sa demande a été rejetée. T. a assisté à l'audience, mais a trouvé cela difficile et épuisant en raison de ses limites sur le plan physique. Sa conjointe a pu mettre à jour quelque peu la déclaration de la victime qu'elle avait elle-même présentée lors de la détermination de la peine, mais elle n'était pas satisfaite de son intervention, et T. n'a pas pu mettre à jour sa propre déclaration. Le délinquant s'est vu accorder la semi-liberté. Selon T., la décision aurait peut-être été différente s'il avait pu présenter une nouvelle déclaration. Une autre audience a eu lieu quelques semaines plus tard et, avec l'aide du BOFVAC, T. y a participé par vidéoconférence. Il a trouvé que c'était une expérience très constructive et qu'à certains égards, elle l'était encore plus que s'il avait été là en personne.
Cette idée n'est pas nouvelle. Le sous-comité de la Chambre des communes a recommandé que les victimes puissent écouter les bandes audio des audiences dans les bureaux du SCC ou de la CNLC. Durant la consultation de 2001 et la table ronde du BOFVAC de 2007, les victimes se sont aussi prononcées en faveur de cette idée. Une modification était incluse dans le projet de loi C-46, déposé à la Chambre des communes par l'ancien gouvernement en 2005, mais mort au Feuilleton en raison de l'élection. Le projet de loi C-43 n'abordait pas cette question, mais le BOFVAC encourage le gouvernement à envisager de l'inclure dans un futur projet de loi modifié.
Recommandation 8Que le gouvernement du Canada modifie l'article 142 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin de permettre aux victimes inscrites d'écouter les enregistrements des audiences ou, dans la mesure du possible, d'assister aux audiences par vidéoconférence ou à l'aide d'autres technologies d'accès à distance en temps réel.
De nombreuses victimes se sont dites préoccupées par le fait que les délinquants peuvent annuler une audience de libération conditionnelle à la dernière minute sans fournir de raison valable. Même si les représentants du SCC et de la CNLC disent que cela n'arrive pas souvent, les victimes précisent que c'est très dérangeant lorsque cela se produit.
En 2005 et en 2006, 25 audiences n'ont pas eu lieu, même si les victimes s'étaient préparées à faire des présentations verbales, parce que le délinquant les a fait reporter. Toutefois, ces chiffres tiennent seulement compte des audiences où la victime était présente et prête à s'exprimer. Ils ne reflètent pas le nombre de cas où la victime était présente, mais avait choisi de ne pas parler, ni les cas où l'audience a été annulée avec un court préavis et où les victimes avaient déjà réorganisé leur emploi du temps.
Dans le rapport de 2001 intitulé Consultation nationale des victimes du crime, on peut lire ceci :
Les délinquants peuvent renoncer à une audience de la Commission nationale des libérations conditionnelles à la dernière minute s'ils le décident. Les victimes (qui ont pris le temps de se rendre à l'endroit où doit se dérouler l'audience et qui peuvent avoir été en proie à diverses émotions en s'y préparant) n'ont pas le droit d'annuler une audience, ni d'exiger qu'elle ait effectivement lieu une fois que la date a été fixée. On a insisté sur le fait que les victimes se sentent de nouveau agressées et contrôlées par le délinquant lorsque celui-ci annule une audience.
Les victimes ont indiqué que, lorsqu'une audience est annulée, cela leur fait beaucoup de mal sur le plan émotionnel. Elles doivent souvent prendre des dispositions longtemps à l'avance en vue d'assister à une audience. Il faut par exemple qu'elles demandent des jours de congé au travail, qu'elles fassent garder leurs enfants et qu'elles préparent leur voyage. Quand une audience est reportée, les victimes ne peuvent pas toujours y assister, sans compter que cela leur aura fait perdre leur temps et une partie de leur salaire. Leur frustration peut être encore plus grande lorsqu'on ne les informe pas des raisons du report, comme le révèle l'étude de cas suivante :
Un groupe de victimes a écrit au BOFVAC en 2007 au sujet de deux anciens policiers et des membres de leur famille ayant assisté à une audience relative à la détention du délinquant qui avait tiré sur les policiers et les avait blessés alors qu'ils étaient en service. Ce délinquant, qui purgeait une longue peine pour tentative de meurtre, s'était vu refuser la libération d'office et avait droit à une audience chaque année. Quelques minutes avant l'audience, le délinquant a décidé de ne pas y participer; cette fois‑là, la CNLC a tenu l'audience quand même. En 2008, les familles étaient de nouveau présentes à l'audience mais, quelques minutes avant celle-ci, le délinquant a décidé de ne pas se présenter. Cela a causé un stress émotionnel très pénible aux victimes et aux membres de leur famille.
