Interventions pour toutes les victimes
Dans le cadre de notre mandat :
- Nous entreprenons d’importantes initiatives de consultation afin d’obtenir l’opinion des victimes et des organismes de services aux victimes pour éclairer nos recommandations stratégiques.
- Nous conseillons directement le gouvernement en comparaissant devant les comités parlementaires.
- Nous cernons et examinons les questions nouvelles et systémiques. (Nous définissons une question systémique comme « un problème qui a actuellement une incidence négative sur les victimes d’actes criminels et qui, s’il n’est pas cerné et correctement résolu, est susceptible de continuer à avoir une incidence négative sur les victimes ».)
Priorité spéciale : Dialogue national sur le système de justice pénale du CanadA
Un rôle clé de l’ombudsman consiste à conseiller le ministre de la Justice sur les questions liées aux besoins et aux droits des victimes. En 2017-2018, l’examen du système de justice pénale du gouvernement, dirigé par la ministre de la Justice, a fourni une excellente occasion à l’ombudsman de consulter les victimes pour que le BOFVAC puisse faire valoir leurs préoccupations et leurs besoins lorsque le gouvernement fédéral élabore des lois.
En juillet 2017, le gouvernement fédéral a publié les détails des principes directeurs de la transformation du système de justice pénale dans le cadre de l’examen de celui-ci. Ces principes comprennent ce qui suit :
- Sécurité des Canadiens – Assurer la sécurité des Canadiens et obliger les délinquants à rendre compte de leur conduite.
- Compassion pour les victimes – Bâtir un système axé sur la compassion et le respect, qui permet une participation étroite des victimes et répond à leurs besoins.
- Besoins des populations vulnérables – Répondre aux besoins des populations vulnérables, y compris les Autochtones et les personnes souffrant de maladies mentales et de dépendances, et combler les lacunes des services offerts aux groupes vulnérables, tant pour les victimes que pour les délinquants.
- Approche intégrée – Élaborer une approche qui intègre d’autres systèmes de soutien social et économique rattachés au système de justice pénale (par exemple, le logement, l’éducation et les soins de santé) et procéder à un examen plus global des problèmes humains.
Afin d’assurer que la voix des victimes soit entendue, nous nous sommes entretenus à l’été 2017 avec des victimes, des défenseurs des droits des victimes, des fournisseurs de services aux victimes et des théoriciens de premier plan. Cette consultation a permis à des personnes ayant vécu des expériences de victimisation et à des spécialistes des questions relatives aux victimes de dialoguer sur des thèmes précis liés à l’examen de la ministre de la Justice.
Nous avons organisé des groupes de discussion dans six collectivités du Canada. Ces conversations en personne ont duré de 2,5 à 3 heures chacune, et ont eu lieu à Vancouver, Yellowknife, Winnipeg, Ottawa, Montréal et Halifax. Un consultant externe a animé les conversations et l’ombudsman (précédente) les a présidées. De plus, nous avons donné la possibilité aux Canadiens de faire connaître leurs points de vue et leurs idées en ligne, par courriel ou par téléphone jusqu’au 1er septembre 2017.
Pour appuyer le processus de consultation, nous avons remis à l’avance des documents de travail aux participants des groupes de discussion. Ces documents fournissaient un contexte, des faits pertinents et des renseignements généraux sur les questions à l’étude. Nous avons également diffusé les documents au public en les affichant sur notre site Web. Nous avons invité les Canadiens à soumettre leurs commentaires.
Au cours du processus de consultation, nous avons demandé aux participants d’émettre des commentaires sur l’un ou l’autre ou sur l’ensemble des quatre thèmes suivants :
- la réforme du cautionnement;
- les infractions contre l’administration de la justice;
- la justice réparatrice;
- la Charte canadienne des droits des victimes.
Tout au long du processus de consultation, certains grands messages se sont dégagés. En général, l’ombudsman a constaté ce qui suit :
- La confiance envers le système de justice pénale est faible.
- Les victimes et les survivants veulent que le système soit transformé de manière à le rendre plus humain.
- Les victimes veulent un système qui répond aux besoins des groupes vulnérables.
- Les victimes veulent un système qui offre plus de choix et qui est adapté à la réalité de problèmes complexes, comme la violence familiale.
