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Remarques : Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes

Mme Sue O’Sullivan, ombudsman
Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels
Le 13 février 2004, de 16 h 30 à 17 h 30
Pièce 237-C, édifice du Centre

INTRODUCTION

  • Monsieur le président, membres du Comité, bonsoir.
  • Je vous remercie de m’avoir invitée aujourd’hui pour vous parler du projet de loi C‑479, la Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

MANDAT

  • J’aimerais d’abord vous donner un bref aperçu du mandat de notre bureau.
  • Le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels a été créé en 2007 pour donner une voix aux victimes à l’échelon fédéral.
  • Nous le faisons :
    • en recevant et en examinant les plaintes de victimes;
    • en fournissant des renseignements et des références aux victimes d’actes criminels en vue de promouvoir et de leur faciliter l’accès aux programmes et aux services fédéraux;
    • en promouvant les Principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité;
    • en faisant mieux connaître au personnel de la justice pénale et aux décideurs les besoins et les préoccupations des victimes;
    • en cernant les problèmes systémiques et nouveaux qui influent négativement sur les victimes d’actes criminels.
  • Le Bureau aide les victimes de manière individuelle et de manière collective.
    • Nous aidons les victimes de manière individuelle en leur parlant au quotidien, en répondant à leurs questions et en traitant leurs plaintes.
    • Nous aidons les victimes de manière collective en étudiant des questions importantes et en présentant au gouvernement du Canada des recommandations sur la façon d’améliorer ses lois, ses politiques et ses programmes, de façon à mieux soutenir les victimes d’actes criminels.

OBSERVATIONS INTRODUCTIVES

  • J’aimerais d’abord remercier M. Sweet pour son travail relatif au projet de loi, ainsi que pour avoir reconnu le rôle utile que les victimes doivent jouer dans le système canadien de justice pénale.
  • Comme je l’ai mentionné, mon travail consiste à aider les victimes d’actes criminels au Canada. Au cours de mon mandat précédent et de mon mandat actuel, j’ai eu le privilège d’entendre des centaines de victimes un peu partout au pays.
  • J’ai constaté que les victimes sont surtout préoccupées par la façon dont elles sont traitées au sein du système de justice pénale et à l’extérieur de celui-ci.
  • Plus particulièrement, j’ai constaté que, bien que leurs besoins et leurs préoccupations soient uniques et varient de l’une à l’autre, toutes les victimes veulent ecirc;tre informées, prises en considération, protégées et soutenues.
  • Il ne fait aucun doute à mes yeux que le projet de loi C-479 vise à prendre en considération et à inclure davantage les victimes d’actes criminels dans notre système de justice pénale, et j’appuie pleinement ces aspects du projet de loi.
  • Je pense que le projet de loi C-479 propose des modifications utiles à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui amélioreraient grandement la manière dont les victimes sont traitées et prises en considération dans le processus.
  • En fait, bon nombre de ces modifications vont dans le sens des recommandations que notre bureau a formulées dans le passé.
  • Cela étant dit, je pense que certains amendements mineurs renforceraient le projet de loi, et j’aimerais en faire part au Comité aujourd’hui.