Des parents ont assisté à l'audience de libération conditionnelle du meurtrier de leurs deux fils. L'audience a commencé à l'heure, mais le délinquant a dit qu'il n'était pas prêt à y participer, parce qu'une « plainte » n'avait pas été traitée. Malgré la frustration des membres de la Commission, le délinquant s'est vu accorder une nouvelle audience quelques mois plus tard. Les parents étaient très en colère, car ils avaient fait un long voyage pour se rendre à une audience qui devait avoir lieu quelques jours seulement avant Noël. Ils avaient le sentiment que le délinquant avait manipulé le processus. L'audience a été reportée au mois de février, qui était le mois où les meurtres avaient été commis. Le délinquant a annulé une deuxième fois sa participation à l'audience.
Le projet de loi C-43 visait à régler ce problème. S'il avait été adopté, il aurait modifié l'article 123. Ainsi, il aurait fait en sorte qu'un délinquant ne puisse pas retirer une demande de libération conditionnelle totale dans un délai de 14 jours avant le début du processus d'examen, à moins que ce retrait soit nécessaire et qu'il lui ait été impossible de retirer sa demande plus tôt en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Le projet de loi aurait également modifié l'alinéa 142(1)b) afin que les victimes puissent connaître, le cas échéant, la raison invoquée par le délinquant pour annuler sa participation à une audience. Malheureusement, cette modification ne se serait appliquée qu'à la libération conditionnelle totale, et pas à la semi-liberté. Les victimes de délinquants qui font une demande de semi-liberté vivent les mêmes problèmes émotionnels, et méritent le même respect et la même considération.
Recommandation 9Que le gouvernement du Canada adopte un texte de loi prévoyant qu'un délinquant ne puisse pas retirer une demande de libération conditionnelle totale dans un délai de 14 jours avant le début du processus d'examen, à moins que ce retrait soit nécessaire et qu'il lui ait été impossible de retirer sa demande plus tôt en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Que le gouvernement du Canada veille aussi, dans le même texte de loi, à ce que les victimes puissent connaître, le cas échéant, la raison invoquée par le délinquant pour annuler sa participation à une audience.
Les victimes affirment depuis longtemps qu'elles ne peuvent pas jouir de véritables droits en l'absence d'une loi pour les faire appliquer. Elles pensent qu'en raison du manque de recours, leur rôle au sein du système est accessoire et ne semble pas ajouter de valeur au processus. La situation actuelle renforce la conviction des victimes qui veulent vraiment se faire entendre que leur expérience et leurs connaissances relatives à l'incident et au délinquant ont peu d'importance, même si ce sont elles qui ont souffert le plus.
En enchâssant dans la loi le droit des victimes de demander la tenue d'une nouvelle audience si elles n'ont pas été avisées en bonne et due forme, on prendra acte de la volonté exprimée par les victimes de participer activement et de façon éclairée aux audiences de libération conditionnelle. Même si ces erreurs ne sont pas nécessairement courantes, leur effet sur les victimes n'est pas négligeable.
Dans le cas State ex rel. Hance v. Arizona Board of Pardons and Paroles, un meurtrier condamné a bénéficié d'une libération conditionnelle, mais sa victime n'avait pas été avisée de l'audience. Lorsqu'elle a pris connaissance de la décision, elle a demandé que l'ordonnance de mise en liberté soit suspendue et qu'on tienne une audience de réexamen. Le tribunal a exigé la tenue d'une nouvelle audience de libération conditionnelle pour le délinquant, parce que la victime n'avait pas été avisée de l'audience à l'avance Footnote 22.