« Merci, madame O’Sullivan, pour le travail que vous et le Bureau accomplissez dans le cadre de ce projet spécial. Plus particulièrement, je vous suis reconnaissant ainsi qu’aux membres de votre personnel d’avoir pris mes préoccupations au sérieux et fait preuve de beaucoup de respect à mon égard. Je peux honnêtement affirmer que je suis soulagé d’avoir pu contribuer un peu à aider un jour d’autres personnes se trouvant dans une situation semblable à la mienne. Merci du fond du cœur pour ce que vous avez fait pour moi. »
— Un client du BOFVAC
Le 7 novembre 2017, l’ombudsman (précédente) a publié cinq rapports décrivant les points de vue des victimes et des survivants sur la justice réparatrice, la réforme du cautionnement, les infractions contre l’administration de la justice, le système de justice pénale et la Charte canadienne des droits des victimes. Les rapports contiennent plus de 80 options stratégiques à l’intention du gouvernement fédéral, afin qu’il en tienne compte dans la mise en œuvre de l’examen et de la transformation du système de justice pénale.
Les rapports donnent un aperçu de ce que nous avons entendu au cours du processus ainsi que des options et recommandations ayant ensuite été présentées. Ces rapports, qui s’inspirent également des travaux et des recherches en cours sur les pratiques exemplaires à l’échelle internationale, recommandent des façons d’améliorer le système de justice pour les victimes et les survivants.
Les rapports se trouvent à l’adresse suivante : https://victimesdabord.gc.ca/res/pub/ore-gfo/index.html
En janvier 2016, le Sénat du Canada a autorisé le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à étudier les retards dans le système de justice pénale. Comme nous l’avons indiqué dans notre rapport annuel 2015-2016, l’ombudsman (précédente) a témoigné devant le Comité afin de :
- recommander qu’on fasse davantage pour améliorer l’accès des victimes à la justice en réduisant les retards;
- proposer des options pour accroître l’efficacité en facilitant l’accès des victimes à des services de soutien susceptibles de les aider à s’y retrouver dans le système de justice pénale, et en utilisant davantage la technologie.
« Les arrêts des procédures constituent un sujet de vive préoccupation pour les Canadiens; ils peuvent avoir des conséquences lourdes sur les victimes et miner la confiance des citoyens à l’égard du système de justice pénale. Lorsqu’un arrêt des procédures est ordonné dans des causes de meurtre ou de mauvais traitements infligés à des enfants, cet arrêt des procédures heurte la conscience des Canadiens; il symbolise le renoncement de la justice à réprimer le crime et, par conséquent, à protéger la société. La réputation de notre système de justice est en jeu. » — Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, juin 2017 (rapport final)
En juin 2017, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a publié un rapport final sur son étude des retards, intitulé Justice différée, justice refusée : L’urgence de réduire les longs délais dans le système judiciaire au Canada. Le rapport préconise la prise de mesures décisives et immédiates pour s’attaquer à la cause des retards et moderniser le système de justice du Canada. Il formule 50 recommandations pour accroître l’intégrité et l’équité de notre système de justice. Faisant référence au témoignage de l’ombudsman (précédente), ainsi qu’à celui d’autres experts des victimes, certaines des recommandations visent l’amélioration des services aux victimes. En voici quelques exemples.
Recommandation 11
Le Comité recommande que la ministre de la Justice, en collaboration avec les provinces et les territoires, élabore une stratégie visant à garantir aux victimes de tout le pays un niveau de services constant et adéquat, notamment en :
- accroissant la disponibilité des centres d’appui et des services intégrés aux victimes;
- établissant des systèmes informatisés de notification à l’intention des victimes pour leur permettre de se renseigner sur le déroulement des procédures pénales et sur les services offerts.
Recommandation 12
Le Comité recommande que la ministre de la Justice invite les provinces et territoires à présenter des demandes de financement en vue de développer les services intégrés et les centres d’appui aux victimes partout au Canada.