Projet de loi C-479

Modifications concernant l'information communiquée aux victimes

  • Le projet de loi C-479 vise à régler le problème du manque de renseignements qui sont communiqués aux victimes, en leur permettant d’obtenir des renseignements additionnels au sujet du délinquant qui leur a causé un préjudice.
  • à cette fin, le projet de loi propose de confier à la Commission nationale des libérations conditionnelles (la CNLC) la tâche de fournir l’information aux victimes de manière discrétionnaire, afin d’assurer que les victimes la reçoivent.
  • J’appuie fortement cette modification. J’aimerais cependant proposer un amendement.
  • Dans sa version actuelle, le projet de loi propose de rendre obligatoire la communication de certains renseignements seulement qui est maintenant discrétionnaire. Je proposerais que tous les renseignements dont la communication est actuellement discrétionnaire soient fournis aux victimes automatiquement, à moins qu’une raison touchant la sécurité empecirc;che de le faire.
  • Si le principe du projet de loi est d’assurer aux victimes un accès plus grand à l’information, je ne vois aucune raison de ne pas inclure tous ces renseignements.
  • En outre, la liste proposée des renseignements qui seront fournis aux victimes inclut de l’information relative au plan correctionnel du délinquant.
  • Nous avons souvent entendu des victimes dire qu’elles souhaitaient en savoir davantage au sujet des progrès réalisés par le délinquant en vue de sa réadaptation.
  • La Loi sur la sécurité des rues et des communautés (projet de loi C‑10, en 2012) a fait en sorte que certains renseignements concernant le rapport sur la participation aux programmes et les infractions disciplinaires graves d’un délinquant sont maintenant communiqués à la victime par le Service correctionnel du Canada (le SCC) s’il le juge opportun.
  • Or, ce rapport fournit très peu de renseignements à la victime, outre les noms des programmes auxquels le délinquant peut participer, l’état de ces programmes (complet, en cours) et des descriptions générales de leurs objectifs.
  • Le rapport ne fournit pas de l’information sur le risque que le délinquant représente, sur ses progrès et sur sa réadaptation en général. O, c’est cette information que les victimes veulent le plus obtenir.
  • Par contre, le plan correctionnel fournit des renseignements beaucoup plus complets qui seraient utiles aux victimes pour comprendre les risques que le délinquant peut poser, comment ces risques sont gérés et les progrès réalisés par le délinquant, le cas échéant, en vue de se réadapter.
  • En conséquence, j’appuie fortement la proposition du projet de loi qui vise à fournir aux victimes plus de renseignements concernant le plan correctionnel du délinquant.
  • En outre, un grand nombre de victimes ont exprimé le désir d’ecirc;tre informées de la perpétration de nouvelles infractions prévues par le Code criminel par le délinquant alors que celui-ci est sous la responsabilité du SCC.
  • Aussi, je recommanderais que le projet de loi C-479 soit amendé afin d’ajouter à la liste des renseignements qui sont communiqués aux victimes tout renseignement relatif à la perpétration de nouvelles infractions prévues par le Code criminel par un délinquant sous la responsabilité du SCC.
  • Enfin, on trouve dans cette partie du projet de loi une omission technique importante qui pourrait réduire à néant les avantages envisagés du projet de loi, une fois qu’il aura été adopté.
  • Le projet de loi propose d’allonger la liste des renseignements qui sont communiqués aux victimes et d’apporter une modification à l’article 142 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui autoriserait la Commission nationale des libérations conditionnelles à fournir de l’Information relative au plan correctionnel du délinquant.
  • Le plan correctionnel est un document relevant du SCC qui est utilisé pour gérer le délinquant pendant qu’il purge sa peine. En conséquence, le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels recommande que le SCC, et non la CNLC, soit autorisé à communiquer cette information, au moyen d’une modification de l’article 26 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, plutôt qu’au moyen d’une modification de l’article 142 seulement.
  • Il en est ainsi également de la notification à la victime de la date de certaines permissions de sortir et de la mise en liberté, ainsi que de la destination du délinquant et du fait qu’il passera à proximité de l’endroit où se trouve la victime pour s’y rendre. Tous ces renseignements sont actuellement fournis aux victimes par le SCC en vertu de l’article 26 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, ce qui n’est pas prévu par le projet de loi.