Recommandation 10 Que le gouvernement du Canada modifie l'article 147 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour autoriser une victime inscrite à demander la tenue d'une nouvelle audience si elle n'a pas été avisée en bonne et due forme.
En tant que victimes inscrites, K. et un membre de sa famille avaient été informés d'une audience au cours de laquelle le délinquant allait demander une permission de sortir sans escorte, et avaient dit qu'ils souhaitaient y assister. Les deux victimes ont communiqué avec le BOFVAC pour se plaindre de ne pas avoir été avisées du fait que le délinquant avait également demandé la semi‑liberté et qu'à la suite d'une erreur humaine, on ne leur avait pas donné la possibilité de présenter à la CNLC une déclaration de la victime à jour. À l'audience, le délinquant s'est vu accorder la semi‑liberté totale, ce qui a eu pour effet d'annuler sa demande de permission de sortir sans escorte. K. et le membre de sa famille ont reçu des excuses, mais aucune autre audience n'a été planifiée, et on ne leur a pas offert la possibilité de présenter leur déclaration.
Bon nombre des victimes qui assistent aux audiences de libération conditionnelle disent qu'il s'agit d'une expérience difficile, mais constructive, quelle que soit la décision finale de la Commission. Dans le cas des délinquants purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité ou une peine d'une durée indéterminée, il peut y avoir de multiples audiences une fois que le délinquant a atteint la date d'admissibilité à la libération conditionnelle. Même si l'on n'a mené aucune étude à ce sujet au Canada, les données informelles recueillies par le BOFVAC auprès de victimes et de défenseurs de leurs droits révèlent que cela est très pénible.
Les victimes ne sont pas tenues d'assister aux audiences de libération conditionnelle. Cependant, nombreuses sont celles qui disent vouloir assister à chaque audience concernant le délinquant dont elles ont été la victime. En particulier, il semble que les membres de la famille d'une victime d'homicide pensent qu'il est de leur devoir d'être présents aux audiences pour représenter l'être cher. Les membres de certaines familles pensent que leur présence est essentielle, afin que leur proche ne soit pas oublié dans le cadre d'un processus largement axé sur le délinquant.
C'est donc un véritable fardeau pour les victimes que, à l'heure actuelle, les délinquants purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité ou une peine d'une durée indéterminée puissent demander la libération conditionnelle tous les deux ans une fois qu'ils ont atteint la date d'admissibilité. Le stress émotionnel attribuable au fait de devoir attendre et vivre en direct les audiences tous les deux ans ne fait qu'amplifier la douleur et la souffrance de la victime.
Une femme dont la soeur avait été assassinée a déclaré ceci : « Les membres de la famille ont déjà été des victimes eux aussi une première fois. Ils ne devraient pas avoir à subir cela tous les deux ans Footnote 23. » Une autre femme a dit : « Proposer aux familles la perspective de voir le délinquant tous les deux ans est tout simplement inconcevable. Deux ans, c'est si vite passé Footnote 24. »
« Les membres de la famille ont déjà été des victimes eux aussi une première fois. Ils ne devraient pas avoir à subir cela tous les deux ans Footnote 23. »
« Proposer aux familles la perspective de voir le délinquant tous les deux ans est tout simplement inconcevable. Deux ans, c'est si vite passé Footnote 24. »
Les victimes et les groupes qui les représentent ont proposé qu'on modifie les dispositions de la LSCMLC relatives aux audiences de libération conditionnelle multiples, afin de porter le délai entre les audiences de deux à cinq ans. On donnerait ainsi un certain répit aux victimes, tout en accordant au délinquant la possibilité de faire une demande de libération conditionnelle à une date ultérieure.