Recommandation 21
Le Comité recommande que la ministre de la Justice joue un rôle de leader et mette sur pied un programme visant à encadrer la conception de systèmes informatisés qui pourront être adoptés par les provinces et les territoires et qui :
- permettront de gérer efficacement les procédures judiciaires et administratives dans les tribunaux;
- feront en sorte qu’un plus grand nombre de procédures pourront être informatisées de façon à réduire les comparutions inutiles;
- rendront possible la divulgation de la preuve par voie électronique;
- comporteront un portail convivial où les accusés non représentés, les témoins, les victimes et les autres parties intéressées pourront se renseigner sur le déroulement des procédures.
Les longs délais judiciaires ont d’importantes répercussions sur les victimes d’actes criminels. Nous avons entendu les victimes s’exprimer sur les conséquences des délais du système de justice pénale sur leur vie. Parmi ces conséquences figurent les suivantes :
- un fardeau émotif et psychologique causé par un procès criminel non résolu et toujours en cours;
- une anxiété face à leur rôle dans le procès, y compris la nécessité de comparaître en tant que témoin;
- un fardeau financier attribuable à la perte de salaire, aux services de garde pour un enfant ou un aîné et aux frais de déplacement.
De nombreuses victimes ont également affirmé se sentir victimisées de nouveau en raison des délais des procédures pénales. Elles ont indiqué se sentir dévalorisées et avoir l’impression que leur vie est mise en suspens jusqu’à ce que leur cas soit réglé. Les répercussions sont susceptibles de s’aggraver plus le procès traîne en longueur.
En 2017-2018, nous avons vu la question des délais s’amplifier pour les victimes par suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Jordan (2016 CSC 27). À cause de cette décision, de nombreuses accusations ont été suspendues en raison de retards et les accusés ont été libérés sans procès. Dans certaines situations, l’accès à la justice pour les victimes peut être entièrement compromis lorsque les accusations sont suspendues à cause d’un délai déraisonnable. Lorsque la justice est refusée en raison de retards, les victimes — et tous les Canadiens qui suivent la situation — perdent confiance dans le système de justice pénale.
L’ombudsman (précédente) s’est entretenue à plusieurs reprises avec les médias en 2018 afin d’aborder ce problème systémique. Nous sommes impatients de voir progresser la question des délais, et nous ferons état des faits nouveaux dans les prochains rapports annuels.
Examen systémique : Soutien du revenu fédéral pour les parents d’enfants assassinés ou disparus
Dans notre rapport annuel de 2016-2017, nous avons indiqué avoir lancé un examen systémique du programme de subvention du Soutien du revenu fédéral pour les parents d’enfants assassinés ou disparus (PEAD) et avoir communiqué une ébauche du rapport de cet examen à Emploi et Développement social Canada (EDSC). EDSC est le ministère fédéral chargé de l’ensemble du programme de subvention pour les PEAD. Dans le rapport annuel de 2016-2017, nous avons mentionné que le rapport de l’examen final serait soumis au ministre chargé d’EDSC en 2017-2018 et que nous ferions le point sur cette question dans le présent rapport annuel.
En avril 2017, les responsables du programme d’EDSC ont donné leur réponse à l’examen et, le 8 juin 2017, l’ombudsman (précédente) a envoyé une version finale du rapport de l’examen au ministre Duclos. Conformément à notre processus établi, nous avons dû attendre 60 jours civils à compter de la date de livraison au ministre Duclos avant de publier le rapport sur notre site Web. Nous avons rendu public le rapport le 16 août 2017.
Contexte
Notre objectif consistait à cerner les facteurs qui pourraient empêcher les victimes d’obtenir la subvention pour les PEAD, et à recommander des moyens au gouvernement fédéral pour contrer ces facteurs et améliorer l’accès des victimes à la subvention.
Le 1er janvier 2013, le gouvernement du Canada a mis en place la subvention pour les PEAD. Au même moment, grâce à la Loi visant à aider les familles dans le besoin, le Code canadien du travail a été modifié pour permettre aux parents de prendre un congé non payé et pour protéger leur emploi dans les cas où leur enfant décède ou disparaît à la suite d’une infraction probable au Code criminel. Les parents qui travaillent dans une entreprise sous réglementation fédérale peuvent donc s’absenter de leur travail, tout en sachant que leur emploi est protégé.
La subvention pour les PEAD vise à soutenir le revenu des parents et des tuteurs qui doivent s’absenter du travail en raison du décès ou de la disparition de leur enfant à la suite d’une infraction probable au Code criminel. Le programme de subvention pour les PEAD a été conçu pour fournir jusqu’à 10 millions de dollars à 1 000 familles tous les ans.