Modifications concernant le rôle des victimes dans le processus de libération conditionnelle

  • S’il est essentiel de veiller à ce que les victimes soient bien informées, il est tout aussi important de créer pour elles des possibilités de participer au processus et d’établir un environnement qui favorise cette participation.
  • Cela signifie qu’il importe d’offrir aux victimes des choix et des options quant à la façon dont elles peuvent participer au système de justice pénale, afin qu’elles ne se sentent pas intimidées ou craintives et que leur vie et leur situation financière ne soient pas bouleversées.
  • Un bon exemple à cet égard réside dans l’audience de libération conditionnelle.
  • L’audience de libération conditionnelle peut ecirc;tre très importante pour certaines victimes, parce qu’elle représente souvent la première occasion pour elles d’en apprendre davantage au sujet des progrès réalisés par le délinquant vers sa réadaptation, le cas échéant.
  • Pour certaines victimes, il sera important, voire nécessaire, de confronter le délinquant en personne, alors que, pour d’autres, cette idée sera intimidante ou généralement indésirable. 
  • Dans le système actuel, la seule façon dont une victime peut obtenir l’information la plus complète possible au sujet du délinquant qui lui a causé un préjudice et des progrès qu’il a accomplis consiste à assister à l’audience de libération conditionnelle ou à en observer le déroulement en temps réel.
  • Dans le cas des victimes qui craignent de rencontrer le délinquant pour toutes sortes de raisons, y compris la crainte de représailles, il y a un manque évident d’options offertes pour observer le déroulement de l’audience de libération conditionnelle.
  • Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que les victimes peuvent demander d’assister à l’audience par vidéoconférence ou par un système de télévision en circuit fermé. Assister par diffusion Web sécurisé ou branchement audio ne constitue pas une option.
  • Le projet de loi C-479 vise à corriger cette lacune en prévoyant que, dans les cas où une victime ou un membre de sa famille s’est vu refuser la possibilité d’assister à une audience, la Commission prend les dispositions nécessaires pour que cette personne puisse observer le déroulement de l’audience par téléconférence ou par transmission vidéo unidirectionnelle en circuit fermé.
  • Je recommanderais deux amendements à cette proposition.
    • Le texte devrait ecirc;tre modifié de façon à permettre aux victimes non seulement d’ « observer » le déroulement de l’audience, mais d’y participer en lisant les déclarations qu’elles ont préparées.
    • La possibilité d’observer le déroulement d’une audience de libération conditionnelle ou d’y participer par téléconférence, par transmission vidéo unidirectionnelle, par vidéoconférence ou au moyen d’une autre technologie devrait ecirc;tre offerte à toutes les victimes, que leur présence à l’audience ait été autorisée ou non.
  • Nous devons nous rappeler que, pour certaines victimes, le travail, le soin des enfants, de parents âgés ou d’autres membres de la famille, les contraintes financières ou l’angoisse qu’elles ressentent à l’idée de se trouver à proximité du délinquant peuvent les empecirc;cher d’assister à l’audience.
  • Bien que les propositions du projet de loi C-479 visent manifestement à accroître l’accès des victimes aux audiences, elles ne tiennent pas suffisamment compte du fait que, pour bon nombre de celles-ci, il n’est pas toujours possible d’assister à l’audience, que leur présence ait été autorisée ou non.
  • Ce manque d’options quant à la présence à l’audience de libération conditionnelle ne serait pas aussi problématique si les victimes pouvaient avoir accès aux comptes rendus des audiences à une date ultérieure.
  • Dans les faits, cependant, cet accès n’existe pas. En effet, aucune transcription n’est fournie et les victimes n’ont pas la possibilité d’obtenir un enregistrement audio, mecirc;me s’il existe. La victime qui n’a pu assister à l’audience ne peut que demander une copie du registre des décisions, qui expose la décision rendue et les principaux motifs à l’appui de celle-ci. Il ne s’agit cependant pas d’une description complète des renseignements fournis au cours de l’audience de libération conditionnelle.
  • Le projet de loi C-479 reconnaît cette lacune et tente d’y remédier en prévoyant que, lorsque la transcription d’une audience a été effectuée, la Commission en fournit gratuitement une copie à la victime, à un membre de sa famille ou au délinquant qui en fait la demande par écrit.
  • Malheureusement, bien que cette disposition vise à répondre aux besoins des victimes, notre bureau croit comprendre qu’il arrive rarement à l’heure actuelle que des transcriptions soient effectuées. La pratique consiste plutôt à conserver l’enregistrement audio à titre de registre de l’audience de libération conditionnelle.
  • En conséquence, cette modification législative n’aurait pas pour effet d’accroître l’accès des victimes aux comptes rendus des audiences de libération conditionnelle.
  • Le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels a déjà recommandé que les victimes aient accès aux enregistrements audio des audiences de libération conditionnelle pour les écouter, sans les conserver, et qu’un soutien financier soit disponible pour les personnes qui doivent se déplacer vers les endroits où ces enregistrements sont conservés, au besoin.
  • En conséquence, je recommanderais que le projet de loi soit amendé de façon à prévoir que les victimes, les membres de leur famille et le délinquant ont accès, sans frais, aux enregistrements des audiences de libération conditionnelle, qu’il s’agisse d’enregistrements audio, audiovisuels ou autres.