Ce principe a été récemment reconnu par le gouvernement fédéral lorsque le ministre de la Justice a déposé le projet de loi C-36. Ce projet de loi vise à annuler les dispositions du Code criminel relatives à l'examen judiciaire, et à supprimer la possibilité pour les personnes purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité pour meurtre de demander plusieurs audiences d'examen judiciaire. En effet, ces délinquants seraient obligés d'attendre au moins cinq ans avant de pouvoir faire une nouvelle demande après un refus. Le ministre a déclaré ceci : « Nous épargnons aussi aux familles la douleur d'assister à de nombreuses audiences d'admissibilité à la libération conditionnelle et d'avoir à revivre à répétition ces pertes immenses. » Il s'agissait certes d'un pas en avant, mais ce même principe n'a pas été appliqué pour épargner aux victimes et à leur famille la douleur qu'elles éprouvent lorsqu'elles assistent à des audiences de libération conditionnelle. Le BOFVAC encourage le gouvernement à présenter de nouveau un projet de loi semblable et modifié, qui imposerait la même période minimale de cinq ans entre deux audiences de libération conditionnelle pour les délinquants purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité ou une peine d'une durée indéterminée.
« Nous épargnons aussi aux familles la douleur d'assister à de nombreuses audiences d'admissibilité à la libération conditionnelle et d'avoir à revivre à répétition ces pertes immenses. »
Recommandation 11Que le gouvernement du Canada modifie le paragraphe 123(5) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin de porter à cinq ans le délai entre les audiences pour les délinquants purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité ou une peine d'une durée indéterminée, si leur demande de libération conditionnelle est refusée.
Au fil des ans, de nombreuses études ont révélé que le dédommagement constituait un principe important pour certaines victimes. Le ministère de la Justice des États-Unis a constaté que le dédommagement est un des principaux facteurs qui influent sur la satisfaction des victimes à l'égard du processus de justice pénale. Il a aussi remarqué que, même si le dédommagement a toujours été possible en vertu des lois traditionnelles et de la jurisprudence, il demeure un des moyens les plus sous‑utilisés pour offrir aux victimes d'actes criminels une justice mesurable Footnote 25. Les dispositions actuelles du Code criminel sur le dédommagement posent de nombreux problèmes, en particulier en ce qui concerne l'application de ces ordonnances Footnote 26.
Lorsqu'ils sont ordonnés par un tribunal, le dédommagement et les suramendes compensatoires font partie de la peine, et le SCC a pour mandat de veiller à l'exécution des peines imposées par les tribunaux Footnote 27. Même si l'on ne sait pas actuellement combien de délinquants sous responsabilité fédérale sont visés par une ordonnance de dédommagement, le SCC et la CNLC ont pris peu de mesures à ce jour pour faire en sorte que les délinquants respectent ce volet de leur peine. Cette question a été abordée dans le document de travail sur la révision du droit correctionnel de 1987, intitulé « La victime et le système correctionnel » Footnote 28. À ce moment-là, les groupes de victimes pensaient qu'on devrait prélever une partie du salaire des détenus pour financer le dédommagement ordonné par le tribunal.
« La victime et le système correctionnel »
En général, le salaire des détenus est peu élevé, et même ceux qui travaillent dans la collectivité ont des problèmes financiers. Toutefois, il est également vrai que les victimes ont parfois elles aussi des problèmes financiers, souvent attribuables à l'infraction qui a été commise envers elles.
Des études du ministère de la Justice ont révélé qu'en 2003, la criminalité au Canada a coûté environ 70 milliards de dollars. De cette somme, la majeure partie — 47 milliards de dollars, soit 67 p. 100 — a été assumée par les victimes Footnote 29. Selon une étude menée au Canada en 2004, on estime que le coût de la douleur et de la souffrance subies par les victimes d'actes criminels avoisinait les 36 milliards de dollars Footnote 30. Bien que la plupart des provinces et territoires canadiens offrent des programmes de dédommagement aux victimes, bon nombre de ces victimes (par exemple celles qui ont été victimes d'un crime lié aux biens ou d'une infraction liée à la conduite avec facultés affaiblies) n'y sont pas admissibles. Cela inclut les victimes de crimes financiers, même si l'on reconnaît de plus en plus l'effet dévastateur qu'ont ces crimes sur les victimes tant sur le plan financier qu'émotionnel. Parce qu'ils relèvent de la responsabilité des provinces, on observe un écart important entre les programmes de dédommagement (en Nouvelle‑Écosse, par exemple, l'aide maximale est de 2 000 $, et vise uniquement le counseling). En outre, bon nombre de victimes admissibles ne demandent pas de dédommagement, souvent parce qu'elles ne savent pas qu'elles y ont droit.