L’ombudsman (précédente) s’est intéressée très tôt à cette subvention. Au cours de l’élaboration du programme de subvention en 2012, elle a témoigné devant deux comités parlementaires pour appuyer la subvention proposée. Toutefois, elle a aussi exprimé certaines préoccupations quant au fait que la subvention ne s’appliquait pas à la situation de nombreuses victimes d’actes criminels et qu’elle pourrait être plus inclusive en ce qui concerne son admissibilité et sa portée.
Après le lancement de la subvention, nous avons entendu les commentaires de victimes ayant éprouvé des difficultés à l’obtenir. En janvier 2014, nous avons rencontré des représentants d’EDSC et de Service Canada pour discuter de la subvention et nous avons appris que la participation au programme était beaucoup plus faible que prévu.
En avril 2014, les médias ont commencé à publier des articles indiquant que le programme était sous-utilisé et n’avait reçu que 12 demandes depuis sa création.
Étant donné que l’utilisation continuait d’être faible au cours des deux années suivantes, l’ombudsman (précédente) a écrit au ministre chargé d’EDSC le 5 avril 2016 pour l’informer de son intention de procéder à un examen systémique du programme de subvention.
Méthodologie de l’examen systémique
- Examen et analyse des cas. Nous avons examiné des anciens cas soumis par des victimes et avons établi des plaintes communes concernant la subvention pour les PEAD. Cette analyse a permis de déterminer la portée de l’examen.
- Examen des données disponibles, des médias, des points de vue des intervenants et de la recherche. Nous avons recueilli des données de sources publiques (par exemple, les comptes publics relatifs à la subvention et les statistiques nationales sur les enfants disparus et assassinés), ainsi que les points de vue sur la subvention d’autres organismes de services aux victimes.
- Liaison avec les fonctionnaires concernés. De janvier 2014 à août 2016, nous avons participé à une série de communications, de rencontres et d’échanges de renseignements avec les fonctionnaires du programme d’EDSC et de Service Canada.
Principales constatations
Voici les constatations générales de l’examen systémique :
- le processus associé à la subvention pour les PEAD est difficile à comprendre et à compléter pour les victimes;
- les conditions d’admissibilité ne correspondent pas à la situation de nombreuses victimes;
- la souplesse et la portée de la subvention sont trop limitées.
L’ombudsman (précédente) a formulé 15 recommandations visant à renforcer le programme de subvention pour les PEAD. Certains thèmes communs sont ressortis de ces recommandations :
Améliorer le processus de demande et l’aide aux victimes
- Clarifier les renseignements offerts en ligne pour qu’ils soient plus faciles à comprendre.
- Simplifier le processus de demande de subvention et veiller à ce que tout le personnel soit formé pour assurer une approche de prestation de services axée sur la victime.
Accroître la souplesse du programme et élargir les conditions d’admissibilité
- Permettre aux demandeurs d’obtenir les paiements au moment où ils en ont besoin et pas seulement à l’intérieur de la période de 52 semaines qui suit immédiatement le crime.
- Augmenter la limite d’âge à 18 ans pour les jeunes victimes.
- Rendre d’autres membres survivants de la famille admissibles à la subvention.
Examiner les obstacles possibles à la participation et les moyens éventuels de mieux soutenir les victimes
- Chercher à savoir si certaines populations font face à des obstacles qui les empêchent d’obtenir la subvention.
- Envisager de créer une catégorie d’assurance-emploi pour soutenir les victimes d’actes criminels.
Le rapport de l’examen se trouve à l’adresse suivante : https://victimesdabord.gc.ca/res/pub/srfp-fisp/index.html
Situation actuelle
Le 4 août 2017, le ministre Duclos a écrit à l’ombudsman (précédente) afin de la remercier de ses recommandations et s’engager à examiner le programme de subvention pour les PEAD. Comme le ministre l’a affirmé dans sa lettre : « Je m’engage à examiner le programme de subvention pour les PEAD et vos recommandations nous aideront à aller de l’avant en ce qui a trait à cet objectif. » Bien que le ministre n’ait pas répondu aux 15 recommandations point par point, il a indiqué les mesures que le Ministère prenait déjà ou allait prendre sous peu relativement à trois domaines :
Assurer une prestation de services axée sur le citoyen
- Examiner les documents liés aux demandes, y compris les renseignements à communiquer, les formulaires et les définitions, qui sont fournis aux demandeurs potentiels.
- Examiner tous les renseignements en ligne destinés aux demandeurs et aux organismes de services aux victimes; et rendre l’information sur l’admissibilité plus claire en fournissant des scénarios ou des exemples sur la façon dont la subvention peut s’appliquer dans certains cas.
Accroître l’accès à la subvention pour les PEAD
- Examiner les exigences relatives aux demandes.
- Examiner les outils de communication.
- Élargir les activités de sensibilisation aux collectivités sous-représentées.
- Poursuivre les activités de sensibilisation et de consultation des intervenants auprès des organismes de soutien aux victimes et des organismes d’application de la loi.
- Examiner les critères d’admissibilité pour évaluer la possibilité de les rendre plus souples, par exemple en cernant les obstacles imprévus auxquels les demandeurs pourraient être confrontés et en proposant des mesures d’atténuation.
Promouvoir la sensibilisation à la subvention pour les PEAD
- Continuer de participer à des activités et à des conférences axées sur la victime afin de mieux faire connaître la subvention pour les PEAD.
- Poursuivre la sensibilisation auprès des intervenants et du public au moyen de stratégies de rayonnement et de communication, y compris les médias sociaux.
- Accroître la sensibilisation auprès des groupes cibles, comme les organisations autochtones et les groupes de défense des droits des personnes handicapées.
Bon nombre des mesures susmentionnées sont conformes aux recommandations que nous avons formulées dans le cadre de notre examen. Nous surveillerons les progrès réalisés à l’égard de ces mesures et en rendrons compte dans le rapport annuel de l’an prochain.
Mémoire au gouvernement : Étude du projet de loi C-337, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel (agression sexuelle)
Contexte
Les expériences négatives avec les professionnels du système de justice peuvent ajouter au traumatisme des victimes et des survivants d’actes criminels comme l’agression sexuelle, et en dissuader d’autres de signaler ces crimes. L’une des principales solutions consiste à prendre des mesures touchant un éventail de fournisseurs de services et de professionnels du système de justice pénale. Il s’agit de mesures ayant pour but de soutenir davantage les pratiques, la formation et les ressources axées sur la victime, qui tiennent compte des traumatismes et sont adaptées à la culture.
Le projet de loi d’initiative parlementaire C-337, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel (agression sexuelle), a été déposé le 23 février 2017 par Rona Ambrose, alors députée. Au moment de sa présentation, le projet de loi visait à améliorer l’expérience des victimes d’agression sexuelle au sein du système de justice pénale et à rétablir leur confiance à l’égard du système en :
- modifiant la Loi sur les juges « afin que seules soient admissibles à la magistrature les personnes qui ont suivi un cours de perfectionnement complet en matière d’agressions sexuelles »;
- exigeant du Conseil canadien de la magistrature « qu’il produise un rapport sur les colloques de perfectionnement juridique portant sur les questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles »;
- modifiant le Code criminel « afin d’obliger un tribunal à fournir des motifs écrits à l’appui de toute décision relative à une affaire d’agression sexuelle ».
Notre examen
Le 9 mars 2017, le projet de loi C-337 a été soumis au Comité permanent de la condition féminine. Ce comité terminait en même temps une étude sur la violence faite aux jeunes femmes et aux filles au Canada et, le 20 mars 2017, il publiait le rapport de cette étude qui recommandait que tous les juges et les membres de la Gendarmerie royale du Canada reçoivent une formation obligatoire traitant de la violence fondée sur le sexe et des agressions sexuelles.
Le 7 avril 2017, le Comité permanent de la condition féminine a invité le public à soumettre des mémoires dans le cadre de son étude du projet de loi C-337. À la suite de notre examen de la question, l’ombudsman (précédente) a présenté un mémoire au Comité le 19 avril 2017.
Étant donné que le projet de loi C-337 proposait des améliorations au système de justice pénale qui seraient avantageuses pour les victimes, l’ombudsman (précédente) a appuyé cette initiative. Toutefois, elle a relevé des domaines où le projet de loi devait être renforcé et a formulé des recommandations portant sur l’élaboration de la formation et le contenu des documents de formation.
Élaboration de la formation
L’ombudsman (précédente) a recommandé que le plan de formation soit élaboré par des experts, en collaboration avec des victimes, et que des défenseurs des droits des victimes, des avocats et des agents chargés de l’application de la loi soient consultés. Elle a souligné que la formation devait être adaptée et pertinente sur le plan culturel, et tenir compte des besoins des populations vulnérables et marginalisées.
Contenu de la formation
L’ombudsman (précédente) a recommandé que le contenu de la formation traite des éléments suivants :
- la violence fondée sur le sexe;
- l’interrelation entre l’agression sexuelle et d’autres problèmes, comme la violence familiale;
- la neurobiologie des traumatismes;
- les nouvelles formes de violence sexuelle, comme la cyberviolence.
L’ombudsman (précédente) a également soumis les points suivants à l’examen du Comité :
- l’utilité d’examiner les meilleures pratiques existantes lors de l’élaboration de la légis-lation et de la formation subséquente;
- le besoin de former les juges sur les besoins et l’expérience des victimes dans le système de justice pénale, et sur la Charte canadienne des droits des victimes de façon plus générale;
- la nécessité d’assurer la sensibilisation de toutes les personnes qui travaillent au sein du système de justice pénale;
- les avantages potentiels d’exiger des décisions écrites dans les cas d’agression sexuelle, dans la mesure où cela ne contribue pas à retarder davantage le processus judiciaire et où l’on envisage de les fournir sans frais aux victimes.
Le mémoire complet se trouve à l’adresse suivante : https://www.victimesdabord.gc.ca/vv/rjas-jasa/index.html
Point sur la situation
Le Comité permanent de la condition féminine a reçu dix mémoires écrits, y compris celui de l’ombudsman, et a entendu des témoins, notamment des experts du domaine et des survivants. Il a fait rapport du projet de loi à la Chambre des com-munes le 12 mai 2017 avec des amendements. Dans sa version modifiée, le projet de loi visait à :
- limiter l’admissibilité à la magistrature aux personnes qui ont suivi un cours de perfectionnement complet en matière de droit et de contexte social relatifs aux agressions sexuelles;
- exiger que cette formation en droit relatif aux agressions sexuelles soit élaborée en consultation avec des survivants d’agression sexuelle et des groupes et organismes qui les appuient;
- exiger du Conseil canadien de la magistrature qu’il produise un rapport sur les colloques de perfectionnement liés au droit relatif aux agressions sexuelles;
- exiger que, dans les procédures devant un juge sans jury, les motifs fournis par un juge à l’appui de toute décision relative à une agression sexuelle fassent partie du procès-verbal des procédures ou soient donnés par écrit.
Par la suite, la Chambre des communes a approuvé le projet de loi et l’a soumis au Sénat le 15 mai 2017, où il a été adopté en première lecture le 16 mai 2017.
Le 22 juin 2017, la présidente du Comité permanent de la condition féminine a écrit à la ministre de la Justice et procureur général du Canada. La lettre indiquait que les témoignages présentés au Comité au cours de son étude soulignaient l’importance de la formation pour toutes les personnes qui jouent un rôle dans l’administration de la justice pénale et qui sont partie prenante dans des affaires d’agression sexuelle. Ces personnes comprennent les juges des cours supérieures et provinciales, les procureurs de la Couronne, les avocats de la défense et les corps policiers. La lettre encourageait la ministre à faire valoir à ses homologues provinciaux et territoriaux la nécessité de rendre plus facilement accessible la formation en matière de droit et de contexte social relatifs aux agressions sexuelles.
De plus, selon la lettre, le Comité souhaitait que la ministre encourage fortement les gouvernements provinciaux et territoriaux à rendre accessibles en ligne, dans une base de données consultable, les transcriptions des causes d’agression sexuelle pour tous les tribunaux relevant de
leur compétence.
Le BOFVAC est heureux de constater que plusieurs des amendements du Comité permanent de la condition féminine reflètent nos recommandations.
Progrès connexes
- Dans le budget de 2017, on a annoncé un financement accru de 2,7 millions de dollars sur cinq ans et de 500 000 $ annuellement par la suite pour le Conseil canadien de la magistrature. Cela comprend des fonds pour la formation, l’éthique et la conduite des juges.
- En 2017, le ministère de la Justice Canada a versé un financement supplémentaire de presque 100 000 $ à l’Institut national de la magistrature pour mettre au point une formation à l’intention de tous les juges au sujet de la violence fondée sur le sexe, y compris les agressions sexuelles et la violence familiale.
Contribution à l’examen de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition par le Bureau national pour les victimes d’actes criminels
En juin 2017, le Bureau national pour les victimes d’actes criminels (Sécurité publique Canada) a communiqué avec le BOFVAC pour obtenir ses commentaires à l’égard de son examen de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC). Nous nous étions penchés sur la LSCMLC dans le passé, notamment dans notre rapport de 2010 intitulé Pour un plus grand respect des victimes dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Ce rapport contient 13 recommandations pour combler les lacunes de la LSCMLC en ce qui concerne les victimes et les survivants d’actes criminels. Par la suite, nous avons examiné plus globalement les droits et les préoccupations des victimes. Cela comprend le travail effectué en vue de la préparation, et de la réponse éventuelle, à l’élaboration de la Charte canadienne des droits des victimes, qui est entrée en vigueur en 2015.
Pour ce qui est de l’examen du Bureau national pour les victimes d’actes criminels, dans un souci d’efficacité, nous avons fourni une rétroaction informelle. De manière générale, nous avons dit que la législation fédérale du Canada relative aux victimes d’actes criminels devait être plus solide et inclusive.
Commentaires généraux à l’intention du Bureau national pour les victimes d’actes criminels
- Les politiques doivent être rendues publiques pour les victimes dans un langage clair. Du soutien doit être offert aux victimes susceptibles d’avoir des questions ou des préoccupations.
- Lorsque des changements sont apportés aux politiques ou aux procédures, il faut tenir compte des victimes et les consulter. Les changements doivent prendre en considération les besoins des victimes et l’incidence que ces changements peuvent avoir sur leur expérience et leur capacité à participer utilement. À cet égard, une analyse comparative entre les sexes qui considère la langue, le handicap et la culture s’impose.
- Les victimes doivent être informées de tous les changements de manière proactive et bien à l’avance.
- Les politiques et les procédures doivent être appliquées de manière uniforme à l’échelle du gouvernement fédéral et partout au pays. Les écarts dans les pratiques régionales au sein des organismes et des ministères, et entre ceux-ci, suscitent de la confusion et de la frustration chez les victimes.
Nous avons soumis des questions et des com-mentaires supplémentaires sur des domaines précis, soit l’évaluation initiale des délinquants et l’établissement de leur plan correctionnel; le placement pénitentiaire des délinquants et les programmes pénitentiaires; et la mise en liberté sous condition.
Ce que nous avons entendu des victimes
Notre rétroaction comprenait les remarques suivantes qui reflètent les sentiments et les préoccupations des victimes :
- La plupart des gens connaissent peu le système de justice pénale et le rôle de la victime au sein de celui-ci avant qu’une tragédie se produise.
- Les victimes qui réussissent à s’y retrouver dans le système et s’inscrivent auprès du fédéral bénéficient d’une aide précieuse grâce au programme des agents des services aux victimes (ASV) du Service correctionnel du Canada. Au fil du temps, les victimes développent des relations de confiance avec leur ASV et comptent sur celui-ci.
- Lorsqu’un délinquant est transféré, pour diverses raisons, à une administration provinciale ou territoriale (par exemple, pour passer devant un tribunal), la victime n’a plus accès aux services fédéraux d’aide aux victimes. La victime doit apprendre à s’y retrouver dans un nouveau système provincial ou territorial, rétablir des relations de confiance et trouver des personnes-ressources.
- Cette transition peut occasionner des niveaux de stress et d’anxiété élevés, lesquels peuvent s’aggraver si les victimes sentent qu’on se soucie peu de leurs besoins lors de la transition. Les victimes soulignent l’importance d’une approche plus proactive en matière de communication et d’échange d’information.