Modifications concernant le délai entre les audiences de libération conditionnelle

  • En plus d’accroître les renseignements que les victimes reçoivent et le rôle qu’elles jouent dans le système, le projet de loi C-479 propose d’espacer davantage les audiences de libération conditionnelle dans le cas des délinquants violents dont la demande de libération conditionnelle est refusée ou dont la libération conditionnelle est annulée ou prend fin.
  • En 2010, le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels a publié un rapport intitulé Pour un plus grand respect des victimes dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, dans lequel il a recommandé que le délai entre les audiences soit porté à cinq ans dans le cas des délinquants purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité ou une peine d’une durée indéterminée, si leur demande de libération conditionnelle est refusée.
  • La principale différence entre cette recommandation et les modifications proposées dans le présent projet de loi concerne les types d’infractions.
  • Alors que notre bureau recommandait ce changement uniquement pour les détenus purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité ou une peine d’une durée indéterminée, le projet de loi vise à augmenter ce délai pour tous les délinquants qui purgent une peine d’emprisonnement d’au moins deux ans pour une infraction accompagnée de violence, soit le meurtre ou une infraction mentionnée à l’annexe 1.
  • Il s’agit là d’un changement majeur, étant donné qu’il pourrait empecirc;cher certains délinquants qui purgent une peine de plus courte durée pour une infraction accompagnée de violence (et non une peine d’emprisonnement à perpétuité ou une peine d’une durée indéterminée) d’obtenir un autre examen en vue de leur libération conditionnelle avant d’atteindre la fin de leur peine ou la date d’expiration du mandat.
  • En pareil cas, certains délinquants n’auraient peut-ecirc;tre pas la possibilité d’ecirc;tre surveillés dans la collectivité avant d’ecirc;tre mis en liberté à la date d’expiration de leur mandat sans ecirc;tre assujettis à la moindre forme de surveillance.
  • Je ne suis pas une spécialiste en matière de gestion et de réadaptation des délinquants et je ne peux donc pas dire de façon concluante si ce changement est susceptible de nuire à leur réinsertion sociale. 
  • Cependant, je souligne au Comité qu’il s’agit peut-ecirc;tre là d’une question importante qu’il y aurait lieu d’examiner avec un spécialiste compétent en la matière.

CONCLUSION

  • En conclusion, j’aimerais réitérer mon soutien à l’égard du projet de loi C-479 et des changements qu’il propose pour corriger certaines des lacunes qui caractérisent notre système actuel en ce qui concerne la participation et la prise en considération des victimes d’actes criminels ainsi que la communication de renseignements à celles-ci.
  • A mon avis, les amendements que je propose aujourd’hui pourraient permettre d’améliorer considérablement le traitement des victimes d’actes criminels au Canada.
  • Cela étant dit, j’encouragerais le Comité à examiner sérieusement les amendements – de forme et autres – que je propose afin de faire du projet de loi une mesure des plus judicieuses et des plus efficaces qui soit.
  • Je vous remercie d’avoir pris le temps de m’écouter et je répondrai avec plaisir à toutes vos questions.