Le dédommagement n'a pas pour but de punir les détenus en prenant leur argent. Il vise plutôt à provoquer un sentiment de responsabilité et d'obligation de rendre des comptes. C'est ce que reflète l'article 718 du Code criminel, qui dresse la liste des objectifs fondamentaux du prononcé des peines. Il s'agit notamment « d'assurer la réparation des torts causés aux victimes » et de « susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes ».
« d'assurer la réparation des torts causés aux victimes »
« susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes »
En 1999, la directrice du Centre de la politique concernant les victimes, Mme Catherine Kane, a dit au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, qui étudiait le projet de loi C-79, qu'il était possible de saisir le salaire des détenus Footnote 31.
Le projet de loi C-43 visait à régler cette question en proposant la modification de l'article 15 (plan correctionnel) pour y inclure un nouveau paragraphe insistant sur le fait que le délinquant doit absolument respecter les obligations imposées par l'ordonnance du tribunal, y compris le dédommagement aux victimes et la pension alimentaire pour enfants.
Même s'il s'agissait d'une modification constructive, il faudrait apporter d'autres modifications à la LSCMLC afin de garantir que la CNLC fera du dédommagement et des suramendes compensatoires des conditions de la libération conditionnelle. Par ailleurs, le BOFVAC croit que, lorsqu'un délinquant ne fait pas d'efforts raisonnables pour respecter les obligations imposées par l'ordonnance du tribunal à propos du dédommagement ou des suramendes compensatoires, on devrait retenir l'argent sur le salaire que lui verse la prison.
Recommandation 12Que le gouvernement du Canada modifie le paragraphe 133(3) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d'y ajouter des conditions garantissant que les délinquants respecteront les peines prononcées par le tribunal, notamment par le dédommagement et le paiement de suramendes compensatoires.
Recommandation 13Que le gouvernement du Canada modifie le paragraphe 78(2) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d'autoriser le Service correctionnel du Canada à retenir des montants raisonnables sur le revenu d'un détenu afin de couvrir les montants en souffrance correspondant au dédommagement ou aux suramendes compensatoires.
Le BOFVAC croit fermement que l'adoption d'une loi semblable au projet de loi C-43 déposé en juin 2009, qui inclurait les recommandations proposées dans le présent rapport, répondrait aux besoins et servirait les intérêts des victimes d'actes criminels de façon très efficace.
Depuis que la LSCMLC a été promulguée en 1992, des progrès considérables ont été réalisés. C'est tout particulièrement le cas du SCC et de la CNLC, qui ont établi avec les victimes des liens fondés sur le respect et qui ont élaboré une politique cohérente et des mesures administratives adaptées à leurs besoins. Cependant, malgré les améliorations apportées aux politiques et aux procédures, les victimes ont encore le sentiment qu'il faut améliorer la législation afin de les placer au cœur du système de justice pénale. Plus précisément, elles pensent qu'il faut renforcer la LSCMLC afin que les intérêts des victimes se traduisent par des droits enchâssés dans la loi et que, s'il y a lieu, des mécanismes soient prévus pour faire respecter ces droits.
L'information recueillie auprès de diverses sources — rapports de comités parlementaires et d'autres comités d'examen, consultation directe des groupes de victimes et discussions avec les victimes elles‑mêmes — met en lumière plusieurs points faibles et limites de la LSCMLC. Ces limites renforcent la perception, sinon la réalité, selon laquelle les droits et les intérêts des délinquants priment sur ceux des victimes au sein du système de justice pénale.
Les recommandations énoncées dans le présent rapport soulignent ces limites et proposent des solutions pratiques et réalistes.
Le BOFVAC attend avec impatience la réponse du ministre de la Sécurité publique et l'adoption de mesures rapides et décisives par le gouvernement du Canada.
Recommandation 1. Que le gouvernement du Canada modifie les articles 4 et 101 (principes) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour tenir compte de la Déclaration canadienne des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité ainsi que des intérêts des victimes dans le système correctionnel et de mise en liberté sous condition. Ces principes doivent reconnaître le droit des victimes à participer aux procédures du système correctionnel et de mise en liberté sous condition.