- Les victimes sont frustrées lorsqu’elles doivent répéter leurs histoires et leurs pré-occupations à maintes reprises, et trouver les options offertes pour rétablir les mesures de protection et les services dont elles ont besoin. Les victimes peuvent alors sentir qu’on ne s’occupe pas d’elles.
- Les problèmes et les préoccupations en matière de sécurité surviennent lorsqu’une victime n’est pas au courant des déplace-ments du délinquant ni des droits et des occasions dont elle dispose pour recevoir des renseignements et donner son avis.
Nous avons présenté cette rétroaction informelle au Bureau national pour les victimes d’actes criminels au cours de l’exercice 2017-2018.
Nous continuerons d’assurer le suivi de l’examen et ferons le point dans le rapport annuel de l’an prochain.
Mise à jour sur les questions soulevées dans les rapports annuels précédents
Droits des victimes dans le système de justice militaire
Contexte
Dans le rapport annuel du dernier exercice (2016-2017), nous avons signalé que l’ombudsman (précédente) avait présenté un mémoire au Cabinet du Juge-avocat général en novembre 2016 relativement à sa révision du système de la cour martiale des Forces armées canadiennes (la révision globale de la cour martiale) et que le Cabinet avait publié un résumé des mémoires reçus en février 2017.
La révision tenait compte des besoins spéciaux des groupes susceptibles d’interagir avec le système de justice militaire, y compris les victimes. En janvier 2018, le Cabinet du Juge-avocat général a rendu public son rapport interne provisoire sur la révision globale de la cour martiale. Le chapitre 4, qui porte sur les consultations, résume les recommandations que nous avons formulées dans notre mémoire (section 4.4.1) et donne un aperçu des autres mémoires reçus sur les questions touchant les victimes.
Progrès accomplis cette année
Le rapport provisoire reconnaît qu’à l’heure actuelle, la loi n’accorde pas aux victimes des droits liés à l’information, à la participation, à la protection et au dédommagement dans les causes portées devant la cour martiale. Selon le rapport, tous ceux ayant soumis un mémoire traitant des victimes lors des consultations estimaient que dans un système de cour martiale, les victimes devraient pouvoir se prévaloir d’au moins les mêmes droits et d’aussi bonnes ressources que ceux prévus par le système de justice pénale civile au Canada. Certains ont recommandé que les ressources mises à la disposition des victimes dans le système de cour martiale soient même supérieures à celles offertes dans la plupart des systèmes de justice civile.
Par ailleurs, le rapport affirme que l’équipe de la révision globale de la cour martiale a recueilli des commentaires auprès de plusieurs sources qui donnent à penser que bon nombre de personnes estiment que le système de cour martiale actuel n’est pas équitable envers les victimes et ne permet pas de protéger ces dernières contre les conséquences des inconduites commises par le personnel militaire. Plus précisément, l’ombudsman a indiqué à l’équipe de la révision globale que, dans un système de cour martiale, les victimes devraient avoir au moins les mêmes droits que ceux qui leur seraient accordés si l’affaire était jugée dans un système de justice civile.
Perspectives d’avenir
Nous nous réjouissons que les préoccupations des victimes aient été reconnues dans le rapport provisoire. Depuis 2009, nous formulons des recommandations visant à corriger le déséquilibre entre les droits des victimes dans le système de justice militaire et ceux dans le système de justice civile.
Nous espérons que les observations et les recommandations faites à l’équipe de la révision globale de la cour martiale aideront à stimuler l’action dans ce domaine. Nous continuerons de surveiller les progrès accomplis et rendrons compte à ce sujet dans le rapport annuel de 2018-2019.
Veille législative
Nous avons suivi de près les projets de loi pertinents à notre mandat. En voici quelques exemples :
- Le projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, propose des réformes visant à clarifier et à renforcer les lois canadiennes sur les agressions sexuelles.
- Le projet de loi C-65 propose de modifier le Code canadien du travail pour faire en sorte que les lieux de travail sous réglementation fédérale, y compris la Colline du Parlement, soient exempts de harcèlement et de violence sexuelle.
- Le projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, propose des réformes visant à accroître la sécurité des victimes et à clarifier et renforcer les lois pénales dans le contexte de la violence conjugale et des agressions sexuelles.