Lettre adressée au ministre Blair au sujet d’une recommandation de modification – Conditions de la mise en liberté

 

Le 18 août 2020

Par courriel


L’honorable Bill Blair
Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile
269, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario) K1A 0P8

c. c. :  L’honorable David Lametti, C.P., c.r., ministre de la Justice et procureur général du Canada

 

Monsieur le Ministre,


Objet : Recommandation de modification – Conditions de la mise en liberté

Une partie importante de mon mandat à titre d’ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels1 consiste à formuler des recommandations au gouvernement du Canada concernant ses lois, ses politiques et ses programmes afin de mieux les adapter aux besoins des victimes et des survivants d’actes criminels.

C’est ainsi que je vous écris au sujet d’un certain nombre de plaintes que mon bureau a reçues récemment, dans lesquelles les membres de la Commission des libérations conditionnelles du Canada ont imposé des conditions aux délinquants qui ont entraîné des contraintes et des traumatismes supplémentaires pour les victimes. Dans ces cas, la Commission a :

  1. Imposé une ordonnance de non‑communication avec des enfants dans un cas où les victimes étaient toutes des adultes handicapées et vulnérables. Les conditions devraient tenir compte du groupe de victimes directement touchées, en particulier pour les délinquants sexuels.
  2. Accordé une mise en liberté de délinquants dans la même collectivité dans un rayon de 500 mètres de la résidence des victimes, contraignant celles-ci à être assignées à domicile et à vivre dans un sentiment de peur paralysant.
  3. Refusé d’imposer à un délinquant des restrictions géographiques, comme l’avaient demandé les victimes pour leur bien-être psychologique et leur tranquillité d’esprit. Par la suite, la solution qui a été proposée aux victimes consistait pour elles à aviser les Services correctionnels du Canada 48 heures avant d’effectuer tout déplacement dans la région, de manière à permettre à l’agent de libération conditionnelle de veiller à ce que le délinquant ne soit pas présent.

Les victimes dans ces cas ont toutes exprimé des inquiétudes valides selon lesquelles les conditions de la libération conditionnelle imposées aux délinquants ne tenaient pas adéquatement compte des risques posés par le délinquant ou qu’elles avaient une incidence négative sur leur bien-être psychologique. Tous les aspects de la sécurité des victimes devraient être pris en compte par l’autorité compétente, pas seulement la sécurité physique.

L’article 100.1 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, dans sa version modifiée (« LSCMLC »), dispose expressément que la protection de la société est le « critère prépondérant » appliqué par la Commission pour toute décision relative à la libération du délinquant. En outre, selon l’alinéa 101a) de la LSCMLC, on doit tenir compte de toute l’information pertinente relative à l’infraction, et au délinquant, pour prendre de telles décisions. Bien entendu, si la protection de la société est le critère prépondérant, il est raisonnable de s’attendre à ce que les conditions imposées pour la non-communication comprennent les victimes qui ont été précisément visées et agressées et que leur bien-être psychologique soit également pris en compte.

C’est pourquoi je recommande de modifier le paragraphe 133(3.1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous conditions selon lequel l’autorité compétente impose une condition qui porte que le délinquant doit s’abstenir d’avoir des contacts, notamment de communiquer par quelque moyen que ce soit, avec la victime ou la personne visée ou d’aller dans un lieu précisé, pour tenir compte des aspects suivants :

  1. Exiger que l’ordonnance de non-communication nomme et indique expressément la victime ou le groupe de victimes qui ont été directement touchées.
  2. Exiger que des restrictions géographiques soient imposées pour assurer adéquatement la sécurité des victimes en tenant compte à la fois de leur sécurité physique et de leur bien-être psychologique.

Je serais heureuse de pouvoir discuter avec vous de ces aspects très importants qui, à mon avis, sont essentiels à la sécurité des populations vulnérables et concernent les victimes et la société canadienne en général.

 

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.

 

Heidi Illingworth
Ombudsman fédérale des victimes d’actes criminels

 


1 Le mandat de mon bureau consiste à garantir le respect et le maintien des droits des victimes et des survivants d’actes criminels et de permettre au gouvernement fédéral de s’acquitter de ses obligations envers les victimes. Il s’agit notamment de veiller à ce que les victimes et leurs familles aient accès aux programmes et aux services fédéraux spécialement conçus pour leur soutien. En plus de nos efforts continus visant à aider les victimes, nous avons aussi la responsabilité de déterminer et de signaler les problèmes émergents et systémiques qui ont une incidence négative sur les victimes d’actes criminels à l’échelle fédérale. Pour ce faire, nous travaillons en étroite collaboration avec les fournisseurs de services aux victimes et bon nombre d’autres intervenants gouvernementaux et non gouvernementaux pour réaliser notre objectif commun de mettre en place un système de justice qui est mieux adapté aux besoins de l’ensemble de la population canadienne.