Recommandation 2. Que le gouvernement du Canada modifie l'alinéa 23e) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d'inclure les coordonnées des victimes.
Recommandation 3. Que le gouvernement du Canada adopte un texte de loi qui prévoit la communication automatique aux victimes des renseignements considérés comme discrétionnaires aux termes de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, sauf dans les cas où cela risque de menacer la sécurité d'un établissement, d'un délinquant ou d'une autre personne.
Recommandation 4. Que le gouvernement du Canada adopte un texte de loi précisant que les victimes doivent être informées des progrès accomplis par le délinquant et que cette information doit être communiquée au moins annuellement pendant toute la durée de la peine du délinquant.
Recommandation 5. Que le gouvernement du Canada modifie les paragraphes 26(1) et 142(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour autoriser le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles à montrer une photographie du délinquant à une victime inscrite.
Recommandation 6. Que le gouvernement du Canada modifie les articles 26 et 142 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour faire en sorte qu'on communique l'information aux victimes et que, dans la mesure du possible, on les avise à l'avance de tous les transfèrements.
Recommandation 7. Que le gouvernement du Canada modifie le paragraphe 140(4) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d'octroyer aux victimes un droit présomptif d'assister à une audience, à moins qu'on ait des raisons de croire que leur présence perturbera l'audience ou mettra en péril la sécurité de l'établissement.
Recommandation 8. Que le gouvernement du Canada modifie l'article 142 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin de permettre aux victimes inscrites d'écouter les enregistrements des audiences ou, dans la mesure du possible, d'assister aux audiences par vidéoconférence ou à l'aide d'autres technologies d'accès à distance en temps réel.
Recommandation 9. Que le gouvernement du Canada adopte un texte de loi prévoyant qu'un délinquant ne puisse pas retirer une demande de libération conditionnelle totale dans un délai de 14 jours avant le début du processus d'examen, à moins que ce retrait soit nécessaire et qu'il lui ait été impossible de retirer sa demande plus tôt en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Que le gouvernement du Canada veille aussi, dans le même texte de loi, à ce que les victimes puissent connaître, le cas échéant, la raison invoquée par le délinquant pour annuler sa participation à une audience.
Recommandation 10. Que le gouvernement du Canada modifie l'article 147 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour autoriser une victime inscrite à demander la tenue d'une nouvelle audience si elle n'a pas été avisée en bonne et due forme.
Recommandation 11. Que le gouvernement du Canada modifie le paragraphe 123(5) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin de porter à cinq ans le délai entre les audiences pour les délinquants purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité ou une peine d'une durée indéterminée, si leur demande de libération conditionnelle est refusée.
Recommandation 12. Que le gouvernement du Canada modifie le paragraphe 133(3) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d'y ajouter des conditions garantissant que les délinquants respecteront les peines prononcées par le tribunal, notamment par le dédommagement et le paiement de suramendes compensatoires.
Recommandation 13. Que le gouvernement du Canada modifie le paragraphe 78(2) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d'autoriser le Service correctionnel du Canada à retenir des montants raisonnables sur le revenu d'un détenu afin de couvrir les montants en souffra nce correspondant au dédommagement ou aux suramendes compensatoires.
En l'honneur de la Déclaration des Nations Unies des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir, et conscients des répercussions préjudiciables de la criminalité à l'égard des victimes d'actes criminels et de la société, et du fait que tous doivent bénéficier de l'entière protection de leurs droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés et les autres chartes provinciales régissant les droits et libertés des personnes; qu'il est nécessaire de trouver un équilibre entre les droits des victimes et les droits des délinquants; et que la compétence en matière de droit pénal est partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables de la Justice pénale ont convenu que les principes énoncés ci-après doivent guider le traitement des victimes, plus particulièrement dans le cadre du processus de justice pénale.
Les principes énoncés ci-après visent à promouvoir le traitement juste et équitable des victimes et doivent se refléter dans les lois, les politiques et les procédures adoptées par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux :